Un rapport de l’ONG The Sentry dénonce les affaires que souhaitaient faire le patron de la Commission électorale (Céni), Corneille Nangaa, après les élections de 2018, entachées d’irrégularités et de corruption.
Le cycle électoral de 2018 en République démocratique du Congo (RDC) n’a pas seulement été chaotique, entaché de graves irrégularités et aux résultats douteux, il a également été très opaque dans sa gestion financière. L’ONG anti-corruption The Sentry s’est plongée dans les différents business du président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), Corneille Nangaa. Dans un rapport sur la corruption autour des élections de 2018, The Sentry explique que le patron de la centrale électorale s’est lancé dans le business des mines, via des sociétés écrans, après le scrutin contesté de décembre.
Fichier électoral : un contrat à 7 millions d’euros
L’affaire démarre avec les soupçons de « détournement de fonds » des fortes sommes d’argent débloquées par la Céni pour organiser les élections de 2016, et reportée en 2018 pour cause de retard dans l’enregistrement des électeurs. En 2017, en pleine crise pré-électorale, alors que les élections tardent à venir, Corneille Nangaa signe « une entente de collaboration » avec deux sociétés, UAB Neurotechnology, une société lituanienne de biométrie, et l’entreprise congolaise Bravo Tozali Compagnie SARL (BTC). Un contrat de gré à gré, sans appel d’offre est alors passé avec la Céni dans l’urgence, et 7 millions d’euros sont attribués au groupement.
Le business des doublons
L’objectif du contrat était d’éliminer les doublons dans le fichier électoral. 1,9 million d’euros étaient destinés à la société BTC pour gérer « les questions administratives ». Au poste de co-fondateur et partenaire minoritaire de BTC, on trouve Roger Abotome Bekabis, que sera élu député dans les élections de 2018 supervisées par Corneille Nangaa, et que l’on retrouvera plus tard associé en affaires avec le patron de la Céni. Des doutes sont soulevés par The Sentry sur l’arrivée de BTC dans ce contrat sur le nettoyage du fichier électoral. L’entreprise est plutôt spécialisée dans l’agriculture, le forage minier, le terrassement et la construction. La qualité du travail d’élimination des doublons est également sujette à caution.
Des doutes sur le nettoyage du fichier électoral
Alors que Neurotechnology affirmait avoir traité 46,5 millions de dossiers, contenant chacun 10 empreintes digitales et une biométrie faciale, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), qui a mené une enquête indépendante, a constaté que 16,6% des inscrits, soit près d’un électeur sur six, n’avaient pas enregistré d’empreintes digitales. « Le nombre d’inscriptions sans empreintes a soulevé des doutes » pointe le rapport de The Sentry, qui s’étonne également de la démission surprise du directeur du Centre national de traitement des données (CNT), Jonathan Seke Mavinga, juste avant la publication du rapport de l’OIF. En septembre 2018, le Comité laïc de coordination (CLC), un collectif proche de l’église catholique, a dénoncé un nouveau fichier électoral « douteux et corrompu ».
Conflit d’intérêts et sociétés écrans
C’est en février 2019, après la publication des résultats contestées des élections présidentielle et législatives, que l’on retrouve Roger Abotome et Corneille Nangaa, tous les deux associés pour créer la société d’exploration minière General Ressources and Services SARL (GRS), comme l’attestent plusieurs documents consultés par The Sentry. Roger Abotome vient d’être élu député de la province d’origine de Corneille Nangaa. Un montage financier complexe est alors élaboré autour de cette société. Car, en fait, ce sont trois autres entreprises qui composent GRS : « le Domaine Agro-pastoral des Uélés SARL (DAU), BTC Mining and Services SARL (BMS) et la Société coopérative Grand Katanga pour le développement SARL. Le DAU était propriétaire de 64,7% des parts, la BMS de 15,4% des parts, et la SCGKD, une société contrôlée par l’homme d’affaires Jean Paul Kaduwa, possédait le reste ». Roger Abotome détenait 30% de BMS.
400.000 dollars en guise de pas-de-porte
Le rapport de The Sentry affirme qu’un protocole d’accord entre les trois sociétés indique avoir formé GRS pour « l’exploration et l’exploitation d’éventuels gisements miniers » dans des zones d’exploitation artisanale couvrant un peu plus de neuf kilomètres carrés du territoire de Kambove dans le Haut-Katanga, province riche en cuivre et en cobalt. Le Domaine Agro-pastoral des Uélés (DAU), contrôlé par Corneille Nangaa et son épouse, aurait accepté de verser 400.000 dollars « en guise de pas-de-porte à la SCGKD, qui était titulaire des zones minières » selon l’ONG. Mais le business minier entre Nangaa et son associé Abome ne verra jamais le jour. Après les élections frauduleuses de 2018, le patron de la Céni fait l’objet de sanctions du Trésor américain avec deux autres cadres de la centrale électorale : le vice-président Norbert Basengezi et le conseiller Marcellin Mukolo.
« On n’a jamais donné l’argent à Nangaa »
Washington accuse alors le patron de la Céni « d’utiliser des sociétés écrans pour détourner des fonds par le biais d’un système de fausses factures, de commissions occultes et de dépenses fictives. » Des accusations qui ont fait renoncer les associés de GRS au projet, selon les déclarations de Roger Abotome à The Sentry. L’associé du chef de la Céni affirme également qu’il n’y a eu aucun transfert d’argent. « Je ne peux pas être jugé pour une affaire qui n’a jamais fonctionné. C’était peut-être l’erreur, parce qu’il y a parfois l’erreur dans la vie, l’erreur de signer avec lui. Mais, Dieu merci, on n’a rien fait. On n’a jamais donné l’argent à Nangaa » se justifie Abome auprès de The Sentry. Quant au président de la Céni, « il a fait suivre les questions posées par The Sentry à ses avocats à Washington qui n’ont pas donné suite », explique l’ONG.
Une urgente réforme de la Céni
Cette affaire n’est pas la première à secouer la Commission électorale congolaise. En 2016, l’ancien banquier et lanceur d’alerte Jean-Jacques Lumumba a affirmé que la Céni avait emprunté illégalement 25 millions de dollars à la banque BGFIBank, liée à l’ancien président Kabila. Sur une période de quatre mois, des représentants de la Céni ont retiré 7,5 millions de dollars en liquide, alors même que la centrale électorale avait déjà eu à sa disposition 55 millions de dollars… toujours en liquide. A maintenant moins de trois ans des prochaines élections, une réforme de la Commission électorale est vivement souhaitée par de nombreux acteurs de la société civile et de la communauté internationale. The Sentry recommande un audit des dépenses de la Céni, puis un contrôle permanent de ses comptes. Mais également faire de l’attribution de marchés sans appel d’offres l’exception, et non la règle et empêcher les conflits d’intérêts futurs. Une réforme qui, pour l’instant, est restée lettre morte.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Une grande contribution pour aider CE pays à lutter contre la corruption.
Un article bien documenté. Félicitations !
Hélas, hélas, l’opportunisme et l’affairisme est un mal commun chez nos hommes politiques, un lourd fléau qui grève le développement de notre pays ! Nanga qui à la Ceni n’a pas été capable d’organiser des élections crédibles, occupé à ne servir que son maitre au pouvoir, n’a pas non plus fait preuve d’une gestion financière transparente. Il en a en effet profité pour s’enrichir à travers fausses factures, diverses autres magouilles et sociétés écrans vers un business dans les mines. Qui le sanctionnera, comment notre pays sortira-t-il de cette gangrène de la corruption, de détournements en règle de deniers publics ?
La corruption actuelle du regime de felix tshisekedi est pire que les annees noire du regime de joseph kabila .
Regardez la corruption et les antivaleurs telle que ca se fait maintenant avec les deputais a l’assemblee nationale et a la justice,jamais meme mobutu n’a utilse une telle fraude, felix sortira comme le president le plus cretin que l’humanite n’a jamais connu
Comme l’a bien souligné, l’autre intervenant, l’opportunisme et l’affairisme sont des maux communs non seulement chez les politiciennes et politiciens congolais mais hélas, dans la société civile aussi. Nanga, Basengezi, Mulunda, Djoli..Minaku, Mabunda, Makila, Shadari, Boshab,Tshibanda, Kalev, Ruberwa, Tambwe, Moise Nyarugabo, Nehémie, Tshibala, Muyumba, le trio » Zoé, Hildengonde Janet, Hippo Joseph Kabila » et autres…, la liste n’étant pas exhaustive. Ces loubards ont non seulement commis des crimes économiques graves mais se sont aussi illustrés dans la torture, la dégradation de la dignité humaine, le mensonge, l’élimination physique des témoins encombrants…Sous d’autres cieux, ces racailles seront jugés publiquement et probablement pendus. Le peuple congolais en bénéficiera, une sorte de cleansing de l’actuelle classe politique est nécessaire.. Curieusement, la plupart de ces godillots ont des avoirs, des biens (Maisons, Immeubles, Appartements, ici, en Occident.