La rébellion congolaise vient de se doter d’une nouvelle structure politique. Ces nominations ressemblent à la composition d’un « gouvernement fantôme », composé de 25 membres. Le M23 ouvre un second front, plus politique et affiche désormais des ambitions « nationales », autour du « départ » du président Joseph Kabila.
Les rebelles congolais du M23 sont dotés depuis le 17 août d’un « cabinet politique », composé d’un président, Bishop Jean-Marie Runiga, d’un chef du haut commandement militaire, le colonel Sultani Makenga et de plusieurs autres « chefs de départements ». Les 25 membres de la nouvelle direction du M23 ressemblent à la composition d’un gouvernement, avec ses différents ministères : relations extérieures, finances, budget, agriculture, justice… Les rebelles, en luttent contre l’armée régulières de Kinshasa depuis avril 2012, contrôlent désormais plusieurs localités du Nord-Kivu, dont les villes de Bunagana ou Rutshuru. Le M23 avait déjà installé dans ces zones ses propres « administrateurs » afin « d’assurer la sécurité des populations » et « d’expédier les affaires courantes ». Avec ce nouveau cabinet politique, le mouvement rebelle fait un pas supplémentaire en créant un « gouvernement parallèle » capable de suppléer les autorités congolaises.
En créant son « shadow cabinet », le M23 politise son mouvement et en profite pour élargir ses revendications. Au départ de la mutinerie, le M23 demande le respect des accords du 23 mars 2009, signés autour de l’intégration des anciens rebelles du CNDP (dont est issu le M23) dans l’armée régulière. Avec le retour de la guerre dans les Kivus, le M23 prétendait ensuite protéger la communauté tutsie des tensions ethniques. Avec le temps, et ses rapides victoires militaires devant des soldats congolais en déroute, la rébellion a décidé de porter des revendications plus larges comme « la bonne gouvernance » ou « le respect du résultats des urnes », référence aux élections contestées de novembre 2011. En fin de course, le M23 a terminé par se faire le porte-voix de l’opposition politique congolaise en demandant, comme elle, le « départ » de Joseph Kabila.
En affichant des ambitions politiques nationales au-delà de leurs simples revendications régionales (autour d’une « autonomie » des Kivus), le M23 continue d’accentuer la pression sur le régime Kinshasa, qui peine à neutraliser les rebelles sur le terrain et à faire avancer l’idée d’une « force armée neutre » pour stabiliser la région. Avec un avantage militaire certain, le M23 a figé ses troupes aux portes de la ville Goma, qu’ils comptent toujours prendre si les négociations n’avancent pas. En ouvrant un second front politique, les rebelles tentent un dernier coup de pression pour faire plier Kinshasa et les pousser à la table des négociations. Il est donc fort à parier que si le gouvernement congolais refuse encore d’ouvrir le dialogue avec les rebelles, le M23 ne reprennent les armes et poussent leur offensive jusqu’à Goma. Les rebelles en ont visiblement les moyens humains.
Dernier élément, le glissement politique du M23 tend également à faire bouger les lignes du côté de l’opposition congolaise, globalement hostile au mouvement rebelle. En créant son « gouvernement fantôme », le M23 cherche à pousser certains partis politiques d’opposition à « choisir leur camp » et ce, dès maintenant. Une initiative qui risque de déstabiliser un peu plus l’opposition qui brille par son absence. Une opposition politique en panne, qui continue de faire le jeu du président Kabila et… du M23, en lui laissant la voie libre.
Christophe RIGAUD
Composition du cabinet politique du M23 :
Président : Bishop Jean-Marie RUNIGA LUGERERO
Chef du haut commandement militaire : Colonel SULTANI MAKENGA
Secrétaire exécutif : Mr François RUCOGOZA TUYIHIMBAZE
Département des affaires politiques et administration du territoire : Mr SENDUGU MUSEVENI
Département des relations extérieures et de la coopération régionale : Me René ABANDI MUNYARUGERERO
Département des affaires sociales et humanitaires : Dr Alexis KASANZU
Département des Finances, Budget et Ressources Naturelles : Mr Justin GASHEMA
Département de l’Agriculture, Pêche et Élevage : Mr Déogratias NZABIRINDA NTAMBARA
Département de la Justice et des droits humains : Me Antoine MAHAMBA KASIWA
Département de la Réconciliation et de l’Unité Nationale : Mr Jean serge KAMBASU NGEVE
Département de Rapatriement des refugies et réinsertion des déplacés internes : Ir. Benjamin MBONIMPA
Département du Tourisme, Environnement et Conservation de la Nature : Prof Stanislas BALEKE
Département de la Jeunesse, Sport et Loisirs : Mr. Ali MUSAGARA