Le budget de la Commission électorale (CENI) a été passé au crible dans un rapport du Centre de Recherche en finances publiques et développement Local (CREFDL). Le document pointe les nombreux dysfonctionnements et les mauvaises pratiques budgétaires dans le financement des élections générales du 20 décembre.
Surfacturation, explosion des effectifs, absence de contrôle interne, passages de marchés publics sans appel d’offres, paiement en cash… Le rapport du CREFDL, soutenu par l’ONG allemande Democracy Reporting International, a analysé méthodiquement la gestion du budget par la Commission électorale, ainsi que les différents marchés passés avec les prestataires internationaux. La liste des anomalies relevées par le rapport est longue comme le bras, et viennent se rajouter à l’organisation chaotique du scrutin et aux montagnes d’irrégularités pendant le vote du 20 décembre. En marge du « gigantesque désordre » électoral dénoncé par l’Eglise catholique, qui pointe les nombreux « incidents et fraudes » du quatrième cycle électoral congolais, la gestion du budget par la CENI semble tout aussi hiératique.
161 millions de dollars dans la nature
Le long rapport de 87 pages s’étonne déjà du coût des élections combinées de décembre, qui sont en hausse de 25,1% par rapport au cycle précédent. Le gouvernement a finalement versé 1,096 milliard de dollar sur les 711 millions budgétés, soit un dépassement de 53,31%. Le hic, c’est que la CENI affirme n’avoir touché que 930 millions. La question, pour l’instant sans réponse, est donc de savoir où sont passés les 161 millions décaissés par le trésor public ? Autre anomalie, selon le CREFDL, « L’origine des fonds payés à la CENI reste inconnue. En 2022, le rapport de la reddition des comptes du ministère des Finances ne retrace pas la source de décaissement de 500 millions de dollars effectué en faveur de la CENI ». Là encore, le mystère plane.
Dotation en véhicules jugée « irrégulière »
L’explosion des effectifs au sein de la centrale électorale est également pointée par les experts du centre de recherche. « Les effectifs du personnel permanent de la CENI sont passés de 1.369 en 2020 à 3.240 en 2022, soit une augmentation de 57,7% », avec de très étranges « disparités des salaires pour des agents de même grade ». Par ailleurs, « La dotation des véhicules aux 15 membres de la CENI, dès leur installation est irrégulière » dénonce le CREFDL. Enfin, le financement de certaines ONG et entreprises par la CENI est des plus opaques. « Dans son rapport financier, exercice 2022-2023, la CENI n’évoque pas l’identité de ces entreprises et ONG bénéficiaires de ces différents financements » note le centre de recherche.
Surfacturation, surévaluation des commandes…
Avec ses prestataires, la centrale électorale n’est guère plus transparente. 83,3% des marchés publics l’ont été de gré à gré, sans appels d’offres. « C’est le cas par exemple des marchés de fourniture des bulletins de vote et des dispositifs électroniques de vote » indiquent les experts en finances publiques. Certains marchés ont également été surfacturés. La CENI a, par exemple, commandé 33.000 machines à voter neuves, pour la somme de 109,8 millions de dollars, afin de compléter son stock. « Après constations des affectations, s’étonne le CREFDL, le montant payé à Miru Systems dégage un dépassement de 62,7 millions ». Il y également eu « surévaluation » de la quantité de cartes d’électeurs et de bulletins de vote commandés par rapport au nombre d’électeurs enrôlés.
Les mauvaises pratiques financières continuent
Enfin, c’est l’absence totale de contrôle qui pose problème. « Sur 467 documents des marchés publics produits et censés être publiés, 13 seulement l’ont été et sont accessibles, 454 documents, par contre, demeurent non publiés » dénonce le rapport. En fait, ce sont les risques de corruption, de blanchiment et de détournements de fonds publics, qui planent sur le budget de la Commission électorale. Visiblement, les leçons des multiples affaires d’escroqueries de la première partie du mandat de Félix Tshisekedi, comme le « programme des 100 jours », les fonds attribués au Covid ou la taxe téléphonique RAM, n’ont pas été tirées. L’exemple le plus incroyable relevé par l’analyse budgétaire de la CREFDL est sans doute ce paiement en argent liquide du gouvernement de 240 millions de dollars en juillet 2023. Les mauvaises pratiques semblent donc perdurer dans l’une des institutions les plus sensibles du pays. Une « indiscipline budgétaire » qui explique en partie les retards dans le déploiement du matériel électoral, et surtout la défiance dans la sincérité d’un scrutin des plus chaotiques.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Bonjour
Aussi sans oublier qu’à chaque fin des élections ces agents vivent des impayement sans une garantie sans prime, sans reconnaissance de la part des tout les parties prenantes.
21 mois d’arrière des salaires du cycle passé aussi maintenant 7 mois salaire.