L’opposant congolais Etienne Tshisekedi rencontrera-t-il François Hollande au prochain Sommet de la Francophonie de Kinshasa ? L’UDPS est en colère contre le président français qui légitime par sa présence le régime « autoritaire et contesté » de Joseph Kabila. Si François Hollande a prévu de rencontrer les partis d’opposition, des voix s’élèvent pour demander à Etienne Tshisekedi de boycotter François Hollande.
La venue de François Hollande au XIVème Sommet de la Francophonie de Kinshasa en octobre prochain, n’en finit pas d’enflammer l’opposition congolaise. L’UDPS, le parti de l’opposant Etienne Tshisekedi avait vivement critiqué la décision de François Hollande de participer au Sommet. « Les intérêts ont pris le dessus sur la démocratie et le respect des droits humains » dénonçait un communiqué du parti. L’UDPS, qui conteste toujours la réélection de Joseph Kabila en novembre 2011, estime que la venue du président français cautionne « la fraude électorale« , « la violente répression des opposants politiques« , « les disparitions » et « les assassinats« . Le parti d’Etienne Tshisekedi, ainsi que la grande majorité de l’opposition congolaise, avaient milité pour le boycott, puis la délocalisation du Sommet dans un autre pays. A l’annonce de la venue du président français, l’UDPS cachait mal sa déception : « la culture française contenue dans la Déclaration des Droits de l’Homme ne peut rayonner dans le monde en cautionnant la tricherie électorales ainsi que les violences et autres crimes. »
A Paris, le président français, avait un tout autre agenda en tête. Pour François Hollande, le Sommet de la Francophonie est l’occasion d’établir « une nouvelle donne » avec l’Afrique. François Hollande souligne que l’enjeu est important pour la France : « en 2050, 80% des Francophones seront africains, 700 millions de femmes et d’hommes« . Concernant la polémique sur sa venue, le président français a assuré qu’il y rencontrerait « l’opposition politique, les militants associatifs, la société civile. C’est le sens de la nouvelle politique africaine de la France: tout dire partout et faire en sorte que ce qui soit dit soit fait« .
La question est maintenant de savoir si l’opposition ne sera pas tentée de rendre au président français « la monnaie de sa pièce » en boycottant François Hollande ? Si du côté des cadres du parti, on prône plutôt l’apaisement, les militants affichent une réelle hostilité à cette rencontre : « Tshisekedi n’a rien à gagner en rencontrant Hollande« , « qu’est-ce que cela changerait au statu quo actuel ?« , « pourquoi légitimer Hollande qui vient lui-même légitimer Kabila ?« , « cette rencontre n’aurait aucun impact« … les critiques sont nombreuses.
Au siège de l’UDPS à Kinshasa, on affirme ne pas avoir eu de contact officiel avec l’Elysée sur une éventuelle rencontre entre les deux hommes. Concernant un hypothétique boycott, le secrétaire adjoint du parti chargé de la communication, Augustin Kabuya est clair : « je pense que s’il y a une demande de rencontre, Etienne Tshiesekedi ne peut pas refuser » a-t-il affirmé à Afrikarabia. « Aucune décision n’est encore prise. Etienne Tshisekedi n’a encore rien décidé« , précise Augustin Kabuya, »tout dépendra de la manière dont cela sera organisé sur place. Pour l’instant on n’en connaît pas encore les modalités« . On sait notamment que l’UDPS dénonce le fait que son président est « bloqué« , en « résidence surveillée » dans sa maison du quartier de Limete.
Certains cadres qui plaident pour une rencontre entre les deux hommes, assure qu’un tête à tête entre Etienne Tshisekedi et François Hollande aurait plus d’impact médiatique qu’un boycott. A l’UDPS, on attend aussi de voir si les « gages » de bonne volonté demandés par la France pour la venue de François Hollande seront honorés : « promouvoir la démocratie et l’Etat de droit« . En clair : réforme de la CENI (Commission électorale) et déroulement du procès Chebeya dans de meilleures conditions (comparution du suspect n°1, John Numbi par exemple).
Pour l’instant, les rumeurs les plus folles courent à Kinshasa autour de la venue de François Hollande. On parle d’une grande manifestation d’organisée par l’opposition le long de la route de la l’aéroport de Kinshasa en guise de « comité d’accueil« . D’autres évoquent même l’accueil de François Hollande par Tshisekedi lui-même ! (on peine à le croire). Une chose est sûre, la manière dont sera reçu le président français et la listes des personnalités d’opposition qu’il rencontrera donnera sans aucun doute le ton de ce voyage sous haute tension.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia