Réfugié en France depuis 1994, le père Munyeshyaka avait bénéficié d’un non-lieu au terme d’une interminable enquête pour son rôle allégué dans le génocide des Tutsi. Son évêque vient de le suspendre pour avoir reconnu un fils biologique. Une nouvelle affaire qui provoque une forte émotion dans le diocèse… et au Rwanda. Le journaliste et écrivain Jean-François Dupaquier nous aide à décrypter cette histoire aux nombreux rebondissements.
AFRIKARABIA : Jean-François DUPAQUIER, vous avez enquêté sur le père Wenceslas Munyeshyaka. Que faut-il retenir de ces derniers événements ?
Jean-François DUPAQUIER : – Pour comprendre ce rebondissement, il faut rappeler brièvement ce qu’il était convenu d’appeler entre 1994 et 2019 « l’affaire Munyeshyaka » qui a placé ce prêtre sous les feux de la rampe. En juillet 1994, le père Wenceslas Munyeshyaka s’enfuit au Zaïre (actuelle République Démocratique du Congo) à la veille de la victoire militaire des rebelles Front patriotique rwandais – le FPR – qui met fin au génocide des Tutsi du Rwanda. A la fin de cette même année, le père Munyeshyaka est remarqué et exfiltré vers la France par un évêque français, Mgr Jacques David qui visite les camps de réfugiés du Zaïre. L’évêque suit la mission du cardinal Roger Etchegaray, président du Conseil pontifical justice et paix, venu constater au Rwanda les ravages du génocide. Mgr David, fasciné par la religiosité des réfugiés au Zaïre, est plus naïf. Il se prend de sympathie pour Munyeshyaka.
Ce dernier vient en France comment ? Sans visa ?
Mgr David a le bras long. Il présente Wenceslas Munyeshyaka comme étudiant en théologie, fuyant le Rwanda où il risquerait la mort. Mgr David demande à son collègue de Privas, Mgr Bonfils, de lui trouver une paroisse. Il est nommé à Bourg-Saint-Andéol, un bourg perdu dans une petite vallée au sud de l’Ardèche.
Le père Munyeshyaka ne le sait pas encore, mais deux rescapés, Jean-Louis Nyilinkwaya et Yvonne Mutimura, avec l’aide de l’association Juriste Sans Frontière ont porté plainte contre lui dès février 1995. Au niveau des médias c’est grâce à Jean-Louis Nyilinkwaya que le journaliste de Libération Alain Frilet et France 3 peuvent le retrouver. Alain Frilet avait décrit « l’enfer de la Sainte-Famille » dans Libération du 17 juin 1994, en plein génocide. Il y avait dressé le portrait de l’abbé Wenceslas Munyeshyaka, « un curieux homme d’église pistolet à la ceinture et gilet pare-balles ». Alain Frilet est stupéfait de le retrouver en France un an plus tard.
Que reproche-t-on alors au prêtre rwandais ?
Au Rwanda, de graves accusations ont été lancées contre le fugitif. Comme vicaire à la paroisse de la Sainte-Famille à Kigali, on lui reproche d’avoir livré aux miliciens Interahamwe des dizaines, voire des centaines d’hommes tutsi réfugiés dans l’église, et d’avoir protégé des femmes ou jeunes filles en échange de faveurs sexuelles. En droit, il s’agit de viols car une menace de mort pesait sur ces femmes.
Le père Wenceslas Munyeshyaka figure alors au n° 421 de la première liste de 446 personnes accusées par le gouvernement rwandais d’avoir participé activement au génocide, à ce titre recherchées par la justice rwandaise.
Et que se passe-t-il en Ardèche ?
A l’époque, ce département dispose d’un seul juge d’instruction, Christophe Ruin. Celui-ci, installé au TGI de Privas, traite à longueur d’années des vols de récoltes ou de bétail et autres délits agricoles. Il se passionne pour l’affaire. Le 28 juillet 1995, Ruin signe un mandat d’amener. Wenceslas Munyeshyaka est arrêté à Montélimar et placé en garde à vue. Conduit devant le juge d’instruction le 1er août 1995, il est mis en examen des chefs de génocide, de crime contre l’humanité et de torture. Il nie la totalité des faits qui lui sont reprochés avant d’être placé – provisoirement – en détention provisoire. Les médias commencent à parler de « l’affaire Munyeshyaka ».
Une situation que l’on imagine très désagréable pour le curé de Bourg-Saint-Andéol ?
Malgré sa remise en liberté, Munyeshyaka se sent très isolé dans l’Ardèche. Mgr David vient une nouvelle fois à son secours. En 1995, le très controversé Jacques Gaillot, évêque d’Evreux, est écarté par Rome. Mgr David lui succède. Il en profite pour faire venir dans son diocèse celui que les fidèles appelleront par commodité le « Père Wenceslas ». L’évêque lui apportera un soutien sans failles jusqu’à la fin de son ministère en 2006, et même plus tard. Son successeur Mgr Christian Nourrichard poursuivra dans la même voie. Globalement, les fidèles font bon accueil au prêtre. Il se crée même une « Association des amis du père Wenceslas ».
Que devient l’enquête judiciaire ?
Elle connaît un parcours chaotique. Sur le plan juridique, le droit pour des juges français de poursuivre un étranger accusé de crimes commis à l’étranger contre des étranger – mais résidant en France – peine à entrer dans les mœurs. De son côté, Mgr Duval missionne un important cabinet d’avocats parisiens (Cabinet Dupeux-Skornicki-Massis) pour assurer la défense de Wenceslas Munyeshyaka. Ces avocats font appel de l’ordonnance de mise en détention devant la cour d’appel de Nîmes. Le 11 août 1995, les magistrats nîmois, au terme d’un arrêt dénonçant le « caractère manifestement excessif » des témoignages présentés, ordonnent la remise en liberté de Munyeshyaka sous contrôle judiciaire. Le juge Christophe Ruin demande au ministère de la Justice l’autorisation de poursuivre sur commission rogatoire ses investigations au Rwanda. Cette autorisation lui est refusée au motif que l’Etat n’y existe pratiquement plus, et que sa sécurité ne serait pas assurée.
Pourtant, dès cette époque, la justice belge mène des enquêtes au Rwanda ?
Les autorités françaises vont longtemps multiplier les obstacles au travail des juges de notre pays sur le génocide des Tutsi et les présumés « génocidaires » réfugiés en France. Le « père Wenceslas » a bénéficié de ce contexte.
La France sera condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (affaire Mutimura c. France) pour n’avoir pas instruit l’affaire dans un délai raisonnable. (Ce n’est pas un jugement banal. Il y aurait trop à dire sur cette question pour la développer dans le cadre de cette interview où il est déjà difficile de résumer les faits.
Néanmoins l’instruction judiciaire de « l’affaire Munyeshyaka » s’est poursuivie ?
Avec bien des difficultés et des stratégies dilatoires. Il faut reconnaître l’efficacité du Cabinet Dupeux-Skornicki-Massis, rejoint par Me Florence Bourg, pour assurer la défense du prêtre. Je connais bien ces avocats et notamment Me Jean-Yves Dupeux qui avait été mon défenseur quelques années plus tôt alors que, rédacteur-en-chef à l’hebdomadaire L’Evénement du Jeudi, j’étais accusé de diffamation par des responsables du Front National. Je connais aussi le niveau des honoraires de ces avocats. Les paroissiens de l’Eure seraient très surpris d’apprendre combien le diocèse d’Evreux a dépensé, en plus de vingt ans de procédure, pour un homme qui a pris le risque de se retrouver défroqué.
Dorénavant les poursuites engagées en 1995 contre le père Wenceslas Munyashyaka pour génocide sont closes, même si le juge formule des réserves qui ne « blanchissent » pas totalement le père Munyeshyaka ?
Après vingt ans de procédure, le dernier juge d’instruction de ce dossier a rendu en octobre 2015 une ordonnance de non-lieu, en estimant que la passivité du vicaire de la Sainte-Famille face aux massacres en 1994 dans son église ne pouvait suffire à ordonner son renvoi devant la cour d’assises pour génocide, pas plus que les allégations de viols contre des femmes tutsi.
Le non-lieu a été confirmé par la cour d’appel puis par la Cour de cassation en 2019. On peut s’étonner de cette issue alors que Paris, pour avoir refusé de déférer Wenceslas Munyeshyaka au Tribunal Pénal International pour le Rwanda qui le réclamait, s’était engagé à le traduire en justice. Actuellement la cour d’assises de Paris juge un autre présumé génocidaire, Claude Muhayimana, sur qui pèsent des accusations beaucoup moins lourdes, et qui semble avoir de bonnes chances d’obtenir un acquittement ou une condamnation légère. Pourquoi ces traitements judiciaires si différents ? Peut-être parce que le protégé de Mgr Duval avait aussi d’excellents avocats…
Aujourd’hui le « père Wenceslas » est, jusqu’à la preuve du contraire – une hypothétique réouverture du dossier pour « faits nouveaux » –, considéré comme définitivement innocenté des accusations de génocide et d’autres crimes portées contre lui. Pourquoi la sanction qui vient de lui être infligée par son évêque Mgr Nourrichard provoque-t-elle tant d’émotion ?
Le 1er septembre dernier, dans le cadre des redéploiements annuels dans les diocèses, Mgr Christian Nourrichard a nommé Munyeshyaka à la tête de la paroisse Saint-Martin de la Risle, à Brionne. Cette décision est apparue bizarre vis-à-vis d’un homme qui, depuis une vingtaine d’années, avait tranquillement refait sa vie à Gisors en tant que prêtre coopérateur. D’autant que trois mois plus tard, dans un communiqué transmis à la presse ce vendredi 3 décembre, le diocèse d’Evreux indique qu’il ne pourra plus « exercer un ministère presbytéral, ni de conférer ou célébrer tout sacrement » au motif que le père Wenceslas a reconnu un fils biologique né en juillet 2010, « d’une liaison qu’il a entretenue à Gisors. » J’ai des raisons de penser que tout n’est pas dit dans ce communiqué, loin s’en faut. Que Mgr Nourrichard espérait écarter Munyeshyaka de Gisors sans faire de bruit. Et que le contexte des scandales dans l’Eglise de France ne l’a pas permis.
Pourquoi ?
A Gisors aussi il y a un ras-le-bol des paroissiens contre Munyeshyaka, nourri par des rumeurs, puis par des faits avérés de violation du droit canonique (dit « droit canon »), un ensemble d’ordonnances et de règlements pris par l’autorité ecclésiastique concernant le gouvernement d’une organisation ou d’une église chrétienne et de ses membres.
Vous avez des preuves de ce ras-le-bol ?
Comme journaliste à L’Evènement du Jeudi puis dans d’autres médias, je me suis fait connaître pour mes enquêtes sur le génocide des Tutsi du Rwanda. Au début des années 2000, j’ai été contacté par un groupe de paroissiens de Gisors qui cherchait à en savoir plus sur le passé de Munyeshyaka et qui se disait indigné du comportement personnel du prêtre à Gisors, notamment vis-à-vis de paroissiennes. Avant de les rencontrer, je me suis renseigné : ces fidèles étaient cités dans l’annuaire paroissial comme très impliqués dans la pastorale locale. Pourtant, ils venaient de renoncer à tout mandat et n’allaient plus aux messes à Gisors. Ils disaient avoir été éconduits par le curé en titre, le père Michel Morin, et par l’évêque d’Evreux de l’époque, Mgr David. Je voyais que mes interlocuteurs et interlocutrices de Gisors avaient été troublés et blessés du refus de la hiérarchie catholique de recevoir leurs témoignages.
Après deux ou trois rencontres, j’ai cessé de les voir. J’étais focalisé sur l’histoire du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994. Bien qu’ayant rencontré quelques gisorsiennes relatant des expériences « croustillantes », la vie personnelle et les éventuelles frasques du « père Wenceslas » à Gisors ne m’intéressaient pas. Cependant, j’avais relevé des déclarations pour le moins imprudentes de Mgr David sur la tragédie de 1994. Je le lui ai écrit. Il ne m’a jamais répondu. Lorsque Mgr Nourrichard lui a succédé à la tête du diocèse, je lui ai adressé une carte en demandant à le rencontrer. Sans proposition de rendez-vous. Je suis journaliste. Pourquoi et comment en faire plus pour ces paroissiens qui sollicitaient mon aide ? Certains aujourd’hui sont décédés, mais d’autres peuvent encore produire leurs dossiers…
En résumé, vous estimez que la connaissance du non-respect de la règle de chasteté par le père Wenceslas ne date pas d’hier dans le diocèse, pas plus que dans la paroisse ?
Tous ceux qui connaissent le père Morin savent qu’il est un prêtre expérimenté, enraciné de longue date dans la paroisse de Gisors, informé de tout, ne serait-ce que grâce aux confessions. Dans le presbytère, il habitait à deux pas du père Wenceslas. Il est aussi un « bon petit soldat » de l’Eglise qui rend compte à son évêque de tout ce qu’il importe de « faire remonter ». Or il s’est comporté depuis toujours comme un soutien aveugle et inconditionnel de son collègue rwandais. Ainsi, il revendiqua un « droit de réponse » en 2014 au journal « L’Impartial des Andelys » pour dénoncer « un lynchage médiatique, qui ne cesse de ternir faussement l’image du père Wenceslas ».
Vous citez ce « droit de réponse » du père Morin de 1994 qui défend bec et ongles la réputation générale de son collègue Munyeshyaka. Mais ne faites-vous pas de simples déductions – ça s’appellerait un procès d’intention – sur Michel Morin et son évêque ?
En cette même année 2014, le « père Wenceslas » semble ivre de joie de son statut de père, car s’en vante par téléphone. Cette période est aussi un moment crucial pour le juge d’instruction qui confronte le suspect à des témoignages embarrassants. C’est donc le moment que choisit le juge pour faire mettre le téléphone portable de Munyeshyaka sur écoutes.
Jusqu’à la clôture définitive du dossier en 2019, ces écoutes sont couvertes par le secret de l’instruction. Mais aujourd’hui, apparemment, c’est « open bar ». Ces PV d’écoutes sont cités par des journalistes français ou étrangers, notamment samedi dernier par le site rwandais Igihe. Les pièces d’instruction semblent avoir fait le tour du monde…
Et qu’y trouve-t-on ?
Selon nos confrères, ces écoutes ne durent que huit jours, à l’automne 2014. Le curé de Gisors s’y épanche auprès de plusieurs femmes qui semblent être ses confidentes et/ou ses maîtresses, sur une succession de paternités. Il échange avec une certaine Claudine, de Savigny-sur-Orge, qu’il appelle « Mimi chérie ». Le père Wenceslas lui parle d’un homme qu’il recherche pour le faire venir en France, qui s’appelle Hakizimana. Il dit qu’il avait 19 ans en 1994, on comprend qu’il serait son premier fils. « Mimi chérie » semble partageuse, car l’abbé Wenceslas ajoute qu’il voudrait lui faire un deuxième enfant et que cette fois il veut une fille. Claudine le taquine en lui rétorquant qu’il ne fait que des garçons.
L’abbé discute avec une autre Rwandaise, une certaine Vestine, qui habite à Gisors, non loin du presbytère. Elle passe son téléphone à leur tout jeune fils Wilfrid qui veut absolument parler à son papa.
De ces écoutes téléphoniques, il ressort que Wenceslas Munyeshyaka est déjà père de deux ou trois garçons, issus de deux ou trois amantes différentes. Il a installé à Gisors une série de femmes qui lui sont attachées et le soutiennent psychologiquement – ou plus si affinités.
Quelles conclusions en tirez-vous ?
Je pense au père Michel Morin, l’autre curé de Gisors, qui prétend n’avoir rien sû, qui n’a pas voulu écouter les protestations de paroissiens indignés, qui n’a pas entendu parler de la drague « lourdingue » dont se plaignent d’autres femmes de la ville et qui dénonce au même moment – 2014 – « un lynchage médiatique, qui ne cesse de ternir faussement l’image du père Wenceslas ». Je pense aussi à Mgr Nourrichard qui n’aurait appris que sept ans plus tard « une » des paternités du curé.
Pourquoi Mgr Nourrichard aurait-il tardé à sanctionner les activités sexuelles du curé rwandais, si éloignées du vœu de chasteté ?
Disons-le franchement : à Gisors, le comportement privé du père Wenceslas était un secret de Polichinelle. Vous vous souvenez que le Rapport Sauvé sur les crimes sexuels dans l’Eglise a été rendu public voici deux mois, provoquant une immense colère des fidèles contre l’hypocrisie de l’épiscopat. Et que, dans ce nouveau contexte, le Souverain Pontife a démissionné l’archevêque de Paris Michel Aupetit une semaine seulement après qu’ait éclaté l’information sur son ancienne relation avec une paroissienne. Mgr Nourrichard pouvait-il continuer de fermer les yeux sur les frasques d’un de ses prêtres après la « jurisprudence Aupetit » ? Des paroissiens de l’Eure m’ont dit qu’ils réclameront la démission de leur évêque et demanderont des comptes au père Michel Morin « qu’on aime bien quand même, qui ne doit pas servir de fusible ».
De leur côté, comment les Rwandais vivent-il ce nouvel épisode de « l’Affaire Munyeshyaka » ?
A Kigali, même si la radio et la télévision d’Etat mesurent leurs propos, les rescapés du génocide et leurs proches se disent amers et révoltés. Ils ont très mal reçu l’information selon laquelle, le 30 juillet dernier, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), a accordé à Wenceslas Munyeshyaka le statut de réfugié politique, ce qui lui a permis de faire une demande de titre de séjour et d’ouvrir ainsi la voie à une demande de naturalisation. Il faut comprendre qu’au Rwanda, le père Wenceslas n’apparaît pas comme pas un homme « blanchi » par un non-lieu de la Cour de Cassation à Paris.
A Kigali, il est un ecclésiastique définitivement condamné par contumace en 2006 à une peine de détention à perpétuité pour génocide. Son nom a été effacé de la liste des prêtres ayant officié à la Sainte-Famille. Cependant, il coule des jours tranquilles parce que la France refuse de l’extrader. Alors que des Rwandais l’accusent de tant de morts et aussi de soutien au mouvement rebelle des FDLR – les restes de l’ancienne armée génocidaire qui multiplie les crimes en RDC –, le fait qu’il soit finalement sanctionné par l’Eglise pour paternité leur paraît le comble de l’indécence et de l’absurdité.
Propos recueillis par Afrikarabia
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[1] https://www.dailymotion.com/video/x4fws8s
[2] En principe le nouveau code pénal adopté en 1993 rend possible la poursuite devant les tribunaux français d’un étranger suspecté d’avoir commis des crimes ou des délits à l’étranger, même si les victimes ne sont pas des citoyens français, à partir du moment où la preuve est apportée de la présence du suspect sur le territoire français. Forts de ce nouveau code, des parents de victimes du génocide des Tutsi portent plainte devant le Tribunal de Grande Instance de Privas. Cependant, la convention de Washington, qui sanctionne le crime de génocide, n’est pas reconnue par les magistrats français comme de portée universelle. Concernant le génocide des Tutsi de 1994, le Parlement français doit voter une « loi d’habilitation » ordonnant au pouvoir judiciaire de mettre en œuvre la résolution 955 du Conseil de Sécurité reconnaissant la perpétration d’un génocide au Rwanda et décidant la mise en place d’un tribunal pénal international pour le Rwanda.
A cette date n’existe que la loi n°95-1 du 2 janvier 1995 « Loi portant adaptation de la législation française aux dispositions de la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant un tribunal international en vue de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 ».
Dans l’attente du vote d’une loi d’habilitation similaire pour le Rwanda (Loi n°96-432 du 22 mai 1996, art. 4, publiée au Journal officiel de la République française le 23 mai 1996), les plaignants ont pris la précaution de se référer non seulement à la convention de Washington, mais également à une autre convention, celle de New York du 10 décembre 1984, sur la sanction des tortures, traitements cruels, inhumains ou dégradants (rappelons que la convention de New York est considérée en droit français comme de compétence universelle, et n’a donc pas besoin d’une loi particulière d’adaptation).
[3] https://www.doctrine.fr/d/CEDH/HFJUD/CHAMBER/2004/CEDH001-66368).
[5] Trouvé le 4 décembre 2021 sur le site rwandais d’information Igihe :https://mobile.igihe.com/amakuru/u-rwanda/article/icyo-mu-nda-cyashatse-icyo-mu-nkono-urukundo-rw-ibanga-rwa-padiri-munyeshyaka-n#.YasLhReQkVs.whatsapp