Retour de la sécurité, lutte contre la corruption, gratuité de l’école… le programme d’action du nouveau premier ministre pourrait vite se heurter à la guerre de tranchées qui se profile entre CACH et le FCC.
La présentation du programme du nouveau gouvernement par son premier ministre, Sylvestre Ilunga, avait comme un goût de déjà vu… ou plutôt de déjà entendu. Devant 352 députés présents, le chef de l’exécutif congolais a déroulé les 15 piliers d’un programme gouvernemental sans réelles surprises. Mais difficile de reprocher au nouveau premier ministre d’avoir pointé les éternelles carences de l’Etat congolais que les gouvernements précédents n’ont visiblement pas comblées. Les défis à relever sont énormes et les attentes des Congolais immenses.
L’insécurité toujours
Il y a d’abord le défi sécuritaire, toujours en haut de la pile des gouvernements congolais depuis plus de 25 ans. L’insécurité règne toujours dans les Kivu, à l’Est du pays, où 2.000 personnes ont été tuées dans des attaques depuis 2 ans, et où une centaine de groupes armés pullulent toujours dans la région. Sylvestre Ilunga a promis que des moyens supplémentaires seront alloués à l’armée congolaise. Si certaines milices ont déposé les armes dans les Kasaï depuis l’élection de Félix Tshisekedi, on attend toujours la mise en oeuvre de la promesse du président congolais de délocaliser l’Etat major de son armée à Beni, l’épicentre des massacres. L’armée freine des quatre fers, même si officiellement Félix Tshisekedi est censé être le patron.
Lutte anti-corruption encore
Autre priorité pour le gouvernement : le combat contre la corruption. Elle est endémique en RDC, et on la retrouve à tous les étages de la société. Transparency international a classé le Congo parmi les 20 pays les plus corrompus du monde. Si le gouvernement et le président veulent avoir des marges de manoeuvre financières pour réaliser leur programme, il faudra faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat… beaucoup d’argent. Avec un budget microscopique de 6 milliards de dollars, la RDC n’est pas en mesure d’assumer les besoins vitaux des Congolais : accès à l’eau, à l’électricité, à la santé, et à l’éducation.
Pour lutter contre la corruption et le blanchiment, le premier ministre a promis de créer une une juridiction spécialisée et de « renforcer les mécanismes de vérification, de contrôle et de surveillance dans les secteurs enclins à la corruption ». Car il faudra de nouvelles ressources pour appliquer l’une des promesses emblématiques du président Tshisekedi : la gratuité de l’enseignement de base dans les établissements publics. La mesure est très attendue par les Congolais, et surtout très populaire. Mais le hic, c’est qu’elle est très coûteuse : 2,6 milliards de dollars sur un budget global de 6 milliards. Le gouvernement va donc devoir trouver de nouvelles recettes fiscales pour financer la gratuité de l’enseignement. Surtout lorsque l’on sait que c’est un ministre FCC qui tient les cordons de la bourse aux finances. Félix Tshisekedi a récemment reconnu que la mesure n’était pas encore effective, et le serait « d’ici quelques mois ».
L’arroseur arrosé
Car la vrai question sur le programme du nouveau gouvernement congolais n’est pas de savoir s’il sera réalisable ou non, mais de savoir si cet exécutif à forte dominante FCC veut vraiment la réussite des promesses de Félix Tshisekedi, ou s’il n’a pas intérêt à parier sur l’échec du nouveau président pour mieux revenir au pouvoir. N’oublions pas que nous sommes dans une situation de cohabitation « dure » entre CACH et le FCC, avec un président ultra minoritaire à l’Assemblée nationale et au Sénat. Et un président qui reste prisonnier d’un accord politique de partage du pouvoir avec Joseph Kabila qui lui est largement défavorable.
Les bonnes intentions du premier ministre Ilunga, issu du FCC, risque de se retourner contre le président Tshisekedi. Dans la lutte contre la corruption, le ministre de la justice, membre du FCC, sera sans doute peu enclin à diriger ses enquêtes sur l’entourage de l’ancien président Kabila. Et tel l’arroseur arrosé, c’est Félix Tshisekedi et ses proches, qui risquent de se retrouver dans les mailles du filet. C’est d’ailleurs ce qui se profile avec les premières enquêtes financières, que souhaitent étrangement diligentées les services de renseignements (ANR), et qui se portent sur dépenses de l’Etat effectuées depuis l’investiture du président Tshisekedi. En ligne de mire, il y a le directeur de cabinet de la présidence, Vital Kamerhe, et les soupçons de détournements de 15 millions de dollars des revenus dévolus aux sociétés pétrolières.
Guerres de tranchées
Félix Tshisekedi a sans doute mangé son pain blanc pendant les 7 mois des interminables tractations pour composer le gouvernement de cette improbable coalition. En l’absence d’un nouvel exécutif, c’est la présidence et son omniprésent directeur de cabinet qui ont pu administrer le pays, décaisser les sommes nécessaires pour lancer tout azimut le programme d’urgence de Félix Tshisekedi : construction de routes, de ponts, de logements… Jusqu’à faire exploser la note, puisque fin mai, la présidence avait déjà consommé 98% du budget qui lui était alloué par le Parlement pour l’ensemble de l’année 2019.
Le président va donc devoir maintenant s’appuyer sur le nouveau gouvernement pour mener à bien son programme. A l’image de la très lente composition du gouvernement, le vote du budget, et les premières décisions gouvernementales risquent de se transformer en guerre de tranchées, avec un exécutif paralysé. D’ailleurs, le nouveau premier ministre ne s’y est pas trompé, puisqu’il a présenté un programme gouvernemental sans chiffres et sans calendrier… un oubli volontaire qui présage bien des embûches à venir.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Le 30 décembre 2018, Félix Tshisekedi sort vainqueur des élections présidentielles. Cependant sa tâche est des plus ardues dans un pays encore déchiré par un fort problème de nationalité et/ou d’identité depuis plus de cinquante ans. De plus, l’ancien président Joseph Kabila – après dix-huit ans de pouvoir – a ainsi mené son jeu qu’il reste encore un homme fort dans la sphère politique, contrôlant notamment l’armée. En outre, ces élections ont été manifestement truquées sans que l’Union européenne n’y trouve à redire. D’ailleurs, alors que la démocratie est en net recul dans ce pays, on peut se demander pourquoi l’ONU et la communauté internationale n’interviennent pas davantage, à qui profitent réellement les nombreuses richesses et ressources naturelles (pétrole, gaz, coltan, uranium) et quel est le bilan de la mission MONUSCO censée garantir la paix ? Et l’on peut également élargir notre observation en considérant ce qu’il en est de la paix et la sécurité dans la région des Grands lacs et plus particulièrement en comparant trois pays distincts mais très proches : le Rwanda, le Burundi et la RDC.
Argumentaire :
C’est une réflexion poussée que nous propose Didier AMANI SANGARA en se penchant sur la situation actuelle de la République démocratique du Congo, en analysant son passé, mais surtout en proposant de véritables solutions pour envisager un avenir meilleur. Propositions qu’il détaille dans un programme précis, envisageant la réorganisation totale de l’État. Voir « L’Obligation de la bonne gouvernance en République démocratique du Congo » sur Edilivre
Pourquoi vous êtes toujours gauche au sujet de mon pays, christophe. Ma conclusion sur vous est que soit vous avez cet esprit paternaliste en tant que belge, ou soit vous servez la cause d’une franche politique au pays: Lamuka
@Kuiti
1. A ma connaissance Christophe Rigaud est français et pas belge…
2. Vous vous êtes précipité à qualifier son analyse au service de à LAMUKA parce que critique envers Tshisekedi (et entre les lignes) envers l’UDPS, son adversaire politique du moment, souffrez alors la riposte logique qui ne peut que vous traiter d’être un inconditionnel de l’UDPS, cad quoiqu’elle fasse. En quoi de telles attitudes nous avancent-elles ?
3. Si je n’étais que sévère, je vous répondrais qu’il y’en a un peu marre de ses sympathisants UDPS vite sectaires et hostiles a toute critique et souvent même a la limite de l’injure facile. Mais je veux être constructif et vous réponds qu’aucun camp politique n’est exempt de reproches, tous profiteraient au contraire des critiques objectives…
4. Enfin je vous rappellerai dans la même veine qu’il n’y a pas de jugement qui serve le pays si vous en excluez d’autorité les autres citoyens. C’est du fanatisme toxique : le Congo nous appartient tous alors vaut mieux permettre à tous les partis politiques d’apporter leur part et aux etrangers de juger notre gestion sans qu’ils soient traités de tous les noms surtout en ces temps de mondialisation obligée. Et encore une fois, « votre » pays est aussi celui de 80 millions autres, ne l’oubliez pas.