Un collectif congolais s’organise sur internet pour dénoncer la volonté du président Denis Sassou Nguesso de se maintenir au pouvoir. Leur nouveau mot d’ordre, « #Sassoufit », prend de l’ampleur.
« 30 ans #Sassoufit ! ». Le jeu de mot est efficace, mais suffira-t-il à faire plier le président Sassou Nguesso, dont le parti vient de se prononcer pour un changement de Constitution qui lui permettrait à briguer un troisième mandat ? Andrea Ngombet, l’un des fondateurs du collectif « Touche pas à l’article 57 » le pense. Lassé par les manifestations de la diaspora devant l’ambassade du Congo à Paris, Andrea et ses amis décident d’investir les réseaux sociaux. « La stratégie de la diaspora est mauvaise, les manifestations ici en France, n’empêchent pas Denis Sassou Nguesso de dormir » constate Andrea. En avril 2014 le collectif lance la campagne « #Sassoufit ». Très vite, la mobilisation s’organise via Facebook et Tweeter. « Avec peu de moyens, on peut arriver à briser l’isolement médiatique sur la situation au Congo-Brazzaville. Aujourd’hui plus de 4000 personnes nous suivent sur les réseaux sociaux. Petit budget, fort impact !» constate le jeune congolais.
Changement de Constitution ?
L’objectif affiché du groupe est de défendre la Constitution congolaise. « Nous sommes les enfants de la Constitution de 2002 » revendique Andrea. Et selon la loi fondamentale, le président Denis Sassou Nguesso, 30 ans au pouvoir et deux mandats au compteur, devrait passer la main. Trois articles empêchent le président congolais de se représenter. L’article 57 stipule que le président de la République ne peut se représenter qu’une seule fois, ce qui n’est déjà plus le cas de Sassou. L’article 58 limite l’âge du candidat à l’élection présidentielle à 70 ans, or Denis Sassou Nguesso a déjà 71 ans et serait donc trop vieux pour se représenter. Enfin, l’article 185 explique que le nombre de mandats du président ne peut faire l’objet d’une révision constitutionnelle. Bloqué par trois verrous juridiques, le parti du président Sassou, le PCT, croit pourtant avoir trouvé la solution en proposant un changement complet de Constitution… avec réécriture de tous les articles. Un scandale pour le collectif « #Sassoufit » qui pense qu’un référendum sur la question serait « vraisemblablement truqué avec un faible taux de participation, à l’image des dernières élections législatives ».
Rassemblement « Sassoufiste » le 22 mars à Brazzaville
Les jeunes « Sassoufistes » roulent-ils pour un parti politique ? Andrea Ngombet est clair sur la question : « nous sommes de la société civile, nous ne sommes pas des politiques ». Le collectif veut « dépersonnaliser le débat » même si son slogan pointe les 30 années de « démocrature » de Sassou, un mélange de démocratie et de dictature. « On veut juste défendre la Constitution, plaide Andrea, peu importe qui gagnera ensuite les élections, nous n’avons personne à soutenir. Si Sassou s’en va, ce sera un acquis pour tous les futurs présidents, qui ne feront que deux mandats ». Mais avant d’en arriver là, Andrea a bien conscience que la route est peut-être encore longue. « Sassou vient de recruter de nouveaux gendarmes !». Signe du climat de peur qui règne à Brazzaville, les Congolais qui brandissent leur panneau « #Sassoufit » devant leurs smartphones ne le font pas tous à visages découverts. Pourtant, le 22 mars prochain, le collectif fait le pari d’organiser un rassemblement citoyen à Brazzaville pour défendre l’actuelle Constitution. L’événement devrait se dérouler sur l’esplanade du stade Massamba Débat de la capitale congolaise. Les autorisations sont actuellement en cours, selon Andrea, qui a confié l’organisation du rassemblement à trois jeunes membres du collectif de Brazzaville. Si Andrea et ses « Sassoufistes » fondent beaucoup d’espoir sur le départ de Denis Sassou Nguesso, ils ne s’en font pas beaucoup pour les politiciens de l’opposition qui pourraient prendre sa place : « ils ont tous été formés à l’école du monopartisme… avec Sassou » tranche Andrea.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia