La chute de l’inamovible Robert Mugabe, poussé vers la sortie par l’armée et son ancien vice-président, a été suivie avec attention par l’opposition congolaise qui tente de mettre hors-jeu Joseph Kabila.
La démission de Robert Mugabe, 93 ans, dont 37 passés à la tête du Zimbabwe, a suscité une vague d’espoir à Kinshasa, où l’opposition et les mouvements citoyens appellent les Congolais à faire partir Joseph Kabila qu’ils accusent de retarder volontairement les élections pour se maintenir au pouvoir. Malgré la différence d’âge, l’analogie entre les deux présidents saute aux yeux : pouvoir sans partage, répression, corruption à tous les étages et volonté de s’accrocher à son fauteuil, constituent les principaux points communs entre Mugabe et Kabila.
La force de la rue
Première leçon du scénario zimbabwéen : la participation active du peuple au départ du vieux président. A Harare, les Zimbabwéens ont précédé dans la rue, le coup d’Etat de palais de l’armée, puis l’ont ensuite soutenu jusqu’à la démission de Robert Mugabe. En dépit d’une forte répression policière et de conditions de vie difficiles au Zimbabwe, la population a fini par avoir raison du dictateur. Pour le mouvement citoyen Lucha (Lutte pour le Changement), « c’est pratiquement ce qui se passe chez nous en RDC aujourd’hui ». Mais depuis plusieurs mois, l’opposition congolaise peine à faire descendre ses sympathisants dans la rue. En cause : la répression brutale des forces de sécurité congolaises, mais aussi une certaine lassitude des opérations villes mortes, peu efficaces et difficiles à tenir dans la durée en raison d’une crise économique tenace. La rue de Harare a donc fini par avoir raison du vieux Mugabe. « C’est donc une raison de plus de croire en la victoire » espère la Lucha.
L’armée décisive
La seconde raison de la chute de Mugabe réside dans le rôle crucial joué par l’armée zimbabwéenne. C’est en effet l’armée régulière qui a forcé « le vieux » a démissionné, tant en évitant un bain de sang dans la rue. « Il serait naïf de croire que ce scénario peut se répéter à la lettre en RDC, qui a ses particularités. Néanmoins, la RDC a encore au sein de son armée, des officiers consciencieux et des militaires patriotes » veut croire la Lucha. Mais pour l’heure, Joseph Kabila tient la rue et ses forces de sécurité d’une main de fer. Le président congolais a su habilement joué la carte de la Garde républicaine contre l’armée, tout en confiant la répression des manifestations à la police nationale… évitant ainsi de mêler l’armée au maintien de l’ordre. Un choix assumé par le président Kabila, qui a continué d’affaiblir ses régiments en concentrant tous les pouvoirs dans les mains de François Olenga, qui dirige la maison militaire, au détriment du chef d’Etat-Major des armées, Didier Etumba.
« Ne compter sur personne »
Troisième leçon du scénario : l’absence de la communauté internationale, atone dans la crise zimbabwéenne et sans aucun poids sur le déroulement des événements. Ce qui fait dire à la Lucha, « qu’il ne faut pas compter sur l’ONU, les pays occidentaux, la Chine, l’Union africaine ou la SADC pour libérer un peuple de l’oppression ». Selon le mouvement citoyen congolais « chaque peuple doit prendre son destin en main ». Mais attention, la dernière leçon de la chute de Mugabe, est l’incertitude qui plane sur le mode de gouvernance du nouveau président Mnangagwa. L’homme est un cacique du système Mugabe. Le « crocodile » comme est surnommé Mnangagwa, n’a pas la réputation d’être une très grand démocrate et traîne derrière lui une réputation « d’exécuteur des basses œuvres répressives » de l’ex-président déchu. L’armée met rarement en place quelqu’un qui pourrait mettre en cause son pouvoir. Le renversement de Mugabe pourrait faire des déçus.
Comme au Zimbabwe, les opposants congolais n’ont, pour le moment, guère d’autres choix que de s’en remettre à la rue et à l’armée pour se débarrasser du président Joseph Kabila. Le mandat de l’actuel chef de l’Etat s’est achevé le 19 décembre 2016, et le pouvoir prend un malin plaisir à reculer les échéances électorales (2016, puis 2018… ) et à parsemer le chemin des élections d’embûches qui retarderont de nouveau la présidentielle. Pour le moment, ni la mobilisation populaire, ni un quelconque soutien de l’armée, ne sont en vue.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Mr Rigaud,
Pour ma part je tempérerais votre affirmation selon laquelle « la rue de Harare a fini par avoir raison de Mugabe » dans la mesure où elle ne s’y est vraiment précipitée qu’après le signal dé défi de l’armée avec ses troupes déployées et la ‘mise en résidence surveillée’ du despote. Sinon comme les Congolais les Zimbabwéens qui en avaient marre avaient toujours hésité de manifester par peur de la répression de la part de ces ‘forces de l’ordre’ !
Le déclic a bel et bien été le « lâchage public de l’armée » qui a vite ouvertement mis en garde le pouvoir de Mugabe via les criminels’ qui l’entouraient (càd le clan de sa femme) et cela très tôt en même temps que leurs troupes étaient visibles dans la rue…
Cela ne minimise en rien les mérites de la « participation unanime de la population » à la chute du président nonagénaire mais situe les ‘prétextes’ qui ont prévalu comme cela peut donner des pistes aux Congolais : la toute-puissance accordée à la fameuse GR pour protéger la forteresse ‘JK’ diminue le potentiel de l’armée à devenir l’étincelle et le tison d’une révolte au Congo mais n’en empêche pas totalement l’occurrence, même peu armées ces troupes secondaires sont les plus nombreuses et autant défavorisées que le reste de la population…
Au final la « leçon zimbabwéenne essentielle » c’est qu’un « peuple déterminé est à même de bouter dehors un tyran malgré ses parades » et au Congo plus que l’absence d’organisation de la résistance ce sont les bons « prétextes » qui ont fait défaut jusque-là,
Bien entendu dans ces ‘prétextes’ tout fait nombre jusque l’attitude de ceux qui font aujourd’hui partie du pouvoir…