Après la publication des résultats des élections législatives en République démocratique du Congo (RDC), les grandes manoeuvres politiques commencent autour des nominations à la tête du gouvernement et de l’Assemblée nationale. Plusieurs personnalités voient leur leadership renforcé après les élections du 28 novembre. Evariste Boshab, Aubin Minaku, Pierre Lumbi, Jean-Claude Masangu ou Gabriel Kyungu pourraient se voir confier des rôles de premier plan.
La Commission électorale congolaise (CENI) a publié récemment les résultats provisoires de la nouvelle Assemblée nationale. La coalition construite autour de la majorité présidentielle de Joseph Kabila, remporte une majorité de sièges : environ 341 contre seulement 119 pour les différents partis d’opposition. Mais la grande leçon du scrutin (outre les nombreuses irrégularités, que l’on a vite oublié !) repose sur l’éclatement de l’Assemblée nationale en une multitude de petits partis (au moins 94 !). Tous les grands partis ont vu leurs nombres de sièges se réduire, majorité comme opposition. Résultat : le président Kabila se trouve dans l’obligation de gouverner avec une coalition PPRD, PPPD, MSR, PALU, ARC, AFDC…
Au lendemain des résultats des législatives, le temps des nominations a donc commencé… avec ses grandes manoeuvres en coulisse. Joseph Kabila doit prochainement nommer un nouveau Premier ministre et un nouveau Président de l’Assemblée nationale doit également être désigné par la chambre. Reste ensuite la répartition des postes ministériels et des bureaux à l’Assemblée et au Sénat pour faire plaisir aux différents alliés de la Majorité présidentielle… et ils sont nombreux.
Vers un Etat PPRD ?
Pour le poste de Premier ministre, le Président Kabila semble être réduit à un double choix : nommer un homme issu d’un parti de la coalition, comme l’est l’actuel Premier ministre Adolphe Muzito, membre du Palu ou nommer un homme du PPRD, le parti présidentiel, qui est arrivé en tête avec 62 petits sièges. L’option de désigner un membre d’un parti « allié » serait dans la logique et le choix pourrait alors se porter sur Pierre Lumbi du MSR qui a réalisé un très bon score (27 sièges), coiffant un Palu sur le déclin (19 sièges). Mais à Kinshasa, le candidat qui a le vent en poupe s’appelle Evariste Boshab, le patron du PPRD. Si le parti présidentiel a perdu plus de 49 sièges entre 2006 et 2011, Joseph Kabila ne semble pas se résoudre à devenir l’otage de ses alliés, comme ce fut le cas avec le Palu d’Antoine Gizenga et d’Adolphe Muzito. Joseph Kabila pourrait donc s’affirmer en nommant un Premier ministre issu de son propre parti.
Le PPRD est aussi donner gagnant à la tête de l’Assemblée nationale. Le nom d’Aubin Minaku, secrétaire général de la Majorité présidentielle, est le plus souvent cité. Responsable de la plate-forme politique soutenant Joseph Kabila, Aubin Minaku était à la manoeuvre pour organiser les préparatifs des législatives et est également monter au créneau pour défendre les résultats de la présidentiel et des législatives, très contestés par de nombreuses irrégularités. « Je les mets au défi de prouver que la tricherie était planifiée », avait affirmé Aubin Minaku.
« Katanga connection »
Si la primature venait à lui échapper, Pierre Lumbi devrait se retrouver à un poste clé du prochain dispositif gouvernemental du président Kabila. Le très puissant ministre d’Etat en charge des Infrastructures et de la Reconstruction du gouvernement Gizenga est aujourd’hui le très influent conseiller spécial du Chef de l’Etat en charge de la sécurité. Il a notamment mis en place les fameux contrats de partenariat entre la Chine et la RDC. Avec ses 27 sièges aux législatives de novembre, Pierre Lumbi a réussi à rendre son parti, le Mouvement social pour le renouveau (MSR), incontournable à la Majorité présidentielle… et au Président Kabila.
Trois autres hommes forts se sont également distingués lors des dernières élections. Ils viennent tous les trois du Katanga, la province qui a « élu » Joseph Kabila avec des scores records (et douteux)… certains atteignant les 100% ! Il s’agit du conseiller de l’ombre du Président congolais, Augustin Katumba Mwanke, de Gabriel Kyungu, le patron de l’UNAFEC de Lumbumbashi et de Jean-Claude Masangu, le gouverneur de la Banque centrale du Congo.
Augustin Katumba Mwanke, a été « triomphalement » réélu au Katanga, dans sa vile natale de Pweto. L’homme le plus influent de la RDC, selon les notes de Wikileaks, qui décrivent Katumba Mwanke comme « un conseiller de l’ombre qui est parvenu à isoler Kabila, au point qu’il nomme des personnes qui lui sont fidèles à lui et non pas au président ! ». Selon l’administration américaine, Katumba Mwanke est devenu “l’unique point d’accès au chef de l’Etat congolais, alors qu’il n’exerce pas de fonction officielle “. Dans le nouveau mandat de Joseph Kabila, Katumba Mwanke, devrait peut-être trouver un poste plus exposé.
Toujours à la tête de l’Assemblée provinciale du Katanga, Gabriel Kyungu a encore démontré la puissance de son parti, l’UNAFEC (avec ses dérives ethnistes !). A la présidence, on estime que les « très bons scores » de Joseph Kabila au Katanga sont, entre autre, « l’oeuvre » de Gabriel Kyungu. Vieux routier de la politique congolaise, ancien membre du célèbre groupe des 13 à l’origine de l’UDPS, le patron de l’Assemblée provinciale, pourrait jouer un rôle important à Kinshasa.
Le dernier homme en vu sur l’échiquier politique congolais, est le gouverneur de la Banque centrale du Congo, Jean-Claude Masangu. Cet économiste renommé est à la tête de la Banque centrale depuis maintenant 15 ans. Artisan de la victoire de Joseph Kabila au Katanga (encore), Jean-Claude Masangu pourrait lui aussi aspirer à d’autres fonctions plus prestigieuses.
Christophe RIGAUD