Nouvelle passe d’armes entre Kinshasa et Kigali. Le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, est revenu sur les déclarations de James Kabarebe, le ministre de la défense rwandais. Dans un entretien, James Kabarebe avait nié le soutien de Kagali aux rebelles du M23 et avait violemment attaqué l’armée et le gouvernement congolais. La réponse n’a pas tardé.
Dans une interview au journal Le Soir, le ministre rwandais de la défense, James Kabarebe avait fermement réfuté tout soutien du Rwanda aux rebelles du M23. Un récent rapport de l’ONU avait accusé Kigali de fournir des hommes et des armes au M23, qui se bat contre l’armée congolaise à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Kabarebe affirmait que « chaque fois que quelque chose ne va pas au Congo, on désigne le Rwanda« . Au sujet de l’armée congolaise et de son gouvernement, les attaques étaient nettement plus virulentes : « au Congo il n’y a ni gouvernement ni armée, seulement un grand vide« . Ou encore concernant l’armée : « ils ont échoué parce qu’ils ne peuvent pas se battre. Dans les conditions où ils se trouvent, ils ne tueraient même pas un rat…« .
Propos « arrogants«
Dans sa conférence de presse du 3 septembre, le ministre de l’information de RDC, Lambert Mende en a prfité pour « débrief » l’interview de Kabarebe : « les propos arrogants et discourtois du ministre rwandais à l’encontre du leadership congolais sont révélateurs d’un état d’esprit malsain dans les hautes sphères du pouvoir au Rwanda à l’égard de la RDC et de son peuple« . Selon Lambert Mende, « le gouvernement rwandais s’agite parce qu’il digère mal son échec diplomatique dans la énième crise qu’il a suscitée chez nous« . Et de s’étonner : « pourquoi de tous les neuf voisins de la RDC, seul le Rwanda souffrirait des conséquences de cette prétendue mauvaise gouvernance ? »
Contre-feu
Lambert Mende en a également profité pour immédiatement lancer un contre-feu concernant la polémique sur le retrait de plus de 300 soldats rwandais du territoire congolais. Vendredi, Kigali annonçait en grande pompe le départ de quelques centaines d’hommes de RDC, provoquant une vive controverse dans l’opinion congolaise qui croyait ces soldats partis depuis… 2009 ! L’annonce de Kigali était visiblement destinée à mettre dans l’embarras les autorités congolaises au sujet de la présence « officieuse » de troupes rwandaises chez lui. Pour Lambert Mende, l’opération de retrait menée par Kigali prouve l’existence de soldats rwandais à l’Est de la RDC (ce que Lambert Mende ne dit pas c’est si Kinshasa était courant) et donc validerait le « soutien » de Kigali aux rebelles du M23, qui se trouvent être dans la même zone. Le porte-parole du gouvernement accuse également Kigali d’avoir profité de ce retrait pour « exfiltrer » certains de ses hommes qui « soutenaient » le M23. Selon Lambert Mende, les soldats rwandais ont « préféré rentrer au Rwanda par une zone sous contrôle de la pseudo-mutinerie du M23. Pire, Kigali a refusé toute présence de la Monusco au titre de témoin international de ce mouvement de retrait« … preuve de l’ambiguïté sur la mission de ces soldats rwandais.
Double-jeu ?
L’ambiance s’est donc nettement tendue entre la RDC et Rwanda. Les alliés d’hier se sont lancés dans une course aux invectives qui ne fait (pour l’instant) que renforcer le sentiment violemment anti-rwandais qui prédomine en RDC et principalement dans la capitale, Kinshasa. Il faut dire que depuis 2009, les autorités congolaises avaient déjà toutes les peines du monde à essayer de convaincre son opinion de l’intérêt de son rapprochement avec Kigali. Car jusqu’à l’arrestation du rebelle Laurent Nkunda, le 23 janvier 2009, le Rwanda était alors soupçonné de soutenir la rébellion tutsie du CNDP (comme aujourd’hui avec le M23). Avec l’arrestation de Nkunda, Kagame et Kabila se sont rapprochés, jusqu’à mettre en place des opérations armées conjointes congolo-rwandaises à l’Est du pays. Aujourd’hui, alors qu’une nouvelle rébellion agite le Nord-Kivu, le Rwanda est de nouveau pointé du doigt. Les Congolais ont donc un peu de mal à croire leur gouvernement, lorsque, la main sur le coeur, il dénonce le plan machiavélique de Kigali pour « balkaniser » les Kivus. L’opposition croit plutôt que le pouvoir est toujours sous influence de Kigali et joue double jeu.
Haute Trahison ?
Le 4 septembre, une vingtaine de partis d’opposition demande une mise en accusation pour « haute trahison » du président Joseph Kabila. En cause : la guerre dans les Kivus. Selon les signataires du texte, Joseph Kabila est responsable du fameux accord du 23 mars, dont la rébellion du M23 revendique l’application. Pour l’opposition, « le contenu de cet accord a été délibérément caché, tant aux institutions qu’à la population congolaise« . Sous-entendu : l’accord donnait trop de place aux rebelles du CNDP (devenu M23 aujourd’hui). Le texte de cette coalition d’opposition estime « totalement établie la complicité du pouvoir (Kinshasa, ndlr) avec les agresseurs (Kigali, ndlr) ». En attendant, le gouvernement congolais compose un numéro d’équilibriste, qui sera de plus en plus difficile à tenir avec le temps.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia