Malgré la guerre qui fait rage à l’Est et une population qui souffre toujours de la pauvreté, un récent sondage montre des Congolais plutôt optimistes. En situation de crise sécuritaire, la population reste soudée derrière son président et ne semble pas voir d’autres alternatives politiques émergées.
Conflit armé sans fin dans les Kivus, tentative de coup d’Etat ratée, majorité présidentielle au bord de la crise de nerf, chute du Franc congolais… Les difficultés semblent s’accumuler sur le début de second mandat de Félix Tshisekedi, réélu avec une majorité écrasante en décembre 2023. Pourtant, malgré ces mauvaises nouvelles, un sondage réalisé par le Bureau d’études, de recherches, et de consulting international (Berci), Ebuteli et le Groupe d’étude sur le Congo (GEC), en mai 2024, montre des Congolais relativement optimistes sur la marche du pays. 48% des personnes interrogées estiment être satisfaites de la direction que prend la République démocratique du Congo (RDC) dirigée par Félix Tshisekedi. Un chiffre équivalent à celui de 2019, lors de son arrivée au pouvoir. Un bémol intéressant : les sondés vivants en milieu rural ont une vision plus positive de la politique menée par Kinshasa que les personnes de la ville. Idem concernant l’éducation des sondés : plus le niveau d’éducation est faible, plus le regard est optimiste.
Corruption, emplois, sécurité
L’image de Félix Tshisekedi semble donc peu écornée en ce début de second mandat. Les Congolais ont l’espoir que la situation s’améliore, notamment dans la lutte contre la corruption, la création d’emplois et la lutte contre l’insécurité, trois urgences auxquelles le président de la République doit prioritairement faire face, selon le sondage. D’autant que concernant la corruption, le début de second mandat de Félix Tshisekedi a été marqué par les révélations de surfacturation des projets d’éclairage urbain à Kinshasa et des forages d’eau. Sur la taille du nouveau gouvernement de Judith Suminwa, composé de 54, les Congolais interrogés auraient préféré une équipe resserrée : moins de 30 membres pour 26,12% des sondés et entre 30 et 50 membres pour 35,68%. Les critiques sur l’Etat budgétivore ont été vives pendant la campagne électorale de 2023. Mais visiblement pas écoutées par le chef de l’Etat et la Première ministre.
Soutien sans faille à la guerre à l’Est
Plusieurs éléments expliquent la relative bonne image qu’ont les Congolais de la politique menée par Félix Tshisekedi. Principalement grâce au dossier sécuritaire. Malgré un niveau de violence jamais atteint à l’Est, un nombre de déplacés record et l’échec de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, les Congolais soutiennent, sans beaucoup de réserve, la politique sécuritaire de Kinshasa. Seule une minorité des sondés (25 %) estime que la situation sécuritaire s’est « détériorée » ou « beaucoup détériorée » depuis l’instauration de l’état de siège, alors que 30% estiment même qu’elle s’est « améliorée » ou « beaucoup améliorée ». Seuls 7% des sondés estiment que la gestion de la crise du M23 par le gouvernement a été « très mauvaise ». Des chiffres qui montrent qu’en situation de crise sécuritaire, la population a plutôt tendance à faire corps avec ses gouvernants et principalement son président. Les sondeurs s’interrogent tout de même sur le niveau d’information sur le conflit qui parvient au public, et en particulier à ceux qui vivent le plus loin des combats. En effet, les Congolais des régions touchées par le conflit sont nettement plus critiques envers Kinshasa.
Des mesures populaires
La relative confiance de la population envers Félix Tshisekedi s’explique également par une série de mesures qui ont recueilli une forte adhésion des Congolais. La fourniture d’armes aux Wazalendo, initiative très critiquée par les organisations de défense des droits de l’homme, est également vue comme une bonne chose par une large partie des sondés. Idem pour la levée du moratoire sur la peine de mort, qui fait aussi débat, mais qui est largement plébiscitée par les Congolais, à près de 70%. Le refus du gouvernement de négocier avec le M23 est une position, là aussi, très appréciée par les personnes interrogées, même si avec le temps, davantage de Congolais y seraient favorables. Sur le front de l’économie, les Congolais attendent une amélioration de la situation pendant le second mandat de Félix Tshisekedi. Notamment sur la réduction de la pauvreté ou de la stabilisation du taux de change. Les sondés sont aussi satisfaits de la renégociation des contrats passés avec la Chine, qui étaient largement défavorables à Kinshasa. Au titre des autres satisfactions : la gratuité de la maternité et l’action de l’Inspection générale des Finances qui lutte contre les détournements de fonds publics.
Une opposition politique atone
Ce sondage indique que les Congolais, malgré de nombreuses attentes, restent confiants dans l’action de Félix Tshisekedi. On peut tout de même constater qu’objectivement, la situation générale du Congo ne s’est pas vraiment améliorée pendant le premier mandat présidentiel : retour du M23, nombreuses défaites militaires, échecs des initiatives diplomatiques et militaires pour mettre fin à la rébellion, hausse du nombre de déplacés, inflation, aucune amélioration pour l’accès à l’eau ou à l’électricité… Mais ce que voient les Congolais, ce sont les quelques réussites du premier mandat : gratuité de l’enseignement primaire, hausse du budget de l’Etat, des élections chaotiques, mais sans violence, et sans opposant exclu du scrutin. De petites avancées que la population n’avait jamais observée sous Joseph Kabila. Et puis, enfin et surtout, les Congolais placent leurs espoirs en Félix Tshisekedi par un manque cruel d’alternatives politiques. L’opposition est en lambeau et ne semble pas encore prête à incarner la relève.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
C’est vrai il semble paradoxal que malgré leurs vies dufficiles dans un pays malade dans tous les secteurs les Congolais manifestent autant d’optimisme pour autant que nous faisi
ons confiance à ces sondages plutôt fiables.
Qu’est-ce dire si c’était dans le fond
qu’ils jugent non tant leurs vécus actuels mais font preuve d’un espoir autrement plus résilient.
Il y’a d’abord l’idée que ne ça ne leur semble pas que le pays aille demain plus mal que dans l’abîme où il git aujourd’hui…
Ensuite il y’a que l’insécurité dans l’Est les préoccupe beaucoup avec corollaire la détestation d’un Rwanda agresseur bien identifié que le pouvoir en place ne cesse de dénoncer, ils lui en font ainsi gré comme un possible début de solutions ;
Enfin il y’a au-delà de l’absence de solutions alternatives avec une opposition atone peut-être quelques leçons de notre histoire. Mobutu a eu le malin génie de forger chez ses ‘sujets’ une idée forte, un etat d’esprit fondé sur un Congo/Zaïre vaste pays riche au coeur de l’Afrique destiné à un avenir radieux. Mine de rien il en reste peut-être quelque chose dans la conscience collective des Congolais.
Ces Congolais qui ne sont pas tous bien informés de tout ce qu’il se passe, en ville on est moins optimiste qu’en milieu rural, les plus instruits sont de même moins optimistes veulent espérer plutôt que désespérer.
Pourront-ils demain convertir cet optimisme en une arme pour construire ce pays ?