Le « modéré » Henri Mova succède à Evariste Boshab aux commandes du parti présidentiel. Un changement de stratégie à la veille de l’ouverture d’un dialogue politique avec l’opposition et de scrutins électoraux cruciaux.
Remaniement dans le camp présidentiel. Le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) affine sa stratégie et change de patron à l’approche d’un long cycle électoral qui devrait débuter par les élections locales et provinciales en octobre. Le parti exfiltre Evariste Boshab, nommé en décembre 2014 ministre de l’Intérieur, et annonce l’arrivée d’Henri Mova au poste se secrétaire général du parti. L’actuel ambassadeur de RDC en Belgique s’impose face à Ramazani Shadari, un temps préssenti pour remplacer Boshab. Selon le PPRD, Evariste Boshab « ne pouvait plus cumuler les deux fonctions de ministre et de responsable de parti politique ». Mais les raisons de ce changement de tête sont plus stratégiques.
Consensus
Exit Boshab « le faucon » et bienvenue à Mova « le modéré ». En changeant de tête, le parti du président Joseph Kabila prépare plusieurs grands rendez-vous du calendrier politique congolais. Il y a tout d’abord le « dialogue » que souhaite impulser le chef de l’Etat avec l’opposition. Les dernières tensions, notamment au sujet du calendrier électoral qui pourrait prendre du retard, avaient crispées le climat politique à Kinshasa. Pour renouer les fils, le PPRD a besoin d’une personnalité plus consensuelle pour ouvrir le débat avec l’opposition. Les violentes manifestations de janvier 2015 à Kinshasa (42 morts) contre le projet de modification de la loi électorale, avaient braqué l’opposition contre le ministre de l’Intérieur Boshab. La personnalité d’Evariste Boshab a toujours été ultra-clivante. Toujours en première ligne pour défendre la politique gouvernementale et les errements autoritaires du régime Kabila, Evariste Boshab n’est visiblement plus « the right person for the right job ». Le ministre de l’Intérieur aura désormais mieux à faire que d’arrondir les angles avec l’opposition. Il devrait superviser le très sensible calendrier électoral et sa bonne mise en place.
Frondeurs, élections, Katumbi…
Plusieurs dossiers chauds attendent le nouveau patron du PPRD. Il devra tout d’abord décrisper les relations du PPRD avec les partenaires de la Majorité présidentielle, Palu, MSR… et autres frondeurs opposés à un nouveau mandat du président Kabila. Il devra ensuite mettre en ordre de bataille le parti pour affronter sept scrutins électoraux en moins de deux ans. Désignation des candidats, alliances avec d’autres partis… la tâche sera rude. Dans la perspective de l’élection présidentielle de 2016, Henri Mova devra enfin gérer le délicat dossier « Moïse Katumbi ». Le tonitruant gouverneur du Katanga, toujours dans la majorité présidentielle, s’émancipe de plus en plus. Des rumeurs le donnent même candidat sous son propre nom à la prochaine présidentielle.
Sérail
Ce sont clairement les qualités « diplomatiques » d’Henri Mova qui l’ont propulsé aux commandes du secrétariat générale du PPRD. En poste à la très sensible ambassade de RDC à Bruxelles, Henri Mova était aussi le représentant de son pays devant l’Union européenne, premier bailleur institutionnel. La forte communauté congolaise de Belgique, ancienne puissance coloniale, et la présence de nombreux opposants et « Combattants » farouchement anti-Kabila, font du poste d’ambassadeur en Belgique une fonction clé dans l’appareil politique congolais. Le camp présidentiel pourra également compter sur la loyauté d’Henri Mova, un « kabiliste pur jus ». Il a occupé de nombreux postes gouvernementaux, aux Transports, à la Communication et comme porte-parole du gouvernement. Dernier atout non négligeable d’Henri Mova : il est originaire du Katanga, une province électorale stratégique pour la Majorité présidentielle en pleine ébullition après le passage de 11 à 26 provinces.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Cher Professeur Mova,
Toutes mes félicitations pour votre promotion aux commandes du parti présidentiel de votre pays.
Vos qualités y feront merveille et révéleront au monde les qualités majeures de la République Démocratique du Congo qui est prête à s’inscrire à SA vraie place dans le concert des nations qui osent se développer.
Pr; Dr. Yves Debaille
Directeur de l’IERST de l’ULI de Bruxelles.
Le choix de Mova à la tête du PPRD est un bon choix stratégique et judicieux. Cependant, Il a bon avoir toutes les qualités humaines et intellectuelles requises mais son parti va le discréditer. Que ferra-t-il pour redorer le blason de son parti? Kabila a montré ses limites quant à sa capacité à bien gérer le pays, même s’il faut reconnaître que son silence est par endroit positif. Le PPRD regorge aujourd’hui en son sein les grands « fossoyeurs » de notre république. Visiblement Kabila a juré de ne jamais punir les corrompus et les corrupteurs. Semble-t-il qu’il les protège même; l’exemple de Boshab est très parlant. Tout en souhaitant bonne chance à Mova, ce prof et écrivain talentueux, je crois par ailleurs personnellement que la tâche ne lui sera pas facile.