Assemblée nationale, Sénat, CENI, Banque centrale, Gécamines… En 2021, Félix Tshisekedi a continué de consolider son pouvoir et de s’émanciper de son prédécesseur, Joseph Kabila. Les pleins pouvoirs permettront-ils au président congolais de passer enfin à l’action ?
A son arrivée à la tête du pays en 2019, les débuts de Félix Tshisekedi étaient bien peu prometteurs. Le manque de légitimité en raison d’un scrutin frauduleux et d’une élection « arrangée », l’alliance improbable avec Joseph Kabila, laissaient penser que Félix Tshisekedi resterait éternellement l’otage de son prédécesseur. Deux ans plus tard, le paysage politique congolais a bien changé.
Offensives politiques tout azimut
Début 2021, il y a d’abord eu la reprise en main de l’Assemblée nationale. Félix Tshisekedi s’est fabriqué une nouvelle majorité en ralliant bon nombre de députés FCC pro-Kabila ainsi que les élus du MLC et d’Ensemble à sa nouvelle plateforme politique : l’Union sacrée de la Nation. Le Sénat a lui aussi basculé début mars, permettant ainsi au président de composer un nouveau gouvernement entièrement à sa main.
Après la bataille parlementaire, Félix Tshisekedi s’est attaqué à la Commission électorale (CENI), réussissant à imposer un proche à la présidence. Le nouveau patron de la CENI, Denis Kadima, a en effet été accusé par l’Eglise catholique (CENCO) et les protestants (ECC) de « rouler » pour Tshisekedi. Idem pour le président et deux autres juges de la Cour constitutionnelle nommés quelques mois plus tôt par le chef de l’Etat et dont la désignation a permis le changement de majorité au parlement. Ce qui fait dire désormais à l’opposition que le processus électoral est entièrement contrôlé par Félix Tshisekedi.
BCC, IGF, Gécamines… sous contrôle
L’opération reconquête du pouvoir s’est aussi poursuivie dans le domaine économique avec la nomination d’une nouvelle gouverneure de la Banque centrale, Malangu Kabedi Mbuyi, la première femme à la tête de la BCC, et l’éviction du très kabiliste Albert Yuma, à la présidence du Conseil d’administration de la Gécamines, le géant minier et grand pourvoyeur d’argent public.
Pour garder un oeil sur les comptes des ministères et des entreprises d’Etat, le président Tshisekedi peut également compter sur le très puissant chef de l’Inspection générale des finances (IGF). Jules Alingete a fait de cette institution, qui dépend directement de la présidence, le bras armé de Tshisekedi pour traquer les détournements de fonds… et faire le ménage au sein de l’élite congolaise.
Des alliés sous surveillance et un FCC affaibli
Félix Tshisekedi s’est révélé un fin tacticien politique. « En pratiquant le débauchage comme son prédécesseur ! » s’est offusquée l’opposition. Mais il a aussi réussi à tenir sa majorité, en évitant le départ de Moïse Katumbi, prêt à claquer la porte de l’Union sacrée après la nomination de Kadima à la CENI et le projet de loi Tshiani, censé l’exclure de la présidentielle de 2023. Tshisekedi tient toujours dans sa majorité le MLC de Jean-Pierre Bemba, et voit certains kabilistes historiques prêts à le soutenir, comme l’ancien président de l’Assemblée Evariste Boshab ou l’ex-ministre de l’Intérieur Adolphe Lumanu.
Le président s’est aussi réconcilié avec les religieux catholiques et protestants, qui avaient dénoncé les pressions du camp présidentiel pour imposer Denis Kadima à la présidence de la centrale électorale. La Kabilie, responsable de tous les maux, selon Félix Tshisekedi qui accusait le FCC de blocage au sein de la coalition au pouvoir, n’est plus que l’ombre de lui-même. Les politiciens proches de l’ancien président se font discrets ou rejoignent petit à petit l’Union sacrée. Les sécurocrates, comme l’ancien patron des renseignements Kalev Mutond ou l’ex-patron de la police John Numbi, sont en fuite.
Améliorer la vie quotidienne des Congolais
Félix Tshisekedi a enchaîné les victoires politiques pour asseoir son pouvoir. Reste à savoir ce qu’il va en faire ? Beaucoup de promesses ont été faites et peu de réalisations sont visibles. La gratuité de l’enseignement reste largement sous-financée, oblige les parents a continué de payer les professeurs et fait exploser les effectifs dans les écoles. L’accès à l’eau et à l’électricité sont toujours problématiques et les infrastructures routières inexistantes.
Dans son discours à la Nation, le chef de l’Etat a reconnu des dysfonctionnements « inacceptables ». Mais il a surtout tancé son gouvernement et les entreprises d’Etat qui « souffrent d’un manque de coordination et d’une faiblesse de pilotage ». Félix Tshisekedi a demandé à son exécutif « d’accélérer la mise en oeuvre de projets à impacts rapides et visibles ». Un aveu échec que le président, et déjà candidat à sa propre succession, aimerait bien voir maintenant appartenir au passé… du temps où il ne possédait pas les pleins pouvoirs.
Le risque est de voir l’action du président Tshisekedi totalement absorber par la consolidation et le maintient de ses pouvoirs, avec en ligne de mire sa réélection en 2023. Le pari est risqué. Tout contrôler ne suffira pas à gagner les élections. Le chef de l’Etat ne s’y est pas trompé pendant son déplacement dans les Kasaï fin 2021, où il a pu voir le dénuement dans lequel vivent les populations du « Congo profond ». Le retour de la paix à l’Est et l’amélioration de la vie quotidienne des Congolais seront les deux boussoles qui permettront de juger du bilan de Félix Tshisekedi à la tête du pays.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Excellent analyst
« Les pleins pouvoirs accaparés par le président Tshisekedi lui permettront-ils de passer enfin à l’action ? » Il y’a peut-être dans cette question le début de sa réponse : comment a-t-il obtenu ses pleins pouvoirs, c’est quoi passer à l’action, quelle action…? C’est depuis un moment que Tshisekeedi dispose de ses pleins pouvoirs et entre-temps il a fait beaucoup de promesses dans le sens des attentes du pays et des populations mais peu ont connu des réalisations. Le manque de coordination et la faiblesse de pilotage qu’il reproche au gouvernement le concernent aussi quoiqu’il le dénonce tout haut chez ces collaborateurs.. Lorsque comme Tshisekedi on a un objectif de se faire réélire en 2023 la tendance serait à l’action politique voire politicienne au risque de négliger les deux priorités du pays qui ont pour noms « amélioration de la vie quotidienne des Congolais et retour de la paix à l’Est »
De quoi sera alors capable Tshisekedi : multiplier les garanties structurelles devant assurer d’abord sa réélection ou abonder patiemment dans les actions sociales et sécuritaires quitte à ce que son bilan réel soit moins reluisant ? Attendons voir ce qu’il pourra faire….
Cgençons de suite avec des colliphars qui répondront à des besoins réels
Ah ! Vraiment, si la volonté de Tshisekedi est visible, tout ce qui semble lui manquer c’est :
1) Manque de rigueur dans la cordination des actions financées
2) Mauvaise stratégie dans le financement des actions
3) Complaisance face aux corrompus pour des raisons politiques
4) Entourage Ultra diaspora et copie complète de démocratie à l’occidentale
5) Ignorer que construire rien que les routes et très stratégique s’il veut contribuer à la paie et au développement dans ce pays de façon durable…
Bon article Christophe, je suis en phase avec l’excellente analyse de Nsumbu.