Les principaux cadres du parti de l’ancien président Joseph Kabila sont convoqués par la justice militaire, accusés de liens supposés avec les rebelles du M23. Aux avant-postes de ce front anti-Kabila, on retrouve son meilleur ennemi, l’ex-ministre de la Défense, Jean-Pierre Bemba.

C’est inédit. Ce lundi, la quasi-totalité de l’état-major du PPRD, le parti de Joseph Kabila, sera convoquée par l’auditorat militaire, avec interdiction de sortie du territoire. 13 cadres de la kabilie devront se présenter devant l’avocat général militaire, au motif « d’éclairer la justice ». Dans la liste des auditionnés, on trouve le numéro 2 du parti, Aubin Minaku, ancien président de l’Assemblée, le secrétaire général, Emmanuel Ramazani Shadary, ex-candidat à la présidentielle de 2018, Tshikez Diemu, ou Francine Muyumba et son époux Patrick Nkanga. Toute la fine fleur du camp Kabila sera entendue. Une convocation d’autant plus étonnante, qu’Aubin Minaku et Emmanuel Ramazani Shadary avaient déjà été auditionnés par cette même justice militaire la semaine passée.
Des indices, mais pas de preuves
Au menu des reproches contre le camp Kabila, les sorties médiatiques répétées de son chef contre Félix Tshisekedi, accusé d’être responsable « du problème congolais », d’une « implosion imminente » et d’avoir été élu en 2023 par un « simulacre » d’élections. Les propos d’Aubin Minaku sur la fin de la « clandestinité » du parti, et ceux de Ramazani Shadary estimant que « l’on ne savait pas ce que le chef [faisait] chaque jour pour que l’on revienne au pouvoir », avaient fini par inquiéter le pouvoir. Car depuis plusieurs mois, les autorités congolaises, et Félix Tshisekedi, répètent à l’envie qu’il y a bien un lien entre la famille politique de Kabila et l’AFC/M23 de Corneille Nangaa. Le chef de la branche politique de la rébellion est en effet, l’ancien président de la Commission électorale (CENI) sous Joseph Kabila, co-auteur du deal qui a porté Félix Tshisekedi à la présidence en 2018. Il y a aussi les nombreux ralliements de cadres du parti kabiliste à l’AFC de Nangaa. Beaucoup d’indices, mais pas de preuves de liens directs.
« Celui qui est derrière le M23 et l’AFC, celui qui les finance, c’est Kabila »
Des preuves, l’ancien ministre de la Défense, Jean-Pierre Bemba, affirme en détenir. Le 5 mars dernier, en plein meeting populaire dans le Kwilu, pour mobiliser les jeunes Congolais à intégrer l’armée nationale, le patron du MLC a violemment chargé l’ancien président d’être responsable de l’insécurité en RDC. A commencé par les provinces du Grand Bandundu, dans le Kwilu, ou le Maï-Ndombe, où sévissent depuis l’été 2022, les milices Mobondo dans le conflit qui oppose communautés Yaka et Téké. En tribune, Jean-Pierre Bemba a accusé Joseph Kabila d’être à la manoeuvre pour déstabiliser la province de Kinshasa voisine. « Nous avons arrêté ces gens-là et les avons interrogés. Ils ont tous avoué et cité le nom de l’ancien président. S’ils veulent des preuves, je les ai toutes » a indiqué l’ex-ministre de la Défense. Et de renchérir : « Après avoir échoué avec son plan au Grand Bandundu, le voilà déstabiliser l’Est. Celui qui est derrière le M23 et l’AFC, celui qui les finance, c’est Kabila. Pourquoi a-t-il quitté le pays si précipitamment ? » L’auditorat militaire qui auditionnera les cadres du PPRD, pourrait être grandement intéressé par les preuves avancées par le chairman, si elles existent.
Bemba-Kabila : pourquoi tant de haine ?
Mais les attaques de Jean-Pierre Bemba ont surtout un arrière-goût de revanche. L’antagonisme entre le deux hommes est ancien et tenace. Ils se sont d’abord affrontés pendant la deuxième guerre du Congo entre 1998 et 2003, alors que le MLC; dirigé par Bemba, et soutenu par l’Ouganda, se battait contre Kabila, appuyé alors par le Zimbabwe et l’Angola. La rivalité entre les deux hommes franchit un nouveau cap après les élections de 2006, où Kabila l’emporte sur Bemba. Les deux camps s’affrontent à l’arme lourde dans Kinshasa, faisant plus de 200 morts, et forçant Jean-Pierre Bemba à l’exil. Enfin, l’affrontement atteint son paroxysme en 2008, avec l’arrestation de leader du MLC à Bruxelles et son incarcération par la Cour pénale internationale (CPI) pendant 10 ans, pour des crimes commis par sa milice du MLC en Centrafrique. Jean-Pierre Bemba a toujours vu la main de Joseph Kabila derrière son arrestation. Autant dire que le contentieux est lourd, et l’animosité forte, entre les deux hommes. Une guerre de tranchées ravivée par le retour tonitruant de Joseph Kabila sur la scène politique congolaise après 6 ans de silence, et à la faveur des victoires du M23.
Sauver le soldat Tshisekedi
Cette offensive généralisée contre Joseph Kabila et son parti démontre une fébrilité inquiétante des autorités congolaises, en difficulté sur le plan militaire, diplomatique, mais aussi politique. Le camp présidentiel cherche ainsi à isoler les soutiens de Joseph Kabila du reste de l’opposition, alors que le président Félix Tshisekedi tente de mettre sur pied un gouvernement d’union nationale censé consolider son assise politique. Le hic, c’est que, pour l’instant, les opposants ne se bousculent pas pour sauver le soldat Tshisekedi en entrant dans un nouvel exécutif élargi. Même les anciens prisonniers politiques, opportunément libérés récemment, Jean-Marc Kabund, Seth Kikuni et Mike Mukebayi, se sont déclarés « ni intéressés, ni preneurs » de l’initiative présidentielle. Idem du côté de Moïse Katumbi, Matata Ponyo ou Delly Sesanga. Contre mauvaise fortune, bon coeur, Félix Tshisekedi a décidé d’agrandir le cercle de sa propre majorité, en ouvrant le présidium de l’Union sacrée à 40 personnalités, sous la houlette du député et constitutionnaliste André Mbata. Affaibli en interne, Félix Tshisekedi cherche à renforcer sa majorité et affirmer ainsi son autorité, notamment en diluant le poids de certains caciques de l’Est, comme Vital Kamerhe, Modeste Bahati. Mais seules des avancées sur le plan militaire ou diplomatique pourraient redonner un peu d’air au président congolais. On en est encore loin aujourd’hui.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
La classe politique de la RDC est comparable aux acteurs d’une comédie qui se joue en directe.
S’ils ne pointent pas la Rwanda pour leurs problèmes, ils se chamaillenent entre eux quand ils s’agit de se disputer des positions politiques. Le reste du temps, ils dépensent sans compter le trésor du pays dans l’espoir de trouver quelqu’un quelque part qui viendrait se battre à leur place. Des armées de certains pays, des mercenaires à la peau blanche, des chercheurs de tout poils ainsi que certains médias « respéctables » en profitent évidamment. Obviously, I can not blame them.