La marche des chrétiens organisée en République démocratique du Congo (RCD) par l’Eglise catholique et soutenue par l’opposition n’a pas réussi à mobiliser la population. L’opposition misait beaucoup sur cette marche pour contester la réélection de Joseph Kabila, mais les manifestants ont été dispersés par un impressionnant dispositif policier. L’échec de cette manifestation renforce la légitimité du pouvoir en place. Signe des temps : les Etats-unis, très critiques sur le mauvais déroulement du processus électoral, viennent de reconnaître la victoire de Joseph Kabila à la présidentielle.
Rendez-vous manqué entre l’opposition et les Congolais. L’opposition espérait créer une vague de contestation populaire dans les rues de Kinshasa pour dénoncer « le hold-up électoral » que constitue à leurs yeux la réélection de Joseph Kabila. Le16 février est une date de commémoration importante pour les catholiques congolais puisqu’ils rendent chaque année hommage « aux martyrs de la démocratie congolaise, tombés sous les balles des soldats de Mobutu ». Cette année la coloration de cette manifestation était clairement « anti-Kabila » et dénonçait le manque de transparence des élections présidentielle et législatives de novembre 2011.
Kinshasa avait interdit la manifestation, mais la marche a tout de même eu lieu dans différents points de la capitale. Très rapidement, la police, mais aussi les militants pro-Kabila sont intervenus à coup de gaz lacrymogènes et de machettes, selon les agences de presse présentes sur place. Les heurts ont été particulièrement violents et les ONG locales ont dénombrées 6 arrestations (4 prêtres et 2 religieuses).
Malgré ces affrontements sporadiques, Kinshasa est restée globalement calme ce jeudi. La foule attendue par l’opposition n’est pas venue et a été vite dissuadée par l’important dispositif policier déployé dans la capitale congolaise. L’opposition n’a donc pas réussi son pari « de faire parler la rue » le 16 février comme elle l’espérait.
Un échec qui s’explique par les hésitations de l’opposition sur la stratégie à suivre face à des élections qu’elle conteste. L’opposition est toujours divisée et le leadership naturel qu’Etienne Tshisekedi a su créer lors de la présidentielle s’essouffle un peu, faute de positions claires du « Sphinx de Limete » (qui se tait plus qu’il ne parle). L’UDPS hésite en effet sur la marche à suivre pour « déligitimer » le président Kabila. Tshisekedi prône la politique de la chaise vide à l’Assemblée nationale (boycott des députés UDPS) alors qu’une majeur partie des nouveaux élus à la chambre souhaitent y siéger. Les députés UDPS pensent qu’ils seront « plus utiles et audibles » à l’intérieur de l’Assemblée qu’à l’extérieur. Quant aux autres « ténors » de l’opposition (Kengo, Kamerhe), ils ont complètement disparus de la circulation. La population se demande à juste titre quelle opposition elle soutiendrait, si elle descendait dans la rue : Tshisekedi ? l’armée ? le général Munene ? On l’absence de réponse… elle semble s’abstenir.
L’opposition a donc raté une bonne occasion de se compter dans les rues ce 16 février. Une occasion manquée, qui pourra peut-être se représenter.. mais pas de sitôt. Pendant ce temps le pouvoir en place se normalise. Les Etats-unis, pourtant très critiques sur le manque de crédibilité du scrutin, viennent par la voix de leur ambassadeur à Kinshasa, de reconnaître « la victoire du président Joseph Kabila » à l’élection présidentielle « pour les cinq années à venir ». Une reconnaissance qui pèsera lourd dans le camp occidental.
Christophe RIGAUD