Des chercheurs du Projet Usalama se sont plongés pendant 18 mois sur les motivations et les modes de fonctionnement des groupes armés en République démocratique du Congo (RDC). Une analyse instructive pour mieux comprendre les conflits dans cette région.
Que savons-nous des groupes armés et des rébellions qui sévissent depuis maintenant 20 ans en République démocratique du Congo (RDC) ? Pendant un an et demi, les chercheurs du Projet Usalama du Rift Valley Institut (RVI) ont enquêté sur le terrain, essentiellement à l’Est de la RDC. 11 rapports ont ensuite été publiés sur les différents groupes armés, des ex-CNDP au M23 en passant par les Pareco, les Raïa Mutomboki ou les FPRI de la province de l’Ituri (documents à télécharger ici). Les informations contenues dans ces enquêtes sont sans doute les mieux renseignées et les plus à jour pour comprendre l’histoire et les multiples motivations des groupes armés congolais. Une meilleure compréhension de ces groupes permettra-t-elle d’expliquer pourquoi les conflits perdurent depuis si longtemps dans l’Est du Congo ? C’est ce que pensent les membres du Projet Usalama qui ont présenté fin novembre 2013 les conclusions de leurs travaux à Kinshasa.
Des causes déjà identifiées
Pour Jason Stearns, le directeur du Projet Usalama, les objectifs de ces enquêtes étaient tout d’abord d’expliquer la « persistance du conflit« . Les théories communément avancées pour expliquer le conflit congolais, tournaient essentiellement autour de la faiblesse de l’Etat, de l’ingérence du voisin rwandais, des conflits locaux et notamment l’accès à la terre et enfin la course à la prédation des richesses naturelles. Les conclusions du Projet Usalama apportent un éclairage, sinon différent, du moins complémentaire aux causes déjà identifiées du conflit.
Des erreurs à ne pas renouveler
Selon Jason Stearns quatre facteurs expliquent la persistance de la guerre dans les Kivus. « Paradoxalement, explique le responsable du Projet Usalama, le processus de paix mené entre 2003 et 2006 a été une des causes de la perpétuation de la guerre« . Pour le chercheur, « le fait que le RCD (prédécesseur du CNDP et de M23) était à deux doigts de tout perdre à cause du processus de paix, explique la création d’une nouvelle rébellion (CNDP) pour sauvegarder ses intérêts. » Au Congo, les accords de paix portent en effet souvent les germes des nouvelles rébellions. Le Projet Usalama explique ensuite que les nombreux groupes armés (CNDP, M23, FDLR, FNL…) ont eu « un effet démultiplicateur, poussant d’autres groupes à prendre les armes, soit pour les soutenir, soit pour se défendre. » Selon Jason Stearns, les groupes armés se sont également « progressivement détachés des communautés locales au sein desquelles ils étaient apparus dans les années 66 et 90. » Ces groupes armés auraient alors rejoint les « élites » politiques et économique de la région.
L’armée à reconstruire
La « militarisation » de la vie politique congolaise, constitue aussi une des raisons de la persistance de la violence à l’Est, notamment lors des rivalités électorales. D’après l’enquête du Projet Usalama, « la violence est aujourd’hui un outil qu’exploitent les politiciens et les hommes d’affaires pour négocier des postes de pouvoir avec l’Etat. » Les politiciens locaux se servent des groupes armés pour « mobiliser » les électeurs pendant les campagnes électorales. Dernier point soulever par les enquêtes des chercheurs : « les multiples vagues d’intégration des groupes armés dans l’armée nationale n’ont fait qu’affaiblir les FARDC« , toujours en cours de reconstruction.
Les bailleurs engagés « politiquement«
Les voies de sorties de crise sont étroites pour mettre fin au règne des groupes armés en RDC (ils sont encore une quarantaine à sévir à l’Est du pays). Un double objectif est à atteindre pour Jason Stearns : mettre un terme à la violence des groupes armés et réformer en profondeur l’armée régulière (FARDC). Pour à venir à bout des rébellions à répétition, le Projet Usalama estime qu’il faut « démanteler les réseaux de soutien aux groupes armés« . Les chefs militaires de ces groupes doivent être « amenés devant les tribunaux » pour mettre fin à l’impunité qui règne dans la région. Il faut ensuite que les bailleurs de fonds « délaissent les démarches technocratiques » et « s’engagent sur un plan politique« .
Démobilisation – Réinsertion
Les enquêtes du Projet Usalama révèlent enfin une mutation inquiétante des groupes armés sur le terrain. Certains groupes d’auto-défense, qui se sont constitués en réponse à l’insécurité, sont devenus avec le temps eux-mêmes des sources d’insécurité. C’est notamment le cas des groupes Maï-Maï, qui se sont construits en réactions à l’arrivée des rébellions soutenues par le Rwanda (RCD et ensuite du CNDP) ou des Raï Mutomboki qui combattent les milices hutus rwandaises des FDLR. En luttant militairement contre les FDLR, la « franchise » Raï Mutomboki, s’est ensuite démultipliée dans plusieurs territoires de l’Est. Plusieurs groupes locaux autonomes ont alors vu le jour. Selon le Projet Usalama « les conflits avec l’armée congolaise ont augmenté et les exactions contre les populations locales sont devenues de plus en plus fréquentes ». Pour ces groupes, une délicate intégration dans l’armée congolaise est à envisager ainsi qu’un plan de démobilisation et de réinsertion. Pour l’heure, ces deux initiatives sont encore au point mort en RDC.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Pour plus d’informations sur le Projet Usalama vous pouvez consulter le site du Rift Valley Institut (RVI) ici.
Je crois que la justice doit considerer límportance de la reconciliation, donc une justice reconciliative car les crimes ne datent pas seulement des annees 90. Le point de vue sur le blog ‘Eastern DRC Reconciliation & Development Forum’
http://edrcrdf.wordpress.com/2014/02/16/makenga-et-les-crimes-des-guerres-en-rdc-quelles-lecons-et-strategies-pouvons-nous-tirer/
Et la place du congolais , peuple congolais dans tout ça? Et la position des soi-disant amis et partenaires Africains, Occidentaux dans tout ça. Il n’ y a pas d’amis, il y a seulement les intérêts.
Ni l´occident, ni les pays voisins, ni les vendeurs d´armes, ni les congolais qui profitent de ce chaos ne souhaitent pas la paix en RDC. Ce sont les intérêts des différents groupes qui maintiennent cet état d´instabilité.
Pouvez-vous me dire ce que font les 25000 soldtats des Nations Unies en RDC? La RDC a elle-même plus de 200 000 militaires et policiers.
Pouvons-nous imaginer la RDC démocratique, pacifique, juste sans corruptions, avec une bonne éducation et ses ressources minières, etc. L´Europe et la Chine auraient de sérieux problèmes.
Raison pour laquelle, la soi-disante communauté internationale n´aidera jamais la RDC de se réléver. Et, malheureusement les citoyens de la RDC ne se mettront jamais d´accord pour mettre fin aux chaos qu´ils créent toujours.