Alors que des négociations entre le M23 et le gouvernement congolais doivent démarrer mardi 18 mars, les rivalités régionales au sein des institutions du continent brouillent les cartes d’une médiation africaine en manque de cohérence et d’efficacité.

Félix Tshisekedi, peut-il encore compter sur ses frères africains pour ramener la paix en RDC ? Militairement, le président congolais vient d’avoir une dernière déconvenue avec le retrait programmé de la force d’Afrique australe (SAMIDRC) qui va donc plier bagages après avoir échoué à défendre Goma, désormais aux mains des rebelles du M23 et de leur parrain rwandais. Les militaires sud-africains, malawites et tanzaniens de la SADC sont désormais cantonnés dans la base des Nations unies, en attente d’évacuation. L’Afrique du Sud, qui avait envoyé le gros des troupes, a subi la perte de 14 soldats, provoquant de vives polémiques à Pretoria. Cette force avait succédé à celle de l’Afrique de l’Est (EAC), envoyé aussi au Congo pour stabiliser le Nord-Kivu. Mais là encore, la réussite n’a pas été au rendez-vous. Les troupes est-africaines du Kenya ont été accusées d’inactions, voire de complicité avec le M23. Reste l’armée burundaise qui est intervenue à la demande de Kinshasa, mais qui n’a pu empêcher la prise de la ville de Bukavu, au Sud-Kivu, pourtant située dans leur zone frontalière d’influence. Rassuré par Kigali par ce qui ressemble à un pacte de non-agression, le Burundi a fortement réduit son intervention sur le sol congolais. Le président congolais ne peut plus compter que sur le soutien des milices supplétives Wazalendo, composées de groupes armés indisciplinés et incontrôlables.
Une médiation africaine sans dispositif cohérent
Côté diplomatique, Félix Tshisekedi n’est guère plus aidé par ses voisins africains. La médiation de l’Union africaine et des deux institutions sous-régionales de l’EAC et de la SADC tourne à la cacophonie. Qui fait quoi, qui négocie avec qui et sur quelle base ? Difficile de répondre aujourd’hui, tant les processus de négociations se chevauchent, se superposent… pour au final s’annuler. Depuis l’impasse du processus de Nairobi entre Kinshasa et les groupes armés, et l’échec de celui de Luanda, en décembre dernier, entre la RDC et le Rwanda, beaucoup de temps a été perdu pour relancer un dispositif cohérent. A Dar es-Salam, le 8 février, l’EAC et la SADC avaient pourtant décidé de fusionner les deux processus afin d’harmoniser les contenus des discussions : neutralisation FDLR et désengagement des soldats rwandais, puis reprise des négociations directes avec les parties étatiques et non-étatiques, « y compris le M23 ». Le médiateur angolais, João Lourenço avait alors décidé de passer la main, devenant président de l’Union africaine, et trois nouveaux facilitateurs avaient été nommés : les anciens présidents nigérian, Olusegun Obasanjo, kényan, Uhuru Kenyatta, et l’ex-Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn. Mais depuis, plus de nouvelle de la fusion des processus de paix et du trio de médiateurs.
La guerre des blocs régionaux
Comme pour définitivement brouiller les cartes, le médiateur angolais, João Lourenço, sortis par la porte, revient par la fenêtre pour annoncer des négociations directes entre le M23 et le gouvernement congolais à Luanda le 18 mars prochain. Une initiative surprise qui fait fi des décisions actées à Dar es-Salam le 8 février, et qui semble toujours ignorer les trois nouveaux facilitateurs nigérian, kényans et éthiopien, toujours aux abonnés absents. Un imbroglio, ou tout du moins un manque de lisibilité, qui interroge sur les rôles respectifs de l’Union africaine, de l’EAC ou de la SADC dans l’ouverture de négociations par João Lourenço. En fait, les tâtonnements des multiples initiatives de médiations africaines trahissent mal les rivalités régionales au sein des institutions africaines, où chacun tente de tirer la couverture à soi, souvent au détriment du pays concerné : la RDC dans le cas présent. Les enjeux économiques, sécuritaires, politiques et de leadership sont volontiers contradictoires, et chacun y défend sa zone d’influence. Les antagonismes entre la RDC et le Rwanda, les tensions entre l’Angola et le Rwanda, la méfiance entre la RDC et l’Ouganda sont connus de tous. L’EAC est souvent présentée comme favorable au Rwanda, alors que la SADC serait davantage bienveillante envers la RDC. De quoi exacerber les conflits. Dans ce panier de crabes, l’Union africaine peine à imposer son autorité. L’ONU a même récemment demander « une meilleure » coordination entre les institutions africaines.
L’AFC de Nangaa marginalisée ?
Toujours est-il que le 18 mars devrait se tenir une première réunion entre le M23 et Kinshasa, sous médiation angolaise. Reste à savoir si Uhuru Kenyatta, facilitateur du processus de Nairobi, sera présent ? Reste à savoir également qui composera la délégation congolaise ? Côté M23, une lettre d’invitation a été envoyée à Bertrand Bisimwa, le président de la branche politique de la rébellion. Quid de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) de Corneille Nangaa ? Lawrence Kanyuka, le porte-parole de l’ AFC/M23 a demandé que, dorénavant, « toute future correspondance soit adressée à l’Alliance Fleuve Congo ». Un oubli qui en dit long sur la possible volonté de marginaliser la vitrine politique et « congolisée » de la rébellion dans les futures négociations. La présence, ou non, de Corneille Nangaa à Luanda donnera le ton sur la hiérarchie des interlocuteurs choisis par le médiateur et Kinshasa, sachant que l’AFC pèse bien peu sans la puissance militaire du M23. Mais une chose est sûre, ces négociations, si elles ont réellement lieu, se dérouleront dans un rapport de force très déséquilibré, et très favorable au M23 et à son soutien rwandais. Même si un cessez-le-feu a été demandé ce dimanche par le médiateur angolais, la rébellion a poursuivi ces derniers jours son avancée vers l’Ouest, et la ville de Walikale, rencontrant toujours une résistance extrêmement faible de l’armée régulière et de ses milices supplétives. Une situation militaire qui laisse à Kinshasa une marge de manoeuvre extrêmement réduite autour de la table des négociations.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
La complexité de ce conflit change chaque jour et nul ne sait ce qui va arriver demain.
Quelque observations:
– l’avancée de l’armée rwandaise semble être appuyée par des trahisons au sein de l’armée Congolaise (résultat des multiples brassages et mixages des rebellions précédentes).
– plus l’armée rwandaise s’éloigne de ses frontières, plus ses pertes en hommes s’accumulent.
– les populations locales Congolaises meurtries par les envahisseurs semblent se réveiller petit à petit et une résistante s’élève.
– les changements observés dans la hiérarchie militaire rwandaise pointent à un malaise au sein de cette milice.
– les sanctions européennes semblent avoir secoué le pouvoir de Kigali.
Il est à craindre une déstabilisation de l’équilibre social au rwanda qui va réveiller les vieux demons genocidaire dans ce pays.
Une chose est certaine : si le rwandais commence à s’entretuer (comme ils le font tous les 30 ans), ils ne seront pas la bienvenue au Congo, Tanzanie et Burundi…