A deux ans de la prochaine présidentielle, la nécessaire restructuration et dépolitisation de la Commission électorale (Ceni) fait consensus, mais la volonté politique manque. Le dernier rapport du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) avance ses pistes de réforme et espère que la fin de la coalition CACH-FCC ouvre des opportunités de changement.
Depuis 2006, la République démocratique du Congo (RDC) n’a pas connu d’élections crédibles et transparentes. Les trois scrutins ont tous été chaotiques et contestées, provoquant des crises politiques à répétition. La présidentielle de 2018 n’a pas dérogé à la règle. Au coeur de ces crises récurrentes de légitimité, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) fait figure de principale accusée. Le premier reproche adressé à la centrale électorale est son instrumentalisation par les politiques. « Qui contrôle la Ceni gagne les élections » dit-on à Kinshasa.
Après la victoire toujours contestée de Félix Tshisekedi à la présidentielle de 2018, toujours revendiquée par Martin Fayulu, la réforme d’un système électoral à bout de souffle est apparu comme une nécessité. Enrôlement erratique des électeurs, non publication des résultats bureau de vote par bureau de vote, opacité du financement des scrutins… les critiques envers la Ceni ne manquent pas. D’autant que la Commission électorale fait de nouveau l’objet d’âpres batailles entre Félix Tshisekedi et son prédécesseur, Joseph Kabila, autour de la nomination de son président et de la restructuration de son bureau. Un désaccord qui laisse pour l’instant la Ceni sans nouveau président.
Une Ceni toujours fortement politisée
A un peu plus de deux ans des prochaines élections générales de 2023, le Groupe d’étude sur le Congo (GEC), un centre de recherche qui dépend de l’université de New York, a souhaité retracer les enjeux et avancer des propositions pour réformer la Ceni dans la publication d’un nouveau rapport. Intitulé « Réforme de la Ceni en RDC : de nécessaires garde-fous à l’impossible dépolitisation », l’étude menée par les chercheurs du GEC dresse tout d’abord un constat d’échec du système électoral congolais. Un système largement politisé depuis les accords de Sun City de 2002, ou le pouvoir politique et les institutions ont été partagées entre les différents belligérants du dernier conflit congolais et la société civile.
20 ans après les accords de Sun City, la Ceni est toujours fortement politisée. « Les acteurs politiques et sociaux se méfient toujours les uns des autres et ne se font pas confiance, explique l’un des auteurs du rapport, Trésor Kibangula. Sans institutions fortes et républicaines qui rassureraient tout le monde, chacun des acteurs politiques compte sur ses délégués au sein de la Ceni pour défendre ses intérêts. » Les chercheurs du GEC ne se font pas d’illusion sur la possible dépolitisation, pourtant nécessaire, de la Commission électorale. « Pour les prochaines élections de 2023, c’est impossible. La future Ceni sera toujours multiparités et politisée. Ce sont toujours les acteurs politiques qui désigneront les membres de la prochaine Ceni. »
Moins d’influences politiques et plus d’indépendance
Face à l’impossibilité de dépolitiser immédiatement la centrale électorale alors que la bataille fait rage entre le président Félix Tshisekedi et Joseph Kabila pour son contrôle, le GEC propose une série de mesures pour limiter l’influence des politiques sur la Ceni. Parmi les « garde-fous » avancés, le rapport recommande « une composition politiquement équilibrée de la Commission, dans le nombre de délégués, mais aussi dans le mécanisme de management de l’institution afin d’éviter la toute puissance de son président, estime Trésor Kibangula. « L’équilibre politique doit être préservé dans toutes les prises de décisions de la Ceni. »
Le rapport du GEC propose également que les personnes qui siègeront à la Ceni soient indépendantes, même si elles sont envoyées par les partis politiques. « Nous avons imaginé un processus de double validation consensuel des membres de la Ceni, poursuit le chercheur du GEC. Chaque nom proposé par un camp devra être adoubé par l’autre camp et inversement ». Le rapport recommande aussi de rendre les membres de la Ceni « redevables ». « En 2018, la Ceni ont eu à gérer des sommes d’argent colossales (1,4 milliard de dollars, ndlr). Aujourd’hui, les membres de la Ceni n’ont eu de comptes à rendre à personne ! Le rapport d’activité de la Ceni concernant le dernier cycle électoral n’a jamais été débattu à l’Assemblée nationale, alors que c’est une obligation. » Le rapport prône enfin un cadre de discussion « consensuel pour enclencher ce nouveau processus de réforme de la Ceni. »
La volonté politique manque
Plusieurs initiatives citoyennes ou politiques avaient déjà avancées des propositions pour restructurer, réformer et dépolitiser la Commission électorale. Le député d’opposition Christophe Lutundula a été à l’initiative d’un projet de loi, largement entravé et retardé par le bureau de l’Assemblée nationale. L’initiative du G13, composée de 10 députés nationaux, proposait également plusieurs réformes, comme la publication de la cartographie électorale avant le calendrier électoral, ou la publication des résultats bureau de vote par bureau de vote. Idem pour le professeur Bob Kabamba qui avait organisé un forum sur la question.
Si le consensus semble large pour une profonde réforme électorale, la volonté politique semble manquer. « Il y a les discours d’un côté, mais il n’y a pas d’engouement politique pour ces réformes, constate Trésor Kibangula. Il n’y a pas de volonté du côté de l’exécutif. Le projet de réforme de la Ceni n’est pas venu du gouvernement, mais plutôt de députés de l’opposition ou de la société civile. » Pourtant, la crise politique et l’explosion de la coalition entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila peuvent être une chance pour faire avancer la réforme de la Commission électorale. Notamment avec la constitution d’un nouveau pôle présidentiel autour de Félix Tshisekedi et de son « union sacrée ».
Vers un auto-contrôle de la Ceni ?
« Toutes ces personnalités politiques, Tshisekedi, Bemba, Katumbi, qui formeront l’union sacrée ont leur propre agenda politique pour 2023, analyse Trésor Kibangula. Chacun va veiller à ce que Tshisekedi ne tire pas trop la couverture à lui dans la prochaine réforme de la Ceni. Il en sera de même pour les nouvelles troupes du FCC qui arrivent au sein de l’union sacrée. Ce contexte va mettre en place une sorte de système d’auto-contrôle pour que, peut-être, la future Ceni soit plus équilibrée. » Mais la bataille sera rude au sein de l’union sacrée présidentielle pour désigner ses 4 membres qui la représenteront à la Ceni. Le GEC pense que ce contexte politique inédit constitue tout de même une occasion à saisir pour enclencher des réformes qui garantiraient un processus électoral plus juste. « Mais pour cela, les politiques doivent changer les paradigmes du passé » insiste Trésor Kibangula.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
On sait que la Démocratie est un de grands facteurs de développement, tenir des élections libres et crédibles enfin de donner au souverain primaire le dernier mot est capital. Une des raisons que Joseph Kanambe Kabila n’a jamais obtenu l’adhésion populaire au RDC s’explique par le fait, qu’il s’est imposé, l’intrus n’a jamais gagné des elections au RDC.. Le peuple congolais n’a jamais porté son choix sur sa personne. Pourtant, le Congolais typique n’est pas xénophobe, il aurait bien dirigé le pays, personne ne lui tiendrait rigueur de son origine étrangère Tutsi Rwando-Tanzanien. Donc, il faut à tout prix reformer la CENI, il y va de notre avenir comme nation. Pour ma part, j’appuie toutes les nouvelles idées et initiatives mentionnées dans l’article