Selon un collectif d’associations de la diaspora, une plainte a été déposée le 10 mars 2017 devant la Cour pénale internationale (CPI) à l’encontre de Joseph Kabila. Qu’en est-il exactement ? Explications.
Le 12 mars dernier, nous avions relayé la plainte d’un collectif d’associations congolaises de la diaspora contre Joseph Kabila devant la CPI. Des associations qui reprochent au président congolais une série d’exactions commises par les forces de sécurité en République démocratique du Congo (RDC). Aucune enquête n’a pour le moment été ouverte, comme nous l’expliquions dans Afrikarabia. Il s’avère pourtant que la CPI ne reçoit pas de plaintes, mais des informations ou des communications. Pour y voir plus clair, nous avons décidé de donner la parole à Benjamin Stanis Kalombo, responsable de l’Aprodec, une des ONG en pointe devant la CPI sur le dossier congolais et membre de la coalition internationale. Car depuis 2012, cette ONG a déposé plusieurs requêtes devant la Cour pénale internationale contre Joseph Kabila. Et les affaires Germain Katanga et Mathieu Gujolo ont démontré de nombreuses connexions entre certaines milices et le président congolais. L’occasion de faire le point sur les actions contre Joseph Kabila à la CPI.
Afrikarabia : le 10 mars 2017, un collectif d’associations a déposé une plainte contre Joseph Kabila. La CPI parle d’informations transmises et non de plaintes. Qu’en est-il ?
Benjamin Stanis Kalombo : le terme de plainte utilisé permet de vulgariser notre action auprès du grand public, mais il s’agit bien d’informations que nous avons transmis au procureure. Mais il faut distinguer l’action des associations de la diaspora et celle de l’Aprodec qui est membre de la coalition internationale pour la CPI et qui a déjà introduit plusieurs informations depuis 2012 à charge contre Joseph Kabila. Concernant les associations de la diaspora, il s’agit en effet d’informations, selon le terme de la CPI, pour les crimes commis sur le territoire congolais. Toutes ces informations communiquées à la CPI rentrent dans le cadre de l’article 13 du statut de Rome concernant la saisine de la Cour qui ne peut se faire que de trois manières : par les Etats parties (membres de la CPI), par le Conseil de sécurité, ou par la procureure de la Cour qui peut ouvrir une enquête sur la base d’informations qu’elle juge crédibles.
Afrikarabia : le 10 mars, qu’elles sont les exactions dénoncées par ces associations de la diaspora devant la CPI ?
Benjamin Stanis Kalombo : il s’agit des exactions les plus récentes dans les Kasaï au cours des violences entre l’armée et les milices du chef traditionnel Kamuina Nsapu. Notamment à la suite de la vidéo montrant des militaires tuant à bout portant des membres désarmés de Kamuina Nsapu. Il s’agit également des crimes commis dans le Kongo central à l’encontre des membres du mouvement politico religieux Bundu dia Kongo. D’autres informations ont été déposées sur les massacres de Beni, Eringeti, mais aussi à propos du massacre des adeptes du pasteur Mukungubila en 2013,. Enfin, il y a les répressions policières des manifestations de janvier 2015 contre la modification de la loi électorale et de septembre 2016.
Afrikarabia : et en ce qui concerne l’Aprodec ?
Benjamin Stanis Kalombo : le 10 mars nous avons déposé des requêtes complémentaires qui faisaient suite à nos plaintes déposées le 19 août 2012. A l’époque nous avions déposé plainte avec des opposants rwandais contre les principaux chefs d’Etat de la région : Paul Kagame, Yoweri Museveni et bien sûr Joseph Kabila en tant que chef des forces de sécurité et des milices pro-gouvernementales. Nous avons ensuite regardé ce qui s’est passé devant la CPI concernant les crimes commis en Ituri, et notamment en 2003 à Bogoro, avec les deux affaires Katanga et Gujolo. Germain Katanga dirigeait les forces de Résistance patriotiques en Ituri (FRPI) et Mathieu Gujolo, le FNI, une milice plus petite. Germain Katanga ont été condamnés à 12 ans de prison en 2014 et Mathieu Gujolo a été acquitté.
Afrikarabia : quel lien avec Joseph Kabila ?
Benjamin Stanis Kalombo : il faut savoir que dans le jugement concernant Germain Katanga, sa responsabilité n’a été que partielle. Il n’était qu’un exécutant des ordres de Kinshasa. Et c’est ce même élément de preuve qui a servi à la libération de Mathieu Gujolo. Il s’agit d’une lettre de Samba Kaputo, le directeur de cabinet adjoint de Joseph Kabila (décédé en 2007 en Afrique du Sud, ndlr), adressée au chef d’Etat major interarmes. Dans ce courrier, le directeur de cabinet donnait l’assurance au militaire que le chef de l’Etat allait bien donner les moyens nécessaires et renforcer les effectifs sur le terrain afin de poursuivre les opérations sur les sites de Bogoro, Mongwalu et Komanda. Samba Kaputo demande au chef d’Etat major de superviser les opérations conjointes entre l’armée régulière (FAC) et l’APC, qui représentait l’aile militaire du parti politique RCD-ML dirigé par Mbusa Niamwisi. C’est Niamwisi qui supervisait les milices comme celles de Germain Katanga et Mathieu Gujolo. Toujours dans cette lettre, le directeur de cabinet de Joseph Kabila promettait des moyens logistiques pour poursuivre la mission et informait le chef d’Etat major que « compte tenu de la sensibilité de la situation, tous les rapports confidentiels doivent être directement adressés au cabinet du chef de l’Etat. » Samba Kaputo pilotait également une structure parallèle appelée Etat Major Opérationnel Intégré (EMOI). Toutes les opérations étaient donc dirigés depuis le bureau de Joseph Kabila. Sa responsabilité est patente dans ce dossier. Nous avons déposé une requête le 7 mai 2015 à la CPI, mais étrangement, je n’ai jamais reçu d’accusé de réception. Ce que je n’explique pas.
Afrikarabia : que demandiez-vous dans cette requête ?
Benjamin Stanis Kalombo : je demandais à la procureure d’accorder une protection spéciale à Mathieu Gujolo qui, après avoir été sur le banc des accusés, était maintenant notre témoin contre Joseph Kabila. On demandait également à la procureure de poursuivre la plus haute personne responsable de ces crimes, c’est à dire le président congolais Joseph Kabila. Mais cette situation était un peu délicate pour la procureure. Après avoir poursuivi Mathieu Gujolo pendant plus de 5 ans, il était difficile à Fatou Bensouda de voir cette même personne devenir son principal témoin.
Afrikarabia : comment expliquer l’inertie de la CPI ?
Benjamin Stanis Kalombo : il y a le problème de Gujolo, qui après avoir été poursuivi deviendrait témoin de la procureure. Et puis, poursuivre Joseph Kabila c’est difficile. Ils ont peut-être acquis d’autres relations au niveau personnel… je ne sais pas.
Afrikarabia : les nouvelles informations apportées le 10 mars dernier sont-elles en mesure de faire bouger la CPI ?
Benjamin Stanis Kalombo : absolument. Ces nouveaux éléments démontrent que tous ces crimes relève d’une planification. Il faut savoir que toutes les milices sont dédoublées et manipulées en RDC. Les miliciens de Kamuina Nsapu qu’on nous présente aujourd’hui n’ont rien à voir avec les proches du chef traditionnel. Ces miliciens viennent d’où ? Ce sont des tueurs professionnels. Ce sont les mêmes que l’on voit à Beni, Lubero… Et on se demande si Joseph Kabila n’est pas dans cette entreprise là ? Nous disons à la procureure qu’elle a les moyens de mettre fin à toutes ces tueries en faisant suite aux deux jugements des affaires Katanga et Gujolo… en poursuivant Joseph Kabila
Afrikarabia : est-ce que les informations transmises le 10 mars 2017 ont été jugées recevables comme nous l’a expliqué le collectif d’ONG de la diaspora ?
Benjamin Stanis Kalombo : non, il y a un problème de terminologie. Après avoir déposé les informations devant la CPI, et ces associations ont reçu un simple accusé de réception et un numéro de dossier. Cet accusé de réception constitue nullement une décision de recevabilité des communications fournies à la CPI. C’est la chambre préliminaire qui décide de la recevabilité du dossier. Pour le moment, il n’y a donc pas d’enquête.
Afrikarabia : comptez-vous poursuivre vos actions devant la CPI contre Joseph Kabila ?
Benjamin Stanis Kalombo : nous déposerons prochainement une nouvelle requête concernant l’absurdité de l’inertie de la procureure.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Mais c’est toujours des scènerios.
toute la situation est bien clair madame la procureure a ete corrompue