L’armée congolaise a annoncé ce jeudi le déclenchement d’une offensive contre les rebelles hutus rwandais des FDLR. Une opération militaire qui permet aux autorités congolaises de faire oublier les violentes émeutes de la mi-janvier.
Maintes fois reportée, la traque aux FDLR a enfin été lancée jeudi 29 janvier par le chef d’état-major des Forces armées congolaises (FARDC), Didier Etumba. Les FDLR regroupent les anciennes milices génocidaires hutus Interhamwe, responsables du génocide rwandais de 1994. Le groupe a compté jusqu’à 20.000 miliciens dans l’Est du Congo, avant de s’affaiblir dans les années 2000, pour ne représenter que 1.500 à 2.000 combattants aujourd’hui. Son éradication a toujours été un sujet sensible entre Kinshasa et Kigali. Le Rwanda considère toujours ce groupe comme une « menace » pour sa sécurité, alors que les autorités congolaises soupçonnent leur voisin de ne pas vouloir faire disparaître ce groupe, dont la présence sert de prétexte aux multiples interventions rwandais en territoire congolais.
Des doutes sur les intentions de Kinshasa
A Kinshasa on a également toujours traîner la patte pour combattre un groupe armé, bien utile au pouvoir congolais pour lutter contre les rébellions soutenues par le Rwanda (RCD, CNDP et M23). On suspecte même des officiers congolais de « sous-traiter » certaines opérations aux FDLR et d’entretenir avec les rebelles hutus de lucratifs trafics (minerais, or, charbon…). C’est pourquoi l’annonce de l’offensive contre les FDLR par l’armée congolaise laisse les experts du dossier quelque peu dubitatifs. Sous pression de la communauté internationale, le président congolais et l’ONU, avaient donné jusqu’au 2 janvier 2015 aux FDLR pour désarmer, faute de quoi, le groupe y serait contraint par la force. Pendant les mois précédents l’ultimatum, seuls 350 combattants hutus se sont rendus. Un échec, qui condamnait la communauté internationale et la RD Congo à agir. C’est désormais chose faite, mais surprise : sans l’aide des casques bleus de la Monusco. L’opération « a été totalement planifiée par les FARDC » a précisé le commandant des casques bleus ce matin, qui affirme également qu’il ne s’agit pas d’une « opération conjointe » comme cela a été le cas par le passé.
Tourner la page des émeutes
L’absence de l’ONU fait grincer quelques dents dans les milieux diplomatiques qui « craignent que les FARDC soient totalement inefficaces sans l’appui de la Monusco ». Pire, pour un observateur, international, « cette opération n’a pour but que de faire oublier les émeutes de Kinshasa ». Un « écran de fumée » qui permettrait au régime de Joseph Kabila de tourner rapidement la page des violentes émeutes de la mi-janvier, Kinshasa. La victoire des FARDC sur les rebelles du M23, fin 2013, n’avait été possible que grâce au soutien logistique de la brigade d’intervention de l’ONU. L’absence des casques bleus est considérée comme un lourd handicap par les spécialistes du dossier congolais. « Toute seule, l’armée congolaise ne pourra rien faire contre les FDLR, qui se cachent dans les forêts et sont très difficiles à déloger », pronostique cet expert. Dans cette traque aux FDLR, qui ressemble à un théâtre d’ombre, les réelles intentions des autorités congolaises sont floues. Le statu quo dans les Kivus a toujours arrangé les principaux belligérants. Les tractations entre pays voisins et groupes armés de la région des Grands Lacs sont toujours au point mort. Et les discussions entre le gouvernement congolais et les rebelles du M23 piétinent désespérément. Sans règlement politique, aucun des acteurs (RDC, Rwanda) n’a intérêt à éliminer les FDLR, éternelles monnaie d’échange entre les deux voisins. L’opération « Sokola 2 » anti-FDLR risque donc de tourner à vide et de s’enliser sans une intervention musclée des casques bleus en soutien aux FARDC. Et pour le moment, une opération conjointe FARDC-Monusco n’est pas à l’ordre du jour.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia