De passage à Paris, le porte-parole de la Majorité présidentielle, André-Alain Atundu, tente de rassurer sur l’avenir politique de Joseph Kabila, la tenue des élections, les rumeurs de référendum et l’accord de la Saint-Sylvestre.
La République démocratique du Congo (RDC) s’enfonce dans une crise politique de plus en plus tendue. Le mandat du président Joseph Kabila s’est achevé en décembre 2016 sans avoir pu organiser les élections. De retard en report, la présidentielle devrait finalement avoir lieu en décembre 2018, mais certains doutent de sa tenue. Car si la Constitution interdit à Joseph Kabila de briguer un troisième mandat, l’opposition redoute que le président congolais ne manoeuvre pour continuer à s’accrocher au pouvoir.
L’opposition et un collectif proche de l’Eglise catholique ont manifesté les 31 décembre et 21 janvier pour réclamer une clarification de la position présidentielle – voir notre article. Les manifestations ont été réprimées dans le sang et la récente conférence de presse du chef de l’Etat a peu rassuré – voir notre article. Le porte-parole de la Majorité présidentielle, André-Alain Atundu, de passage en France, a accepté pour Afrikarabia de faire une explication de texte.
Afrikarabia : La principale revendication de l’opposition et des organisateurs des dernières marches pacifiques était de demander au président Joseph Kabila de prendre l’engagement de ne pas se représenter à la présidentielle. Au cours de sa dernière conférence de presse, le chef de l’Etat n’a pas vraiment apporté de réponse claire sur son avenir politique, alors que ses opposants l’accusent de vouloir se maintenir au pouvoir.
André-Alain Atundu : Je crois que la bonne foi n’est pas au rendez-vous de la part de l’opposition. Lors de sa dernière déclaration solennelle devant le congrès, il a dit ceci : « ceux qui se préoccupent de mon avenir doivent savoir que mon sort est réglé par la Constitution ». Apparemment cela n’a pas suffit, puisqu’au cours des négociations de l’accord de la Saint-Sylvestre, une des dispositions stipule qu’ayant accompli deux mandats, le président ne peut pas se représenter une troisième fois. On ne peut pas être plus clair.
Afrikarabia : L’accord de la St Sylvestre n’est pas donc caduque, même si la date des élections prévue fin 2017 n’a pas été respectée ?
André-Alain Atundu : Non, l’accord n’est pas caduque. L’accord est toujours valable et court encore jusqu’à la fin des prochaines élections.
Afrikarabia : Dans sa conférence de presse Joseph Kabila a expliqué que les élections coûtaient cher et que le développement économique était aussi important. Est-ce que l’on réfléchit dans la Majorité présidentielle sur des élections moins coûteuses, notamment en passant à un mode de scrutin indirect ?
André-Alain Atundu : Les élections coûtent de plus en plus cher c’est une évidence. En 2006, c’était 350 millions de dollars, les secondes en 2011, 450 millions et actuellement 500 millions. Tout cela pour un budget national de 7 milliards de dollars. Le gouvernement a pris ses dispositions pour que chaque mois soit remis à la CENI la somme dont elle a besoin pour organiser le scrutin. La réflexion sur la réduction du coût des élections apparaît même dans le dispositif de l’accord de la Saint- Sylvestre. Est-ce que le mode indirect réduirait le coût de l’élection ? De toute évidence oui. Mais est-ce que cette réflexion a déjà été menée au sein de la Majorité présidentielle ? Je dis non. Ce mode d’élection est appliqué en Angola, en Afrique du Sud, aux Etats-unis, alors pourquoi ne pas réfléchir à cette option ? Car n’oublions pas que les élections ne sont pas une fin en soi. La finalité est de donner au pays les acteurs nécessaires à son développement. Il n’y a donc pas de choix cornélien entre élections et développement.
Afrikarabia : A seulement dix mois des élections, un changement de mode de scrutin est-il réaliste ?
André-Alain Atundu : Non ! Je dis que cette idée est au niveau de la réflexion. Pour les élections à venir, nous avons déjà un calendrier électoral. Changer de mode maintenant obligerait à modifier la Constitution et à recourir à un référendum. Ce n’est pas ce qui est prévu. Au contraire, dans la majorité, nous nous préparons aux élections. Nous avons mis en place une centrale électorale et un programme d’action.
Afrikarabia : L’opposant Martin Fayulu propose une transition de deux ans, avec des élections repoussées en 2019, mais sans Joseph Kabila, qu’en pensez-vous ?
André-Alain Atundu : C’est à la fois contre la Constitution et contre l’accord de la Saint-Sylvestre. C’est impensable. La majorité est en marche pour préparer les élections. L’opposition, qui n’est pas prête aux élections, alors elle va de contestations en contestations.
Afrikarabia : La prochaine élection présidentielle doit se tenir en décembre 2018, mais la Majorité présidentielle n’a toujours de candidat à présenter ? Est-ce normal ?
André-Alain Atundu : Il n’y a pas que la présidentielle, il y a aussi les législatives. C’est un sujet stratégique. C’est le parti qui va présenter les candidats à tous les niveaux.
Afrikarabia : Cela veut dire que la Majorité présidentielle se prépare à investir un autre candidat que Joseph Kabila ? Puisque si je vous comprends bien, il ne peut pas briguer de troisième mandat ?
André-Alain Atundu : La Majorité se prépare à investir tous les candidats, d’après la Constitution.
Afrikarabia : Donc sans Kabila…
André-Alain Atundu : Est-ce que dans les conditions actuelles, le président peut être candidat ? La réponse est non. A moins que monsieur Fayulu, qui nous propose une transition sans Kabila, initie un référendum pour dire que les élections se dérouleront non pas en 2018, mais en 2019 ! Mais nous, Majorité présidentielle, nous sommes dans la logique du calendrier publié par la Commission électorale avec des élections fin 2018.
Afrikarabia : Sur l’idée d’un possible référendum, on a quand même vu dans les rues de Kinshasa, certains partis proches de la majorité prôner son organisation ? Est-ce qu’un référendum est dans les tuyaux du côté de la Majorité présidentielle ?
André-Alain Atundu : Tous les signataires de l’accord de la Saint Sylvestre : majorité, opposition, société civile… ont pris l’engagement de ne pas modifier la Constitution et de ne pas initier de référendum. Nous ne sommes donc pas dans cette logique. Ceux qui prônent le référendum ne sont pas des partis signataires de l’accord.
Afrikarabia : Que pouvez-dire pour rassurez les Congolais et la communauté internationale, que les élections auront bien lieu en décembre 2018 ?
André-Alain Atundu : Il faut que tout le monde nous juge en fonction de l’engagement pris pour les élections. Qu’on nous juge sur les actes. Aujourd’hui, toutes les conditions sont là. Je ne comprends pas pourquoi Moïse Katumbi ne veut pas rentrer au pays, car il le peut, tout comme Francis Kalombo ou Olivier Kamitatu, pour battre campagne. Moïse Katumbi se dit candidat à la présidentielle, mais il a un problème : il a deux nationalités, ce qui est contraire à la Constitution. Et cela n’est pas la faute de Joseph Kabila.
Afrikarabia : Quelles sont les relations entre la France et la RDC depuis l’élection d’Emmanuel Macron ? Avez-vous vu un changement ?
André-Alain Atundu : Le président Macron est en train de poser ses marques, et en ce qui concerne la RDC, il n’y a pas de problème particulier. Nous attendons que le président Macron puisse venir au Congo. C’est le pays francophone le plus important, mais c’est aussi un partenaire économique qui peut s’avérer très intéressant pour la France. Il faut qu’Emmanuel Macron secoue un peu la timidité française en ce qui concerne les investissements. Pourquoi la France ne financerait-elle pas le métro de Kinshasa ? … je rêve… ou pourquoi pas un nouvel aéroport ?
Afrikarabia : Vos relations sont meilleures avec la France qu’avec la Belgique ?
André-Alain Atundu : La question est de savoir si la France doit rester confortablement installée dans la position de suiveuse de la Belgique ? Je ne le pense pas. L’importance politique, le potentiel et la puissance économique de la France ne la prédestine pas à cette vocation. La France doit avoir l’audace de ses ambitions. Elle doit avoir également la responsabilité morale d’aider un grand pays francophone comme le Congo à émerger. Il n’y pas que la responsabilité, dite historique, de la Belgique, qui d’ailleurs n’est pas à la hauteur de ses responsabilités.
Propos recueillis pas Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Alliez vous dans votre grand pays contre vos seuls vrais ennemis : les famines, les guerres et les maladies au lieu de vous diviser sous de faux prétextes.
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