Sécurité à rétablir, armée et justice à reconstruire, économie à genoux… les défis à relever sont énormes pour le nouveau président centrafricain élu ce week-end, Faustin-Archange Touadéra.
Après trois ans de chaos et deux ans d’une transition politique chancelante, la Centrafrique renoue avec l’espoir. Dans le calme, mais sans engouement, les Centrafricains ce sont portés sur Faustin Touadéra, un ancien Premier-ministre de 58 ans, pour relever un pays exsangue. La légitimé du scrutin suffira-t-elle au nouveau président centrafricain pour réussir les chantiers titanesques qui l’attendent ? Pas si sûr. Car si Faustin Touadéra a été élu confortablement avec 62, 71% des voix face à un autre ancien Premier ministre, Anicet Dologuélé, le nouveau président repart d’une feuille blanche.
Un pays coupé en deux
Trois chantiers colossaux attendent Faustin Touadéra : le rétablissement de la sécurité, la réconciliation politique et la relance de l’économie. Avec des caisses de l’Etat vides, une armée, une police et une justice à rebâtir complètement, la tâche est ardue. Sur le volet sécuritaire, le pays est encore largement coupé en deux. Les groupes armés anti-balaka, à majorité chrétienne, dominent Bangui et l’Ouest, alors que les ex-séléka, majoritairement musulmans, restent très implantés au Nord et à l’Est du pays. Si les casques bleus de la Minusca et la force française Sangaris ont pour le moment éviter le pire, le pays est encore dominé par les affrontements inter-communautaires. A cela s’ajoute une crise humanitaire avec plus de 460.000 réfugiés dispersés au Cameroun, au Tchad et au Congo- Brazzaville et Kinshasa. 54.000 personnes sont encore déplacés dans la capitale Bangui. Des chiffres inquiétants pour ce petit pays de seulement 5 millions d’habitants.
Quid des fauteurs de troubles ?
Pour renouer avec la paix, le nouveau président devra jouer une partition politique des plus fines avec les différents groupes armés. Pour le moment, les éléments perturbateurs, comme l’ancien président Bozizé, qui instrumentalise à souhait les anti-balaka, ou Nourreddine Adam, l’homme fort de la séléka, ont été tenus à distance pendant le scrutin. Mais après ? Seront-ils tentés de revenir sur le devant de la scène ? Si aucun accord politique et si aucune équation politique n’est trouvé avec eux, il est fort à parier que le calme sera de courte durée. Si Touadéra n’a pas bénéficié du soutien personnel de François Bozizé, le nouveau maître de Bangui pourra compter sur le parti l’ancien président et les cadres du KNK. Cela sera-t-il suffisant pour isoler Bozizé ? Rien n’est moins sûr.
Tout miser sur le politique
Politiquement, Touadéra a le soutien de Jean-Serge Bokassa et surtout de Martin Ziguélé, un des favoris du premier tour. De quoi former une large plateforme pour gouverner. Côté séléka, l’influence de Touadéra est quasi nulle. Le nouveau président devra seulement compter sur les casques bleus de la Minusca et la force Sangaris pour tenir le pays en attendant l’achèvement de la lente reconstruction de l’armée nationale. Seul hic : la Minusca reste très timide sur le terrain et François Hollande veut se désengager le plus rapidement possible du théâtre centrafricain. Pour contrer sa faiblesse sur le terrain militaire, Faustin Touadéra devra tout miser sur le politique. Il compte d’ailleurs s’y atteler très rapidement en organisant des Assises nationales pour réconcilier les Centrafricains, à l’image du Forum mené par Catherine Samba-Panza mais que n’a pas été suivi d’effets. Egalement très important, un Comité vérité et réconciliation (comme en Afrique du Sud) devrait pouvoir juger les crimes commis pendant le conflit.
Relancer l’économie
La reconstruction de l’Etat et de son économie, où du moins ce qu’il en reste, constitue le troisième chantier du président centrafricain. Le pays est à genoux et fait partie des plus pauvres du monde. La Centrafrique possède pourtant de nombreuses richesses, comme le diamant, un peu de pétrole et l’exploitation forestière. Mais ces secteurs d’activités ne bénéficient pas encore à l’Etat centrafricain. Certaines mines de diamants sont encore contrôlées par des groupes armés. Il faut donc que l’Etat retrouve ces recettes pour remplir les caisses et investir dans les infrastructures. Mais la route est encore longue pour la Centrafrique. Et le peu de moyens dont dispose le nouveau président centrafricain le met dans une position de dépendance sécuritaire et économique vis à vis de la communauté internationale qui s’en tient au strict minimum. Une faiblesse qu’il devra compenser par un habile dosage politique au sein de son futur gouvernement.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia