Sans surprise, le Centre Carter a renouvelé ses critiques envers le processus électoral de novembre dernier en République démocratique du Congo (RDC). Comme pour la présidentielle, l’ONG américaine estime que les résultats des élections législatives « manquent de crédibilité » et « sèment le doute » pour « la majorité » les Congolais. Le Centre Carter demande un réexamen approfondi des résultats, ce que n’a pas encore fait la Commission électorale congolaise(CENI).
Dans un rapport publié la semaine dernière, le Centre Carter, présent avant , pendant et après le scrutin de novembre 2011, égrène une longue liste d’irrégularités, de dysfonctionnements, d’anomalies et de lourds soupçons de fraudes, lors des élections présidentielle et législatives en RDC. Une liste impressionnante qui conduit le Centre Carter à estimer que les résultats publiés par la Commission électorale (CENI) « manquent de crédibilité ».
L’ONG américaine, spécialiste des situations « post-conflit » et hors de tout soupçon de partialité, dénonce « la perte de plus de 3.500 plis, lors des opérations de compilation des résultats ». Le Centre Carter explique que « la CENI a suspendu la compilation des législatives le 21 décembre » afin de « résoudre les problèmes, mais a commencé à publier des résultats partiels dans plusieurs circonscriptions le 28 décembre ». L’ONG observe que « la demande d`annulation des résultats de 7 circonscriptions est la preuve de graves problèmes (non divulgués) au cours des opérations de vote et /ou de compilation ».
Le rapport du Centre Carter regrette ensuite l’absence des résultats « par bureaux de vote » et s’étonne des résultats « peu crédibles » de quatre circonscriptions du Katanga, qui ont voté massivement pour le président sortant Joseph Kabila. Dans ces circonscriptions, la CENI a enregistré des résultats « entre 99 et 100% pour le président Kabila ».
Les observateurs électoraux du Centre Carter estiment également qu’environ 3,2 millions de votants (sur les 18 millions inscrits), « ont été enregistrés sur des listes de dérogation (des électeurs votant dans un bureau de vote autre que celui où ils sont inscrits) ». Un nombre « important » qui « reflète les nombreux problèmes de la gestion de la CENI du fichier électoral ». Pour le Centre Carter, « le vote par dérogation permet d`accroître l`accès des électeurs aux urnes », mais « ouvre également la voie à de multiples abus dont le vote des électeurs non enregistrés sur le fichier électoral ou encore le vote multiple ».
A Walikale, au Nord-Kivu, le Centre Carter révèle « d’autres anomalies » en comparant l’élection présidentielle et les législatives, qui avaient lieu le même jour.
Dans cette circonscription, « 28.810 électeurs de plus pour l’élection présidentielle ont été enregistrés par rapport aux élections législatives tandis 4,926 voix supplémentaires ont été enregistrés à Malemba Nkula au Katanga. L’écart dans le taux de bulletins nuls est également intéressant de noter, dans le cas de Tshangu circonscription de Kinshasa, où le taux à atteint presque 10 pour cent dans le scrutin législatif, alors que le scrutin présidentiel a enregistré 3,6 pour cent de bulletins nuls ».
Les résultats des élections (présidentielle et législatives) ont été fortement contestées par l’opposition. Etienne Tshisekedi, candidat de l’UDPS à la présidentielle et arrivé second derrière Joseph Kabila, s’est autoproclamé « président élu » et a annoncé le boycott de l’Assemblée nationale par les députés de son parti. Plus de 500 recours sont actuellement examinés devant la Cour Suprême de Justice (CSJ) de Kinshasa qui doit se prononcer en avril. Mais l’opposition accuse la Cour d’être partiale (plus de la moitié des juges a été changée à la dernière minute par le président Kabila). Le Centre Carter remarque que la CSJ n’a toujours pas publié l’arrêt confirmant la victoire de Joseph Kabila. Concernant les législatives, le Centre Carter « recommande un examen approfondi et une évaluation de l’ensemble du processus électoral (par la Commission électorale) et notamment des examens transparents des résultats par bureau de vote ». « Un tel examen est essentiel pour préparer les élections futures », estime l’ONG américaine. La CENI n’a toujours pas accédé à cette demande, mais promet de le faire avant les prochaines élections : provinciales le 25 mars et sénatoriales le 4 juillet. Pour de nombreux spécialiste électoraux, toute vérification des désormais impossible : de nombreux bulletins de vote ont disparu et les procès-verbaux des bureaux de vote sont souvent incomplets. Un groupe d’experts américains avait déjà tenté le mois dernier de « crédibiliser » le scrutin en apportant une « aide technique » à la CENI… sans succès.
Christophe RIGAUD
Le rapport complet du Centre Carter est consultable en cliquant ici.