La majorité des députés invalidés de la coalition Lamuka ont finalement été réhabilités par une chambre spéciale de la Cour constitutionnelle. Une décision surprise annoncée sous pression du nouveau pouvoir à Kinshasa.
Arrière toute ! 19 des 23 députés d’opposition aux élections législatives de décembre 2018 ont été repêchés par la Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo (RDC). L’arrêt de la chambre spéciale explique rectifier des « erreurs matérielles », sans plus de précisions. 4 députés proches de Moïse Katumbi et 3 députés du MLC ont notamment été réhabilités.
Ce revirement surprise intervient 3 mois après l’invalidation par la Cour constitutionnelle d’une vingtaine de députés d’opposition au profit de la coalition du FCC de l’ancien président Joseph Kabila. Cette décision avait été vivement contestée par l’opposition qui accuse la Cour constitutionnelle d’être largement aux ordres de Joseph Kabila.
Des arrêts sans appel et sans recours
Mais ce rétropédalage inédit dans l’histoire des institutions congolaises interroge. Les arrêts de la Cour constitutionnelle sont en effet normalement sans appel et sans recours. Ce qui fait dire au président de l’Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme (ASADHO), Jean-Claude Katende, que « la réhabilitation des députés invalidés injustement, contribue à discréditer la Cour constitutionnelle ». Selon lui, c’est sous pression politique que la Cour est revenue sur sa décision. Le président Tshisekedi avait en effet trouvé les invalidations des députés « scandaleuses »
Le MLC de Jean-Pierre Bemba ne décolère pas lui non plus, puisque 5 de ses députés restent toujours invalidés après le réexamen de la chambre spéciale. Cette décision « frisent d’une part, la caporalisation persistante d’une justice constitutionnelle hideuse, truffée de corruption, et démontrent l’acharnement de certains cadres véreux du pouvoir en place à l’encontre du Mouvement de Libération du Congo » fustige le MLC.
Une décision peu lisible
Des députés d’opposition, comme Chérubin Okende, Daniel Safu, ou Raphaël Kibuka ont récupéré leurs sièges à l’Assemblée nationale. Mais d’autres, comme l’artiste Jean Goubald Kalala a été définitivement écarté au profit du ministre du Budget Pierre Kangudia. Le candidat malheureux de la présidentielle de décembre, Martin Fayulu, qui revendique toujours sa victoire sur Félix Tshisekedi, a été confirmé à son siège de député national.
Dans ce brouhaha institutionnel, et peu lisible pour les électeurs Congolais qui se demandent toujours sur leur vote est bien pris en compte dans la désignation de leurs élus, le G7 proche de Moïse Katumbi, propose la création d’une chambre d’appel à la Cour constitutionnelle afin de clarifier la situation. Il faut dire enfin que la décision de réhabilitation de la Cour constitutionnelle ne change en rien à l’équilibre, ou plutôt le déséquilibre politique à l’Assemblée, toujours largement dominé par le FCC de Joseph Kabila et ses 330 députés, alors que la coalition du président Tshisekedi ne dispose que d’une quarantaine d’élus, et seulement une centaine pour l’opposition.
Christophe Rigaud – Afrikarabia