La crise sanitaire du coronavirus risque d’être particulièrement violente en Afrique, où les Etats ne seraient pas en mesure de protéger la population. Un risque « de déstabilisation pour les régimes fragiles ou en bout de course » selon le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du quai d’Orsay.
8.719 cas confirmés et 399 morts au 5 avril… le Covid-19 poursuit sont inexorable progression en Afrique. Mais au-delà des conséquences sanitaires et humanitaires terribles, le coronavirus pourrait déstabiliser les pouvoirs politiques de nombreux pays du continent. Dans une note du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS), les experts du ministère des affaires étrangères français redoutent « l’onde de choc à venir du Covid-19 ». Avec un système de santé faible, insuffisant et déjà saturé, l’Afrique pourrait être rapidement submergée et dépassée si l’épidémie s’emballe. Dans ce scénario, les Etats pourraient « massivement faire preuve de leur incapacité à protéger leurs populations. »
Fin des rentes pétrolières ?
Cette « crise de trop » pourrait « déstabiliser et mettre à bas des régimes fragiles, au Sahel, ou en bout de course, en Afrique centrale ». Selon les experts du quai d’Orsay, les mesures de confinement seront difficilement applicables et fragiliseront le secteur informel, « cet économie de survie quotidienne essentielle au maintien du contrat social. » En Afrique centrale, plusieurs pays pourraient être menacés par la chute des prix du pétrole, comme le Cameroun, le Gabon ou le Congo-Brazzaville, et « précipiter la crise finale de la rente pétrolière. »
Des classes dirigeantes menacées
Le virus touche pour l’instant en priorité les centres-ville des mégapoles africaines, et donc les classes dirigeantes. Le président de la Commission de l’Union africaine, le président du Botswana et le Premier ministre ivoirien sont en quarantaine. De nombreux ministres ont été infectés, et déjà plusieurs décès sont à déplorer, dont la vice-présidente de l’Assemblée nationale du Burkina-Faso et deux conseillers du président Félix Tshisekedi en République démocratique du Congo (RDC).
« Phénomènes de panique urbaine »
Un autre risque politique est évoqué par les experts du quai d’Orsay : celui du « mort politique zéro (…), la personnalité dont la mort cristalliserait la contestation, qu’il appartienne au système en place ou à l’opposition ». Instabilité économique, sociale et politique, pourraient faire naître « des phénomènes de panique urbaine (qui seraient) le terreau sur lequel se construisent les manipulations des émotions populaires ». « A cela s’ajoutent les dynamiques de rumeurs populaires, lesquelles sont tout autant susceptibles d’être instrumentalisées pour orienter des violences collectives. »
Faire émerger de nouveaux acteurs
Dans ce contexte de crise à venir, la note du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie, identifie les différents interlocuteurs africains capables de servir de médiateurs avec la population. Dans ces différents acteurs, on trouve certaines autorités religieuses, à l’exception de celles ayant un agenda socio-politique ; les diasporas, très écoutées sur le continent ; certains artistes populaires « crédibles » ; ou les entrepreneurs économiques et autres philanthropes.
S’appuyer sur la communauté scientifique africaine
Les experts du quai d’Orsay notent enfin qu’il « convient de soutenir des paroles publiques d’experts africains scientifiques et spécialistes de la santé. Il existe une communauté scientifique médicale africaine qui peut être mobilisée et soutenue. » Reste enfin une question laissée sans réponse par la note du CAPS, celle de savoir quelle sera l’ampleur de la pandémie en Afrique. Pour l’instant, le nombre de cas identifiés reste faible en rapport à l’immensité du continent, mais le taux de létalité de la maladie s’avère déjà plus élevé qu’en Chine et qu’en Europe. En RDC, il pourrait atteindre 10%, selon le virologue congolais Jean-Jacques Muyembe, qui s’est vu confier la direction de la riposte au Covid-19 au Congo. Un chiffre qui inquiète fortement à Kinshasa, mégapole de 12 millions d’habitants.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia