La brève arrestation de Jacquemain Shabani, numéro deux du principal parti d’opposition en République démocratique du Congo (RDC) prend une tournure politique. Les autorités congolaises reprochent au secrétaire général de l’UDPS de « porter atteinte à la sûreté de l’Etat » en détenant des documents « compromettants ». L’opposition dénonce une manipulation politique et accuse les renseignements congolais de mauvais traitements.
L’affaire Shabani prend de l’envergure. Ce qui aurait pu être une banale affaire de passeport tourne à l’affaire d’Etat. Depuis sa courte interpellation à l’aéroport de Kinshasa, en partance pour l’Allemagne, Jacquemain Shabani essuie les foudres du régime de Kinshasa et a toujours l’interdiction de quitter le territoire congolais. Dans la soirée du 7 février, le numéro deux de l’UDPS, le principal parti d’opposition au président congolais, est empêché d’embarquer à l’aéroport de Ndjili. Motif : détention « d’un autre passeport que le sien ». Jacquemain Shabani est alors remis entre les mains de l’ANR, le service de renseignement intérieur congolais. Selon Kinshasa, l’ANR découvre toute une série de documents « compromettants » dans les affaires du secrétaire général de l’UDPS : des photos censées illustrées la répression policière après les élections contestées de novembre, mais aussi des tracts destinés aux militaires afin de leur faire rallier l’opposition. Ce document constitue vraisemblablement la pièce la plus « grave » pour le pouvoir en place. Ce tract circule en effet depuis plusieurs jours dans les différentes casernes de la capitale.
Les autorités congolaises ont donc décidé de porter plainte pour « atteinte à la sûreté intérieur de l’Etat » et de demander à Shabani de venir s’expliquer devant la justice congolaise « avant d’aller à l’extérieur ». En clair, Kinshasa ne laissera pas sortir du territoire Jacquemain Shabani sans « explication » sur ses activités d’opposant.
De son côté, l’UDPS réfute toutes ces accusations et accuse à son tour l’ANR d’avoir « torturé » son secrétaire général et souhaite porter plainte. A l’Agence de renseignement, on reconnaît une « bagarre » entre Shabani et ses agents, mais on réfute tout acte de « torture ».
L’affaire Shabani est symptomatique de l’ambiance « à couteaux tirés »qui règne à Kinshasa actuellement. Après des élections présidentielle et législatives très contestées par l’opposition, la majorité peine à sortir d’une crise politique post-électorale profonde. L’affaire Shabani et la « mise en résidence surveillée » du candidat de l’UDPS à la présidentielle, Etienne Tshisekedi, qui ne peut plus sortir librement de son QG de Limete, ressemblent à des règlements de comptes politiques et des opérations d’intimidation de l’opposition. Dans un récent communiqué, l’UDPS dénonce « la stratégie de la dictature » dans laquelle s’est enfermé le président Kabila. Une tentation autoritaire dont le régime de Kinshasa est coutumier.
Christophe RIGAUD