Une centaine d’activistes pro-démocratie dénoncent les menaces et les arrestations arbitraires des services de renseignements congolais en Equateur et au Nord-Kivu. Des pratiques qui perdurent malgré les promesses présidentielles.
La missive est adressée au ministre des Droits humains et signée par 100 militants des droits de l’homme, issus des principaux mouvements citoyens congolais. Dans cette lettre, ces activistes des provinces de l’Equateur et du Nord-Kivu racontent les intimidations, les harcèlements, les menaces de mort et les agressions dont ils sont la cible. Dans le viseur des défenseurs des droits de l’homme : l’ANR, l’Agence nationale des renseignements, accusée de faire office de « police politique » sous l’ancien président Joseph Kabila. Seulement voilà, depuis l’arrivée de Félix Tshisekedi à la tête de la République démocratique du Congo (RDC) en 2019, le nouveau chef de l’Etat avait promis de faire respecter l’Etat de droit, de fermer les cachots de l’ANR et de veiller à ce que l’Agence de renseignements ne soit pas un instrument aux mains des autorités politiques. Visiblement, ce n’est pas encore cas.
« Une surveillance accrue des services de sécurité »
Selon ces militants des droits de l’homme, ces mauvaises pratiques n’ont pas disparu. Notamment à Mbandaka, dans la province de l’Equateur. Ils dénoncent l’acharnement dont fait l’objet Joseph Bayoko Lokondo depuis l’année 2020. En janvier, cet activiste avait été arrêté et placé en prison suite à un procès qui l’opposait au gouverneur de l’Equateur et à son conseiller juridique. Le militant dénonçait à l’époque la mauvaise gestion à la tête de la province. Les autorités l’avaient alors accusé d’outrage et de tentative de déstabilisation des institutions provinciales. Joseph Bayoko avait été incarcéré.
Depuis sa sortie de prison, l’activiste « fait l’objet d’une surveillance accrue » des services de sécurité. « Des mouvements suspects ont été constatés aux alentours de sa maison ». Il fait également l’objet d’un avis de recherche par l’ANR, alors que son domicile est connu. Il reçoit enfin des appels anonymes : « Nous connaissons ton adresse et ton lieu de travail, nous finirons par t’arrêter et te transférer directement à Angenga » menace son interlocuteur.
« Un procès qui n’a jamais eu lieu »
Un autre cas d’intimidation inquiète les défenseurs des droits de l’homme. Alors que le mouvement citoyen Lucha organise début avril 2021 des manifestations pacifiques pour exiger le retour à la paix dans les régions de Beni et de l’Ituri, deux activistes, Éric Muhindo Muvumbu et Elysée Kasonia Lwatumba, sont arrêtés par la police en pleine manifestation. Ils sont conduits dans un cachot de l’ANR, au bureau central de Butembo. Ils y passent la nuit et sont violentés avant d’être transférés au Parquet. Trois jours plus tard, ils sont transférés à la prison de Butembo, où ils sont détenus jusqu’à présent sans être informés sur leur sort. Leur procès fixé le 11 Mai 2021 n’a jamais eu lieu.
La situation des droits humains se dégrade-t-elle en République démocratique du Congo malgré l’embellie de 2019 et la décrispation politique qui a suivi l’arrivée à la présidence de Félix Tshisekedi ? Pour la centaine d’activistes qui interpelle le ministre des droits humains, « faire le contrôle citoyen ne devrait pas être criminalisé, moins encore manifester pour le rétablissement de la paix ». Ils plaident pour « une action gouvernementale urgente avant que la situation n’échappe totalement au contrôle ». Ils exigent aussi des services de sécurité provinciaux « de cesser les intimidations, menaces et harcèlements contre les activistes pro-démocratie et défenseurs des Droits humains ». Le collectif demande enfin la libération sans condition des militants de la Lucha de Butembo.
Christophe Rigaud – Afrikarabia