Un double défi attend la République démocratique du Congo (RDC) de Félix Tshisekedi pour l’année à venir : garantir la bonne tenue des élections générales, théoriquement prévues en décembre 2023, mais aussi retrouver la paix à l’Est du pays en proie aux groupes armés. L’impuissance de l’armée congolaise fait craindre un enlisement du conflit et le spectre du « glissement » des élections plane toujours sur une présidentielle qui semble jouée d’avance.
Turbulences en vues en République démocratique du Congo (RDC). La perspective des élections présidentielle et législatives, fixées dans 12 mois, agite déjà l’arène politique congolaise. D’autant que beaucoup de questions restent pour le moment sans réponse. Le scrutin se tiendra-t-il dans les délais, et les résultats des élections seront-ils crédibles et surtout transparents ? Concernant le calendrier électoral, le gouvernement fait tout pour rassurer et tenir un chronogramme très serré. Fin novembre, la Commission électorale (CENI) avait publié les différentes étapes et leurs dates d’exécution devant mener au jour du vote prévu le 20 décembre 2023 pour les élections présidentielle, législatives, provinciales et communales. La première étape consiste à enrôler les électeurs. L’opération a débuté à Noël dans 10 provinces, dont celle de Kinshasa, mais elle est déjà jugée « irréaliste » par l’opposition et de nombreux observateurs. Le processus d’enregistrement doit en effet se dérouler en 3 mois pour plus de 50 millions d’électeurs. Un casse-tête difficile à relever en comparaison des anciens scrutins, où plus de 120 jours avaient été nécessaires pour moins d’électeurs.
Enregistrement des électeurs : un démarrage chaotique
En dehors de l’aspect logistique pur, l’enrôlement sera extrêmement complexe à réaliser dans les zones de conflit, comme les deux provinces en état de siège (Ituri et Nord-Kivu), ou dans le Maï-Ndombe en proie à des violences intercommunautaires. La CENI promet de se rendre dans les camps de déplacés pour inscrire les électeurs, mais les premiers jours d’enregistrement ont déjà été très chaotiques dans plusieurs provinces : centres d’inscription fermés ou inexistants, impression de mauvaise qualité sur les cartes d’électeurs qui servent également de pièce d’identité… Enfin, si la guerre se prolonge dans les zones de conflit, des millions de Congolais se retrouveraient privés de vote, ce qui pourrait là aussi faire glisser le calendrier électoral et accorder quelques mois supplémentaires de mandat à Félix Tshisekedi. Un scénario qui replongerait la RDC dans une crise pré-électorale similaire à celle de 2016-2018, avec son lot de manifestations et de répression. L’opposition et les mouvements citoyens, à l’instar de La Lucha se disent prêts à descendre dans la rue en cas de report des élections.
Une CENI et une Cour constitutionnelle en manque de crédibilité
Pourtant, la plus grosse inquiétude concernant le scrutin à venir reste sa crédibilité et sa transparence. L’opposition dénonce une « caporalisation » des institutions par Félix Tshisekedi pour assurer sa réélection. Le manque de consensus et les pressions de la majorité présidentielle sur l’Eglise catholique pour désigner Denis Kadima à la tête de la Commission électorale (CENI) à l’automne 2021 avaient suscité la colère de l’opposition. Denis Kadima est alors perçu comme étant le candidat du président Tshisekedi, tout comme la composition du bureau et de la plénière de la centrale électorale qui paraît largement acquise à la majorité présidentielle. Le subtil jeu de chaises musicales et de mutations au sein de la Cour constitutionnelle par le chef de l’Etat a fini par inquiéter tous les observateurs. Les nouveaux juges étant, eux aussi, proches du chef de l’Etat. Ces deux institutions-clés pour la centralisation et la validation des résultats électoraux ne font clairement pas consensus au sein de la classe politique congolaise.
La crainte de résultats « pré-fabriqués »
Deux candidats à la présidentielle, Martin Fayulu et l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo, ainsi que le prix Nobel de la paix, Denis Mukwege, ont signé une déclaration commune demandant « la recomposition immédiate de la CENI et de la Cour constitutionnelle ». Ils exigent aussi qu’un consensus soit trouvé « autour de la loi électorale, des centres d’inscription d’électeurs et du calendrier électoral ». Des interrogations se posent ensuite sur le contrôle des résultats électoraux. Pour l’instant, l’opposition a obtenu que les résultats soient publiés bureau de vote par bureau de vote, ce qui n’avait pas été le cas lors des élections chaotiques de 2018. Mais l’opposition voudrait surtout que ces résultats soient affichés dans chaque bureau avant la transmission et la compilation des résultats par la CENI. Et sur ce point, la nouvelle loi électorale ne prévoit pas cette disposition. Ce qui fait craindre par l’opposition des résultats « pré-fabriqués » par la centrale électorale.
Tshisekedi compte ses alliés
Le flou qui prévaut sur la tenue des élections dans les délais et sur la transparence du scrutin, n’empêche pas la classe politique congolaise de se préparer à aller aux urnes. Chaque camp commence à se mettre en ordre de bataille. Félix Tshisekedi, candidat à sa propre succession, consulte pour remanier un gouvernement à sa main, qui sera complètement dédié à sa réélection. Après le départ de 3 ministres d’Ensemble, le parti de Moïse Katumbi qui a quitté la majorité présidentielle, le président va devoir compter ses alliés, susceptibles de faire campagne pour lui aux quatre coins du pays. Félix Tshisekedi cherche donc à s’assurer du soutien des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, mais aussi des deux autres poids lourds de la politique congolaise que sont Jean-Pierre Bemba (MLC) et Vital Kamerhe (UNC). Pour l’instant, ces deux alliés ont envoyé des signaux positifs de soutien au chef de l’Etat, mais on sent une certaine nervosité ces dernières semaines. Bemba se demandant quel rôle il pourra jouer après 2023, et Vital Kamerhe espérant toujours occuper la place de Premier ministre qui lui a échappé lors du premier mandat.
Les kabilistes très courtisés
Les autres candidats comme Moïse Katumbi, Martin Fayulu ou Augustin Matata Ponyo cherchent pour le moment à nouer des alliances pour pouvoir peser dans une élection à seul tour. L’ancien gouverneur du Grand Katanga, Moïse Katumbi, déplumer de quelques ministres et députés qui ont décidé de « rouler » pour l’Union sacrée (USN) de Tshisekedi, fait des appels du pied insistants à Joseph Kabila, dont personne ne connait les réelles intentions. Martin Fayulu et Matata Ponyo se sont rapprochés de Denis Mukwege, qui hésite toujours à se lancer dans l’arène politique. Tous cherchent donc à construire un front anti-Tshisekedi le plus large possible dans des alliances plus ou moins hétéroclites qui vont de Fayulu à Kabila en passant par Mukwege. Des attelages bien étranges à comprendre pour l’électeur congolais.
Une armée impuissante
Le second défi de l’année, qui n’est pas sans conséquence avec les élections de décembre 2023, est celui de l’insécurité qui s’emballe à l’Est du pays. Tout d’abord avec les rebelles du M23, qui tiennent toujours bon nombre de positions stratégiques au Nord-Kivu, dont la ville frontière de Bunagana, mais aussi avec la centaine d’autres groupes armés qui sévissent dans les deux Kivu et en Ituri. L’impasse militaire est pour l’instant totale pour le gouvernement congolais, dont l’armée ne parvient pas à reprendre du terrain sur le M23. Mal équipée, mal commandée et en proie à un niveau de corruption et de collusion avec les groupes armés importants, les forces armées congolaises (FARDC) ne semblent pas en mesure de résoudre militairement le conflit.
Le M23 joue la montre
Impuissant par les armes, Félix Tshisekedi s’est alors tourné vers ses voisins. D’abord pour envoyer des troupes sur le terrain pour soulager l’armée régulière, mais aussi pour peser diplomatiquement sur le conflit avec les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda. Des accords ont été signés fin novembre à Luanda sous l’égide des Etats d’Afrique de l’Est (EAC), prévoyant le retrait du M23 de ses positions et leur retour à la frontière rwandaise, ainsi que le déploiement de troupes est-africaines pour occuper les anciennes positions rebelles. Un mois après cet accord, autant dire que les résultats sont minces. La rébellion a accepté de se retirer d’une de ses positions à Kibumba, un verrou d’accès important vers la capitale régionale Goma, mais tient toujours une bonne partie du Nord-Kivu et n’est pas retourné vers la frontière rwandaise. Le M23 en a profité pour se disperser vers l’Ouest pour rejoindre ses positions dans le Masisi, cherchant ainsi à couper la route d’approvisionnement Sake-Goma. Le commandement général de la Force régionale a annoncé que le désengagement du M23 devait se poursuivre à Rumangabo et Kishishe d’ici au 5 janvier.
Une force régionale « tampon »
Les militaires kényans, qui devaient intervenir militairement au nom des Etats d’Afrique de l’Est pour pousser les rebelles à respecter les accords de Luanda dans les délais, n’ont pas bougé et se positionnent désormais comme une simple force d’interposition, à l’instar des casques bleus de la Monusco, grands absents du conflit. Le M23 cherche donc à gagner du temps et à mettre la pression sur le gouvernement pour le pousser à négocier, ce que refuse Kinshasa pour l’instant. Le conflit se trouve donc dans une impasse, avec des autorités congolaises qui n’arrivent pas à venir à bout de la rébellion et refusent de négocier, et des rebelles qui restent fort militairement et maître du timing.
Kigali sous pression internationale
Face à l’enlisement de la guerre contre le M23 et ses échecs militaires, Félix Tshisekedi cherche à faire pression sur Kigali, le parrain du M23. Le futur rapport du groupe d’experts de l’ONU sur l’implication du Rwanda dans le soutien en hommes et en armes au M23 a fait bouger les lignes. Même si Kigali récuse toujours son aide aux rebelles, les Etats-unis, suivis par l’Allemagne, la France, l’Espagne, l’Union européenne… ont tous pris note du rapport onusien et demandé au Rwanda « de cesser de soutenir le M23 » et de faire pression pour que la rébellion « se conforme aux décisions de Luanda ». Le coup de fil du secrétaire d’Etat américain Antony Blinken au président Paul Kagame et l’annonce des conclusions du rapport de l’ONU dans la presse ont eu pour effet de faire reculer (timidement) le M23 de Kibumba. Preuve que le Rwanda reste encore influent sur la rébellion. Félix Tshisekedi espère maintenant des sanctions contre son voisin après la sortie officielle du rapport des experts. A défaut de victoire militaire, le président congolais cherche la victoire diplomatique.
Une insécurité multiforme
Mais la guerre à l’Est ne se cantonne pas aux affrontements entre l’armée régulière et le seul M23. Plus de 120 groupes armés pullulent dans la région. Le M23 reste certes le mouvement armé qui détient sous son contrôle le vaste territoire, et qui a provoqué le plus grand nombre de déplacés (environ 500.000 civils), mais il est loin d’être l’unique menace pour la sécurité des populations à l’Est du Congo. Pendant que l’attention médiatique se focalise sur le M23, les Allied Democratic Forces (ADF) continuent de massacrer de manière quasi-hebdomadaire. Phénomène inquiétant, le groupe armé d’origine ougandaise a récemment fait allégeance à l’Etat islamique (EI). Là encore sur le front de la lutte contre les ADF, l’armée congolaise est en échec. Et là encore, Félix Tshisekedi a décidé de sous-traiter le combat contre les ADF à un voisin : l’Ouganda. Kampala s’est vu autoriser l’entrée sur le sol congolais en décembre 2021, mais un an plus tard, le bilan est plus que décevant. Les ADF n’ont pas été affaiblis, et pire, l’Ouganda est maintenant accusé par le dernier rapport des experts de l’ONU d’avoir facilité l’entrée des rebelles M23 au Congo lors de la prise de Bunagana.
Des groupes armés par dizaines
Au-delà du M23 et des ADF, l’Est de la RDC est également le territoire de dizaines de groupes d’autodéfense « maï-maï » qui pillent, violent, tuent… certaines fois en complicité avec des officiers de l’armée congolaise qui instrumentalisent ces groupes ou s’en servent comme supplétifs. C’est d’ailleurs le cas dans le conflit avec le M23, qui se bat maintenant principalement contre des groupes armés hostiles (FDLR, APCLS, Nyatura, Codeco… ) et non plus contre la seule armée congolaise. Les derniers chiffres du bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l’homme offrent également un tableau saisissant de l’insécurité en RDC. En octobre 2022, l’ONU estime que 86% des violations des droits de l’homme sont commises par la police, l’armée ou les services de renseignements, contre « seulement » 14% pour les groupes armés.
Un état de siège inefficace
L’impuissance de l’Etat et l’échec de toute solution militaire à l’insécurité inquiètent tout particulièrement en cette nouvelle année 2023 où doivent se tenir des élections générales. L’état de siège, instauré depuis mai 2021 dans les deux provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, n’a pas porté ses fruits. Les groupes armés y sont toujours plus nombreux et cet état d’exception, qui a transféré le pouvoir civil aux militaires, n’a pas permis d’éviter le retour des rebelles du M23, pourtant « en sommeil » depuis 2013. Lors de la seule première année, « plus de 2. 500 civils ont été tués dans les deux provinces sous état de siège contre 1 .300 sur la même période un an plus tôt » selon le Baromètre sécuritaire du Kivu. La mesure, davantage symbolique et politique que sécuritaire, vient pourtant d’être prorogée… pour la 39ème fois. Ce qui pose question quant à la bonne tenue des élections dans ces régions, qui sont pourtant fortement pourvoyeuses de voix, généralement acquises à l’opposition.
Un statu quo dangereux
Si la situation sécuritaire ne s’améliore pas dans les prochains mois, et que le gouvernement refuse toujours de négocier, pour ne pas perdre la face électoralement, le président pourrait être tenté de reporter le scrutin et de s’offrir quelques mois supplémentaires dans le fauteuil présidentiel. Mais la pression de l’opposition, de la société civile et surtout de la communauté internationale est forte pour que le scrutin se tienne dans les délais et évite ainsi une énième crise pré-électorale. Le scénario qui se profile est celui du statu quo, où le M23 accepterait finalement de se replier et laisserait s’installer dans ses anciennes positions la Force régionale. L’Est du Congo deviendrait alors la zone la plus militarisée d’Afrique avec la présence de la plus importante mission des Nations unies, de la Force régionale d’Afrique de l’Est composée de kényans, de burundais, de sud soudanais et d’ougandais, auxquels viennent se rajouter les 120 groupes armés. Tout cela finirait par « geler » le conflit et créer des « zones tampons » entre les groupes armés et l’armée congolaise, sous contrôle de la Force régionale… le temps des élections. Le risque est une « surmilitarisation » de l’Est du Congo dont la présence de forces armées étrangères n’a jamais apporté de solution au conflit.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
On ne délègue pas la sécurité du pays aux forces étrangères et espérer ainsi obtenir des résultats.
On n’arme pas les milices (locales et étrangères- FDLR) pour lutter contre le M23 en lieu et place d’une armée nationale, tout ignorant que des armes distribuées vont tôt ou tard faire de ravage au sein de la population.
On ne peut pas blâmer un petit pays comme le Rwanda, pour ton impuissance quand tu es un géant comme la RDC. La “communauté internationale “ rit certainement dans sa barbe quand elle feint de condamner le Rwanda. Elle répéte ce que les autorités congolaises veulent entendre qui se satisfont du peu.
Certains médias répètent aussi inlassablement ce que les autorités congolaises entendre. Mais tant et aussi longtemps qu’ils sont bien rétribués en conséquence, pourquoi pas! C’est de bonne guerre.
La question est de savoir si tout ce tapage médiatique donne des résultats. J’en doute.
Combien des localités du Rwanda ont été attaquées et combien de morts Rwandais, c’est une bombe à retardement que votre Kagame est entrain de préparer pour vous ses fanatiques aveugles, mais je vous comprends vous êtes dans une prison à ciel ouvert vous comprendrez cela quand le ciel va vous tomber sur la tête, Qui vivra vera, l’infiltration ne sera pas éternelle