François Beya, le très redouté « monsieur sécurité » du président Tshisekedi, a été arrêté et entendu par les renseignements congolais. En mettant hors-jeu cet ancien fidèle de Joseph Kabila, le chef de l’Etat, poursuit la « dékabilisation » de l’appareil sécuritaire et tente de prévenir d’un possible putsch contre son pouvoir.
Nouveau coup de tonnerre dans le milieu sécuritaire congolais. Après la mort mystérieuse du chef des renseignements militaires, Delphin Kahimbi, la mise à l’écart et la fuite du très redouté patron de l’Agence national de renseignements (ANR), Kalev Mutond, et de l’ex-patron de la police John Numbi, c’est au tour du conseiller spécial en matière de sécurité, François Beya d’être « neutralisé ». Ce samedi, ce sont des agents des renseignements de Kinshasa qui sont venus le cueillir pour l’amener dans les locaux de l’ANR et y être entendu. Ironie de l’histoire, c’est un de ses anciens subalternes, Jean-Hervé Mbelu, nouveau numéro 1 de l’agence de renseignements, qui a souhaité l’entendre. Une courte audition, avant de passer une première nuit dans une cellule de l’agence. Le défenseur des droits de l’homme et avocat, Georges Kapiamba, a pu lui rendre visite pour s’assurer que « la procédure a été conduite dans le respect des droits humains ».
L’homme des coups bas de la République
Drôle de destin pour ce champion du renseignement, passé par le Centre national de documentation (CND) de Mobutu, des formations au Sin Beth israélien et aux Etats-Unis, avant de travailler pour l’ANR, puis de diriger la très puissante Direction générale des migrations (DGM) pendant les années Kabila. François Beya fait partie des quatre ou cinq hauts fonctionnaires à tout savoir des coups bas de la République. Sous Joseph Kabila bien sûr, où il était l’un des rares à pouvoir chuchoter à l’oreille du président, mais aussi sous Félix Tshisekedi. A son arrivée dans le fauteuil présidentiel, le tout nouveau chef de l’Etat n’a pas eu d’autre choix que de collaborer avec « Fantômas », le surnom très évocateur de François Beya. Sa présence à été imposée par Joseph Kabila.
Une taupe de Kabila
Pour l’instant, les raisons de l’interpellation de François Beya restent encore floues et aucune information officielle n’a été diffusée. Ce que l’on sait, c’est que les relations entre François Beya, Félix Tshisekedi et le cercle présidentiel, n’ont jamais été au beau fixe. Arrivé à la présidence après un deal avec son prédécesseur, sans aucun relais dans l’armée, ni dans les milieux sécuritaires, Félix Tshisekedi s’est beaucoup appuyé sur François Beya, fin connaisseur de la machine étatique. Mais « Fantômas » a toujours été perçu comme une taupe de Kabila au coeur du palais de la Nation. L’affaire de la mort mystérieuse de Delphin Kahimbi, le patron du renseignement militaire en est la parfaite illustration. Accusé d’avoir mis sur écoute le président Tshisekedi et ses proches, Kahimbi a été démis de ses fonctions, auditionné… et retrouvé mort avec des traces de pendaison. La justice conclue étrangement à un suicide, alors que les zones d’ombres qui entourent l’affaire sont nombreuses – voir notre article. François Beya avait dû intervenir concernant l’affaire des écoutes et en sait sans doute beaucoup sur le dossier Kahimbi.
« Dékabiliser » de l’appareil sécuritaire
François Beya avait de nombreux ennemis dans le cabinet présidentiel. Notamment Fortunat Bisesele, le conseiller privé du chef de l’Etat, dont Beya a révélé un étrange business de titres miniers pour une somme de 20 millions de dollars. Beya est également soupçonné pour l’entourage présidentiel d’entretenir des liens financiers avec l’ancien président Kabila. Il possèderait plusieurs comptes bancaires reliés à l’ex-président. Mais ce qui a précipité la chute de François Beya, c’est avant la volonté de Félix Tshisekedi de continuer sa lente « dékabilisation » de l’appareil sécuritaire. Kahimbi mort, Kalev en fuite, Numbi en cavale et Beya en prison, permet au président de placer des hommes plus loyaux à ces postes et de mieux contrôler la sécurité de son propre pouvoir, qui, pour le moment lui échappait. D’autant que le chef de l’Etat congolais vient de voir dernièrement plusieurs présidents africains renversés par des militaires, en Guinée, au Mali ou au Burkina-Faso.
Des rumeurs de coup de force ?
La possibilité d’un coup d’Etat est prise très au sérieux à Kinshasa et dans les milieux diplomatiques. Alors que les réseaux sociaux bruissaient de l’arrestation de François Beya, les noms des généraux Jean-Claude Yav et Mayanga Wabishuba étaient présentés comment possiblement aux arrêts pour « préparer un coup de force » en RDC. L’information n’a jamais été confirmée. Mais le simple fait de faire circuler leurs noms après l’arrestation de François Beya, que tout le monde croyait intouchable, suffit pour envoyer un message fort à tous les putschistes en herbe qui pouvaient avoir l’idée de prendre le pouvoir à Kinshasa.
Les pleins pouvoirs
A mesure que les mois passent, Félix Tshisekedi a réussi à reconquérir le pouvoir politique à l’Assemblée, au Sénat, à la Cour constitutionnelle et à la CENI ; à écarter de possibles rivaux ou gêneurs comme Vital Kamerhe et Jean-Marc Kabund : à reprendre la main sur la Banque centrale, la Gécamines et à donner un coup de balai dans l’appareil sécuritaire en écartant Kalev, Numbi et Beya. 2022 risque donc de donner les pleins pouvoirs à Félix Tshisekedi… à moins de deux ans de la présidentielle, où le chef de l’Etat envisage de briguer un second mandat. Il y a peu de hasards en politique.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Un très bon article.
Merçi
Il semble bien selon les connaisseurs de la matière sécuritaire du Congolais et les observateurs attentifs, et j’ai pris leur parti, que la question essentielle à se poser ici n’est pas tant de savoir si François Beya est coupable de projets contre le régime voire d’une tentative de coup d’Etat mais bien que la machine Tshisekedi a trouvé enfin un prétexte de se débarrasser de cet ancien cacique de ‘JK’ que jusque-là il avait été obligé de garder à côté de lui. Autrement dit un « faux coup d’Etat » ourdi dans l’entourage de Tshisekedi plus particulièrement par Fortunat Bisielele autre Conseiller de Thisekedi (par ailleurs canon qui le relie à son ‘faux-frère Kagame) qui a exploité un litige autour d’une mine d’or en Uele pour parfaire la guerre qu’il mène depuis un moment contre Beya. Quelle est la part de Tshisekedi là-dedans ou plus exactement comment a réagi ou régira Tshisekedi dans ce feuilleton ? On aurait compris qu’il se satisfait de l’exclusion de Beya mais ceci est-il à ce point sans rsique pour son mandat et pour le pays comme il semble le croire ? Attendons la suite…
PS
Le ménage dans l’appareil sécuritaire y compris les artifices d’actions et de communication autour sont tout indiqués chez Tshisekedi comme dans tout pouvoir, de même la logique vers les pleins pouvoirs est une quête normale mais je ne sais comment je suis toujours insatisfait par les mesures que prend notre PR. Il faut du temps pour faire ce qu’on choisit mais chez lui il y’a une légèreté et un amateurisme qui me les font toujours prendre pour des demies-mesures. C’est bien d’avoir les pleins pouvoirs mais pour en faire quoi ? S’ils ne consistent qu’à se donner des moyens pour rester au pouvoir, il y’a peu de chances que son mandat serve à garantir les intérêts quotidiens de la population qui sont souvent au-delà..
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La sûreté durable de l’État est-elle garantie par des règlements de compté contre un Beya surtout lorsqu’ils tiennent à des guerres des clans autour du PR ? On ne va pas demander ici une transparence brute de tout ce qu’il se passe au Palais mais la population a aussi besoin d’une communication qui la rassure plutôt que les seuls ragots des réseaux sociaux. Je me refuse à broder sur une prétendue humiliation du Conseiller présidentiel à la sécurité mais on aurait autant besoin d’une vérité officielle que d’un arbitrage ferme ou négocié au haut sommet. Pour être resté là où il est Beya n’est peut-être pas le pire fossoyeur du pays parmi les sécurocrates où l’on retrouve même des Conseillers du Président qui détournent à gogo. Bisesele par exemple n’est-il pas cité dans les millions détournés chez Sokimo en Uélé, chez SACIM au Kasaï et chez Afriland à KInshasa. Ce ménage ne suffira pas, la seule politique politicienne est insuffisante à terme si Tshisekedi ne l’accompagne pas des mesures de recadrement et de bonne gouvernance partout à même de combler les projets au bénéfice des populations…
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Pure distraction. Alors que de centaines de Congolais meurent a L’Est sans un seul mot du jouisseur Tshilejelu pour ces victimes d’attaques terroristes et faineantisme des generaux affairistes, a Kinshasa on fabrique des coups d’etat. La vraie raison etant plutot lutte et reglements de comptes entre escrocs au sommet se disputant les mines d’or en Ituri et les parcelles minieres au Katanga, avec en coulisses leurs manipulateurs Chinois et Americains en concurence pour le controle de nos resources minieres. A part voyous-Wewas, qu’y gagne « Peuple d’abord » appauvri, meurtri et abruti en vides slogans et promesses apres 3 ans?
Cela n’a rien avoir avec kabila c’est tout simplement une guerre des clans qui fragilise le pouvoir congolais
Nous l’avons entendu par la voix du porte-parole du Chef d’ État à la télévision nationale, enfin les autorités Congolaises se sont exprimées sur le cas François Beya : il est soupçonné d’avoir entrepris des actes de déstabilisation des institutions démocratiques. Exit donc toutes les autres spéculations à son sujet : c’est une affaire d’État parce il y’a atteinte à sa surêté, les services d’intelligence et la raison d’État sont alors en droit de l’interpeller mais n’oublions pas d’abord que la raison d’État est toujours représentée par des hommes, qu’elle peut ainsi regorger des raisons que la raison elle-même ignore ; ensuite que la justice démocratique appelle à prouver la vérité des accusations ; nous en sommes là…Nous en sommes là à attendre que le pouvoir qui accuse Beya nous le prouve : s’agit–t-il d’une réelle tentative de coup d’État et pas d’un laborieux artifice pour noyer une guerre des clans dans l’entourage du Chef ou tout ça à la fois mais au final Beya est-il réellement coupable d’atteinte à la sûreté du pays ?
Qu’importe, rappelons que François Beya en sa qualité de Conseiller spécial à la sécurité du Chef de l’État est bel et bien son collaborateur officiel très proche, bien dans le système et non celui par exemple celui d’un opposant radical comme Fayulu.
La conclusion s’impose alors d’elle-même : il y’a lourde maldonne de casting et de gouvernance au royaume de Mulopwe Tshilombo, l’agitation et les dénégations autour du pouvoir en place semblent l’oublier. Avec un Beya coupable ou pas le président est encore et toujours coupable d’une gestion du pays trop légère : voilà qui inquiète légitimement observateurs et citoyens, ne nous trompons donc pas de diagnostic !!!
FREE FRANCOIS BEYA KASONGA
https://freefrancoisbeyakasonga.wordpress.com/2022/02/13/8e-jour-de-detention-arbitraire-de-francois-beya-kasonga%ef%bf%bc/
8e JOUR DE DÉTENTION ARBITRAIRE DE FRANÇOIS BEYA KASONGA
Une semaine vient de s’écouler depuis l’arrestation de Mr François BEYA KASONGA, conseiller spécial du chef de l’Etat Félix TSHISEKEDI en matière de sécurité, par les services de renseignements ANR et DEMIAP le samedi 5 février 2022 à Kinshasa.
Ce n’est qu’en date du 8 février 2022 que la présidence Tshisekedi, par le canal de son porte-parole, a évoqué son arrestation indiquant qu’elle faisait suite à des « agissements contre la sécurité nationale », sans aucun autre détail.
Il est tout de même surprenant, au vu de son statut de haut fonctionnaire, qu’il n’y ait toujours pas de clarté sur les motifs de son arrestation pendant que le Président a toujours prôné l’Etat de droit. L’Etat de droit, c’est également savoir pourquoi l’on est arrêté. Comment comprendre qu’un homme de sécurité soit arrêté du fait de faire son travail ?
A ce jour, il n’y a toujours pas d’acte d’accusation qui explique les raisons menant à cette arrestation, ce qui pose question tant sur la réalité que sur la véracité des faits qui ont justifié une telle privation de liberté. On peut également se demander si la Présidence TSHISEKEDI et les services de renseignements ont mesuré les conséquences de cette arrestation tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Congo.
En l’absence de charges concrètes contre François BEYA KASONGA, les spéculations selon lesquelles il est sacrifié par le Président dans le cadre d’un conflit minier concernant un autre conseiller présidentiel, Fortunat BISELELE, prennent une ampleur considérable.
Plus étonnant encore, nombreux articles de presse dont la tribune de Collette Braeckman du 10 février 2022 « RD Congo: l’«affaire Beya» attise l’inquiétude et les rumeurs à Kinshasa » dans le journal le Soir, soulignent que Fortunat BISELELE est un protégé de l’épouse du Président, Denise NYAKERU.
S’agissant de l’audition de François BEYA KASONGA, Me Georges KAPIAMBA, Président de l’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) affirmait le 12 février 2022 dans la presse qu’elle avait commencé à l’agence de renseignement ( ANR), avançant qu’elle se passait dans les règles de l’art. Or, aucune audition n’a été réalisée à ce jour. C’est à se demander quelles sont les intentions de Me KAPIAMBA en confirmant une fausse audition à la presse. Il ne fait qu’ajouter au manque de crédibilité des charges portées contre François BEYA KASONGA. Sur la base de quels éléments affirme-t-il qu’une telle audition a eu lieu ? Était-il présent ? Si non, c’est à tout le moins interpellant de la part d’un défenseur des droits de l’Homme…
Mr François BEYA KASONGA a mis ses compétences, expérience et relations au service du Président TSHISEKEDI et du Congo. C’est un homme brillant, réfléchi, discret et respectueux des règles qui a accompli un grand travail pour la République qu’il a toujours servi avec loyauté et passion. Par conséquent, il est en droit d’être représenté par un avocat de son choix et d’être éclairé sur les motifs précis de son arrestation. A défaut, le respect des lois de la RDC commande sa libération immédiate et inconditionnelle sans délais.
Kinshasa, le 13 février 2022
Team Free François Beya Kasonga
freefrancoisbeyakasonga@gmail.com
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