Depuis deux semaines, le Nord-Kivu est en proie à d’intenses combats entre des mouvements rebelles et l’armée congolaise. Deux groupes, maintenant distincts, affrontent les soldats de Joseph Kabila : le M23 du colonel Sultani Makenga et les éléments fidèles au général en fuite Bosco Ntaganda, que Kinshasa veut capturer. Au-delà de la guerre entre forces loyalistes et rebelles, une autre bataille a commencé, celle de la lutte d’influence au sein de l’ex-CNDP.
Depuis le 29 avril, deux rébellions défient l’armée congolaise (FARDC) dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Il y a tout d’abord les éléments armés fidèles au général Bosco Ntaganda, un ex-rebelle du CNDP, intégré dans l’armé régulière depuis les accords de paix de 2009 et désormais recherché par Kinshasa et par la Cour pénale internationale (CPI). En fuite, dans son fief du Masisi, Bosco Ntaganda a gagné la zone frontalière entre le Rwanda et l’Ouganda, puis le parc des Virunga. Selon Kinshasa, Ntaganda se serait aujourd’hui réfugié dans la région de Mikeno et Karisimbi.
Il y a une semaine, un nouveau courant au sein du CNDP a opportunément vu le jour. Il s’agit du M23 (Mouvement du 23 mars), qui revendique l’application des accords de 2009 entre la rébellion du CNDP et les autorités congolaises. Cet accord prévoyait, entre autre, la transformation du CNDP en formation politique. Dans un premier temps, cette « nouvelle rébellion« , a été présentée par les médias internationaux comme étant proche de Bosco Ntaganda. Certains sites internet affirmaient même que le M23 protégeaient Ntaganda dans sa fuite. En fait, ce « courant » a été créé par des membres du CNDP « historique« , encore fidèles à son fondateur Laurent Nkunda. Le M23 est donc tout, sauf « proche » de Bosco Ntaganda, qu’il considère comme un traitre. En effet, en 2009 un renversement d’alliance surprise faisait imploser le CNDP. Bosco Ntaganda rejoignait camp de Kinshasa et Laurent Nkunda était arrêté par l’ancien allié rwandais. Pour les membres du M23, il s’agissait d’une trahison pure et simple.
Ala tête du M23, on retrouve aujourd’hui le colonel Sultani Makenga, qui a déserté l’armée avec plusieurs dizaines d’hommes pour se réfugier avec sa troupe d’insurgés dans le territoire de Rutshuru, à la frontière du Rwanda et de l’Ouganda, puis dans la région de Runyoni. Samedi, l’armée congolaise a lancé ses hélicoptères de combats contre le colonel Makenga, sans succès.
Ces deux rébellions font désormais face à l’armée régulière congolaise avec deux objectifs distincts : les pro-Ntaganda veulent sauver leur chef d’une probable arrestation et le M23, plus politique, souhaite recréer un rapport de force avec Kinshasa, pour défendre les intérêts de la communauté tutsi du Nord-Kivu et notamment dans les institutions politiques locales et nationales.
Selon Jean-Paul Epenge, le numéro 2 du mouvement M23, cette confusion entre ex-CNDP, M23 et pro-Ntaganda « a été volontairement entretenue par Kinshasa pour nous diaboliser« , nous a-t-il déclaré. « Il n’y a pas de création d’un autre CNDP ou d’un autre mouvement rebelle« , explique-t-il. « Bosco Ntaganda n’a jamais été fondateur ou président du CNDP. Il a profité de son alliance avec Kinshasa pour imposer son faux CNDP, par traîtrise. Le M23 réactive l’aile militaire pour corriger les erreurs des uns et des autres afin de redémarrer les négociations sur des bonnes bases entre le CNDP et le gouvernement congolais, c’est à dire celles de Nairobi. »
Au Nord-Kivu, deux fronts se sont donc ouverts face aux soldats de Kinshasa. Pour l’instant, les forces armées congolaises (FARDC) semblent contrôler la situation. Mais 3 jours après leur ultimatum, les soldats du président Kabila n’ont toujours pas réussi à mettre la main sur Ntaganda ou à stopper les insurgés du M23. Si pour l’heure, les rebelles ne sont pas en mesure de menacer l’autorité de Kinshasa au Nord-Kivu, ce climat d’insécurité ne peut s’éterniser, au risque de provoquer l’intervention des armées voisines, rwandaises ou ougandaises.
Christophe RIGAUD