La composition du futur gouvernement congolais se dessine après l’accord politique signé entre le FCC de Joseph Kabila et CACH de Félix Tshisekedi. Et les nouveaux rapports de force tournent largement en faveur de l’ancien président Kabila.
Qui tient la barre en République démocratique du Congo (RDC) ? Sans aucun doute le FCC de Joseph Kabila. Majoritaire à l’Assemblée nationale, bien qu’ayant cédé la présidence à l’opposant Félix Tshisekedi, la coalition de l’ancien président congolais se taille la part du lion dans le nouvel exécutif. Le président Tshisekedi et la plateforme de Joseph Kabila ont récemment signé un accord de partage du pouvoir en vue de la composition du nouveau gouvernement, toujours au point mort depuis l’élection présidentielle de décembre 2018. Dans cet accord entre le FCC de Kabila et CACH de Tshisekedi et Kamerhe, les partisans de l’ancien président se voient attribuer 42 postes ministériels, contre seulement 23 pour l’entourage de Félix Tshisekedi. Un ratio qui respecte les rapports de force au sein de l’Assemblée nationale, mais qui reste en défaveur du nouveau pouvoir congolais.
Les ministères stratégiques attribués au FCC
Vainqueur contesté à la dernière présidentielle, Félix Tshisekedi n’a pas eu d’autre choix que de composer avec la puissante plateforme de son prédécesseur. Cette cohabitation inédite entre les pouvoirs sortant et entrant, devrait pourtant largement tourner en faveur de l’ancien président Kabila. Ultra majoritaire à l’Assemblée, au Sénat et dans les Assemblées provinciales, le FCC devrait également piloter les ministères stratégiques dans le nouveau gouvernement du premier ministre Sylvestre Ilunga. Selon plusieurs indiscrétions, notamment relayées par RFI, la coalition pro-Kabila pourrait se voir attribuer les ministères des finances, des mines, de la justice, de la défense, du plan et du portefeuille. La plateforme présidentielle CACH devrait obtenir les ministères des affaires étrangères, de l’intérieur, mais aussi les hydrocarbures et les télécoms.
Finances, mines, justice, défense…
Le partage du gâteau penche largement du côté du FCC. En tenant, les cordons de la bourse, les minerais, principales ressources au budget de l’Etat, et l’armée, les pro-Kabila contrôlent l’essentiel des commandes du pays. Si on rajoute le ministère du portefeuille qui pilote les entreprises para-étatiques et le ministère de la justice qui permet de maintenir une chape de plomb sur la corruption et de garder un oeil sur les affaires judiciaires des opposants et de la Cour constitutionnelle, gardienne des rendez-vous électoraux… le pouvoir reste clairement dans la mains de Joseph Kabila et de sa plateforme. Dernier pré-carré réservé aux pro-Kabila : la défense. L’ancien chef de l’Etat avait de toute façon pris sein de réorganiser l’Etat-major de l’armée régulière juste avant de quitter la présidence.
Félix Tshisekedi sera-t-il encore audible à l’étranger ?
Félix Tshisekedi pourra-t-il encore peser sur les décisions politiques de la République démocratique du Congo ? Le nouveau président devrait continuer à pouvoir engager la parole de la RDC à l’étranger en conservant les affaires étrangères. Mais sera-t-il crédible et écouté sachant que c’est ensuite le gouvernement qui mettra en musique (ou non) les décisions présidentielles ? Avec le ministère de l’intérieur dans son escarcelle, Félix Tshisekedi pourra tout de même continuer à desserrer l’étau sécuritaire qui empoisonne la vie politique congolaise et les droits de l’homme. C’est sans doute sur ce point que se concentrent les principales avancées du début de la mandature Tshisekedi, même si ces dernières semaines, plusieurs interdictions de manifester ont été émises.
Un budget à la peine
Reste que le nerf de la guerre, les moyens financiers, risquent de cruellement manquer au nouveau président congolais. Sans maîtrise des recettes (mines) et des dépenses (finances), il sera difficile à Félix Tshisekedi de mettre en oeuvre son programme d’urgence pour le pays. En cinq mois de mandature, la présidence a déjà dépensé 97% de son budget, alors que la Primature en a utilisé 80%. Sans maîtrise des finances et avec un budget microscopique de 5,54 milliards de dollars, les marges de manoeuvres du nouveau pouvoir resteront donc très étroites.
Ministres sous surveillance
Autre incongruité du futur exécutif congolais : de nombreux ministres se verront flanqués de vices-ministres, et notamment pour des ministères régaliens. Le ministre de la justice FCC sera accompagné par un vice-ministre CACH. A l’inverse, les ministres CACH de l’intérieur et des affaires étrangères devront cohabiter avec des vices-ministres FCC. Comment vont s’harmoniser les décisions entre les deux alliés aux intérêts souvent diamétralement opposés ? L’avenir nous le dira sans doute. Mais ce que l’on redoute dans le fonctionnement de ce futur gouvernement pléthorique (65 membres), ce sont les risques de blocages permanents qui pourraient mener à une paralysie de l’exécutif et déboucher sur une cohabitation belliqueuse à haut risque entre deux alliés contre nature.
Christophe Rigaud – Afrikarabia