C’est au milieu de la nuit que la Commission électorale (CENI) a annoncé la victoire de l’opposant Félix Tshisekedi à la présidentielle du 30 décembre. Avec 38%, le fils de l’opposant historique Etienne Tshisekedi devance Martin Fayulu. Grosse déconvenue pour le candidat du pouvoir, qui n’arrive qu’à la troisième place.
De rebondissements en rebondissements, ces élections congolaises auront été un festival de surprises et d’inattendus. On attendait Aubin Minaku ou Matata Ponyo comme candidat de la majorité, c’est Emmanuel Ramazani Shadary qui a été désigné par Joseph Kabila. On attendait Félix Tshisekedi comme candidat commun de l’opposition, c’est Martin Fayulu qui a créé la stupéfaction. On attendait Shadary comme successeur de Joseph Kabila, dans une élection qui semblait gagnée d’avance pour la majorité, et c’est en fait Félix Tshisekedi qui rafle la mise contre toute attente.
Des écarts de voix importants
Après avoir retardé ces élections pendant deux ans, et finalement accepté de les organiser sous la double pression des manifestations populaires et de la communauté internationale, le Front commun pour le Congo, la plateforme de soutien à Joseph Kabila semblait programmé pour remporter le scrutin. Mais rien ne s’est passé comme prévu. Une victoire de Shadary pouvait être encore possible si l’écart de voix entre les trois principaux candidats étaient faibles. Mais visiblement, et c’est ce que semblait suggérer la CENCO, l’écart était trop important pour que le pouvoir puisse « jouer avec les chiffres ».
Victoire négociée ?
Pourtant, le nom de Félix Tshisekedi représente la moins mauvaise des options et la moins risquée pour le camp présidentiel en cas de défaite de leur champion. Certains affirment que des tractations ont eu lieu en coulisse entre Tshisekedi et le camp Kabila et que cette victoire a été négociée. Car dans la majorité, une ligne rouge avait été tracée : tout sauf Fayulu. Les cadres du FCC et le président Kabila ne souhaitaient pas revoir venir dans le jeu politique les mentors du candidat de la coalition Lamuka, Jean-Pierre Bemba et Moïse Katumbi. Félix Tshisekedi cochait donc toutes les cases. Issu de l’opposition, il apaiserait sans doute les tensions, surtout dans les rues, et pourrait composer avec le FCC et le président Kabila. Les dernières interviews de Félix Tshisekedi à propos du chef de l’Etat ont fait preuve d’une certaine ouverture et d’une main tendue vers le président sortant.
Partage du pouvoir ?
Si la majorité présidentielle a perdu, Joseph Kabila restera dans l’ombre. Avec l’élection de Félix Tshisekedi, le pouvoir congolais sera clairement bicéphale. Avec un pouvoir faible à la présidence et un contre-pouvoir fort à la Primature, à l’Assemblée et au Sénat, où le camp Kabila n’a pas dit son dernier mot. Le système économique et sécuritaire devrait rester aux mains de l’ex-président congolais qui a verrouillé toutes les administrations, la justice, la Cour constitutionnelle (en cas de litige post-électoral et il peut y en avoir), mais surtout la police, l’armée et les services de renseignements (ANR).
La validation de la CENCO
Dernier indicateur important : quelle sera la réaction de la Conférence épiscopale congolaise (CENCO) ? Viendra-t-elle confirmer ou infirmer le nom du vainqueur de la présidentielle ? Son avis sera déterminant pour les jours à venir. Si le nom de Félix Tshisekedi est validé par la CENCO, on peut penser que la tension va baisser d’un cran et sera limitée. Par contre, si le nom n’est pas confirmé par la puissante Eglise catholique, il est clair qu’il y a risque de forte contestation dans la rue. Car pour les opposants perdants,comme les partisans de Martin Fayulu, un doute plane. Le Docteur Denis Mukwege, récent prix Nobel de la Paix, affichait il y a plusieurs jours ses réserves sur la crédibilité des résultats: « il ne s’agira pas d’un vainqueur du scrutin que le pouvoir nous présentera, mais d’une nomination ». De quoi peut-être raviver la frustration et la colère populaire.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Une très bonne analyse de la situation des élections en RDC. Attendons de voir les résultats des élections législatives provinciales et nationales. Je pense que le FCC qui tient la CENI va s’arroger la victoire aux législatives afin d’avoir une cohabitation dans l’exécutif. Ce n’est qu’un début dans le processus d’introduction de la démocratie en RDC.
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