La visite du facilitateur de l’Union africaine (UA) Edem Kodjo à l’opposant Etienne Tshisekedi s’est une nouvelle fois soldée par un échec. Le Comité des sages de l’opposition a rejeté le dialogue politique convoqué par le président Joseph Kabila.
Joseph Kabila est souvent accusé de jouer la montre, mais sur la question du dialogue politique, le président congolais semble particulièrement pressé de la faire aboutir. Son mandat arrivant à son terme fin décembre 2016, le chef de l’Etat veut organiser au plus vite les discussions sur « l’après 2016 » avec l’ensemble de la classe politique congolaise. La commission électorale (CENI) laisse entendre que l’élection présidentielle pourrait être retardée de plusieurs mois afin de terminer la fiabilisation du fichier électoral. Un « glissement » du calendrier qui pourrait permettre à Joseph Kabila de rester au pouvoir au-delà de son second et dernier mandat. Une « manoeuvre » qui fait dire à l’opposition que l’actuel président cherche à bloquer sciemment le processus électoral.
Dialogue : l ‘UDPS freine
Dans l’impasse politique, le président congolais a convoqué depuis le 28 novembre 2015, un dialogue politique afin de trouver un consensus électoral face au retard pris par la CENI. Dans l’opposition, seule l’UDPS s’était déclaré partante, sous conditions. L’UNC et le MLC, au sein de la Dynamique de l’opposition, avaient choisi de ne pas participer au dialogue qu’ils qualifiaient de « piège » tendu par Joseph Kabila pour s’accrocher au pouvoir. Après plusieurs mois d’atermoiement, une sérieuse contestation interne et la forte pression des autres partis d’opposition, l’UDPS a fini par faire marche arrière. Au conclave de l’opposition à Bruxelles, le 10 juin dernier, l’UDPS s’est pourtant mise au diapason des anti-dialogue en demandant la tenue des discussions sous l’égide de la communauté internationale, comme le demandait la résolution 2277 des Nations-unies.
Un dialogue « made in ONU »
Dans un voyage de la dernière chance, le facilitateur de l’Union africaine, Edem Kodjo, qui tente en vain de convaincre les opposants de s’assoir à la table de Kabila, avait fait le déplacement à Bruxelles pour une ultime rencontre avec Etienne Tshisekedi et le Comité des sages issu du conclave de l’opposition. Mais une nouvelle fois, le facilitateur, appelé ironiquement « complicateur » par la rue kinoise, n’a pas convaincu. Dans une ambiance glaciale, l’ancien Premier ministre togolais n’a pas réussi à soutirer la moindre liste de délégués de l’opposition en vue du comité préparatoire au dialogue. L’UDPS a de nouveau rejeté le dialogue « made in Kabila » pour se focaliser sur la résolution 2277 de l’ONU qui exige la présence de médiateurs internationaux au dialogue, mais aussi la tenue rapide d’élections libres et crédibles… ce qui est évidement loin d’être le cas. L’UDPS demande également « un geste » du pouvoir en libérant les prisonniers politiques.
Le retour du référendum
En rejetant de nouveau le dialogue, l’UDPS accentue la pression sur le camp présidentiel qui pensait pouvoir négocier une période de transition, après décembre 2016, en échange de quelques postes ministériels cédés à l’opposition. Mais en fait, les opposants de Joseph Kabila n’ont aucun intérêt à se ruer à la table du dialogue avant décembre 2016 et la fin du mandat de Joseph Kabila. Beaucoup pensent que, début 2017, hors mandat, le président Kabila n’en sera que plus vulnérable. Mais la majorité ne va pas s’arrêter à l’échec de la rencontre de Bruxelles et à la tenue de plus en plus hypothétique d’un dialogue politique qui s’éloigne de jour en jour. L’idée d’un référendum pour valider sur un troisième mandat président Kabila est déjà sur les rails.
« Plus dangereux qu’au Burundi »
Comme au Rwanda et au Burundi voisin, le président congolais pourrait choisir cette option pour se maintenir à son poste. Une option risquée dans un climat de tension politique extrême qui pourrait déboucher sur des troubles importants. Un récent rapport d’agences de l’ONU et d’ONG internationales s’inquiète de l’instabilité qui règne en RDC. Le pays est présenté comme vulnérable aux violences : « les arrestations arbitraires et le musellement de l’opposition s’amplifient ». Une situation que certains craignent « plus dangereuse qu’au Burundi » victime d’une violente flambée de répression sans précédent depuis 10 ans.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia