Des informations circulent sur la possible présence de djihadistes dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Une menace islamiste qu’il faut « nuancer et ne pas exagérer » pour le chercheur Jason Stearns.
A l’heure de la montée en puissance de l’Etat islamique (EI) au Moyen-Orient et de Boko Haram en Afrique, la fièvre djihadiste serait-elle en train de gagner la RDC ? Un récent article de la journaliste belge Colette Braeckman, spécialiste de la région, affirme que de jeunes musulmans seraient recrutés au Sud-Kivu pour être envoyés au Nord-Kivu rejoindre les AFD-Nalu, un groupe armé ougandais à « mouvance islamique ». Un groupe qui serait en contact avec les djihadistes du Kenya et les shebabs de Somalie, liés à Al-Qaida. Des sessions de formation auraient même été effectuées dans la région. La journaliste affirme également que de jeunes recrues du Sud-Kivu, d’origines musulmanes, rejoindraient des « réseaux opérant plus au nord au sein du M23 », l’ex-rébellion vaincue fin 2013 qui se reconstituerait dans la zone.
« Pas d’indices de radicalisation religieuse »
La connivence entre les rebelles ougandais des ADF et des groupes terroristes étrangers n’est pas une information nouvelle. Ce groupe, présent en RDC depuis maintenant 25 ans, est en effet dirigé par un chrétien converti à l’islam, Jamil Mukulu. En lutte contre le président ougandais Museveni, les ADF se sont enracinés dans l’Est du Congo, faute de pouvoir déstabiliser le régime de Kampala. En 2012 déjà, un rapport d’International Crisis Group (ICG) se demandait si les ADF ne représentaient pas « une menace islamique en Afrique centrale ». Suite aux attentats d’Al-Shebab à Kampala en 2010, l’ONU et les services de sécurité ougandais et congolais faisaient état « de la présence de Somalis au sein des ADF ». Mais ces allégations, essentiellement relayées par Kampala et Kinshasa, sont à prendre avec précaution. Crisis Group affirme dans son enquête que « si les fondateurs historiques des ADF (Jamil Mukulu, Yusuf Kabanda, Sheik Kamoga) sont des musulmans en lutte contre Kampala, ce mouvement ne présente pas les caractéristiques d’une organisation islamiste terroriste telle que décrite par les autorités ougandaises ». Et de noter en 2012 : « pas d’indices de radicalisation religieuse ».
« Il ne faut exagérer la menace islamique »
Plus récemment, les experts des Nations unies se sont penchés sur le cas des ADF. Nous sommes en janvier 2015, et le rapport de l’ONU sur la RDC explique ne disposer « d’aucun élément de preuve crédible montrant l’existence de liens, y compris récents, entre les ADF et des groupes terroristes étrangers, dont Al-Qaida, le Mouvement des Shebabs ou Boko Haram ». Une conclusion qui s’appui sur l’audition d’ex-combattants ADF et la consultation du groupe de contrôle de l’ONU sur la Somalie et l’Érythrée. Pour compléter ces informations, Afrikarabia a contacté Jason Stearns, l’un des meilleurs spécialiste de la région. Ce chercheur appartient au Rift Valley Institut (RVI) et au Groupe d’étude sur le Congo (GEC) de l’université de New-York. Il a également dirigé une dizaine de publications sur les groupes armés en RDC. Ironie du sort, Jason Stearns se trouve actuellement à Beni, au Nord-Kivu, pour mener l’enquête sur les massacres à répétition, commis dans la région à l’automne 2014. 300 civils ont été tués par des « présumés rebelles ADF », selon les autorités congolaises. Selon lui, « il ne faut exagérer la menace islamique dans la région. La réalité est beaucoup plus nuancée ».
« Quelques dizaines de recrues par an »
Jason Stearns reste très prudent sur les possibles réseaux islamistes du Nord-Kivu. Le chercheur reconnaît que « presque tous les chefs des ADF sont des Ougandais musulmans islamistes, à l’image de son chef, Jamil Mukulu ». Mais la rumeur de la présence de Shebabs somaliens dans la région de Beni « n’a jamais été confirmée pour quiconque : ONU, chercheurs indépendants ou armée congolaise ». Pour Jason Stearns, il y a de grandes différences entre le fonctionnement des ADF et Boko Haram ou les Shebabs : « les ADF n’ont pas de profil public, ni de porte-parole et surtout ils ne font pas de propagande, régionalement ou même localement ». Si les ADF recrute dans la communauté musulmane congolaise, celle-ci est « très réduite ». « Le mouvement ougandais va effectivement chercher ses recrues à Uvira, Bukavu, Bujumbura et Goma, mais leur nombre se mesure, pour le moment, à quelques dizaines par an seulement ». Le chercheur explique enfin qu’il n’y a pas d’adhésion idéologique ou religieuse chez les nouvelles recrues des ADF : « les rebelles promettent des bourses ou de l’argent, mais ensuite, ils sont obligés de prendre les armes par la force. Certains sont même kidnappés pour intégrer les ADF. Ils sont tout sauf volontaires ». Concernant l’ex-rébellion du M23, Jason Stearns est plus catégorique : « je connais bien ce mouvement et je n’ai jamais entendu parlé de liens avec les réseaux islamistes. Il y a des musulmans au sein du M23, mais ils sont tout à fait minoritaires. Sultani Makanga, le chef militaire est en effet un musulman, mais il n’est pas radical et les principaux responsables du M23 sont en majorité chrétiens ». Pour le moment, « le problème du Congo n’est pas l’islamisme » conclut-il. Après la chute du M23, une vingtaine de groupes armés sont toujours actifs dans les montagnes de l’Est de la RDC.
Menace hypothétique ?
La menace « islamiste » au Kivu n’est visiblement pas encore à l’ordre du jour dans les Kivu. Le risque et les rumeurs sur d’éventuels « djihadistes » est par contre largement exploité par les autorités politiques ougandaises, mais surtout congolaises. Le gouverneur de la province du Nord-Kivu, Julien Paluku, agite depuis maintenant 2 ans le chiffon rouge des islamistes shebabs aux côtés du M23 et des ADF. En 2015, la menace reste toujours hypothétique. Mais face aux rumeurs persistantes, la Belgique a envoyé fin février 2015, 4 instructeurs du renseignement militaire à Kinshasa, selon l’agence Belga. Jusqu’à fin mars, ils doivent « participer à la formation d’analystes, au profit du renseignement congolais », selon Didier Reynders, le ministre belge de la défense. En espérant que cette mission nous en dise un peu plus sur les mouvances islamistes qui circulent entre le Kenya et le Sahel et sur leur présence (ou non) dans les Kivu.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
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Mamou dit :Il faut un e9tat de droit pour arreater ces viols massifs qui de9shonorent la femme cnlaoogise que je suis . Pas de ne9gociation avec des irresponsables, des pilleurs . Assez c est assez. Kabila doit partir , c est tout .