Après l’échec des négociations pour faire appliquer l’accord du 31 décembre, la balle est désormais dans le camp du chef de l’Etat qui entame des consultations politiques, alors que l’opposition lance une longue semaine de mobilisation populaire.
La capitale congolaise tournait au ralenti ce lundi. L’opposition avait lancé une opération ville morte pour dénoncer l’échec des négociations politiques censées régler la période de transition jusqu’aux élections, et demander l’application de l’accord du 31 décembre toujours au point mort. A Kinshasa, le centre-ville était anormalement calme ce lundi matin. Absence d’embouteillages, commerces et stations services fermés, grandes artères désertent… la grouillante mégapole avait des faux airs de ville de province. Car c’est à Kinshasa que le mot d’ordre de l’opposition a été le plus suivi. Idem à Lubumbashi, le fief de l’opposant Moïse Katumbi, où de nombreux commerces avaient baissé le rideau sans toutefois complètement paralyser la capitale katangaise.
Journée ville morte diversement suivie
Dans l’Est du pays, à Goma ou Bukavu, l’activité était « quasi-normale » selon des témoins. Tout comme à l’Ouest de la République démocratique du Congo (RDC), qui a semblé ignorer l’appel de l’opposition. Dans les Kasaï, provinces acquises à l’opposition et où l’insécurité règne depuis la mort en août 2016 du chef traditionnel Kamuina Nsapu, la population est majoritairement restée à la maison, « par peur des violences, mais aussi pour protester contre le blocage politique organisé par Joseph Kabila » raconte un témoin joint au téléphone par Afrikarabia.
Crise politique… et économique
En deux ans de crise politique, les opérations ville morte lancées par l’opposition n’ont jamais vraiment rencontré le succès escompté. Et surtout, elles n’ont jamais duré plus d’une journée. En cause notamment, la profonde crise économique qui secoue le pays et qui vient se rajouter à la crise politique. Il devient de plus en plus difficile pour les Congolais de rester chez soi et de ne pas travailler, alors que plus de 70% de la population vit avec moins de deux dollars par jour. Mais l’opposition espère que cette journée sera le début d’une longue série de mobilisation populaire prévue cette semaine, avec un appel à la grève générale des syndicats et surtout une « marche » de protestation de l’UDPS fixée le 10 avril.
Kabila pompier pyromane ?
Du côté politique, l’ironie du sort veut que l’échec des négociations sur le partage du pouvoir a remis en selle le président Joseph Kabila, toujours accusé par l’opposition de vouloir s’accrocher au pouvoir alors que son dernier mandat a expiré depuis le 19 décembre 2016. Principal responsable de la crise politique en RDC après le report contesté des élections présidentielle et législatives de décembre 2016, le président congolais se retrouve aujourd’hui en première ligne. L’échec de la médiation des évêques congolais pour trouver un consensus sur le mode de désignation du nouveau Premier ministre et du président du Conseil national de suivi de l’accord du 31 décembre, repositionne Joseph Kabila au coeur des négociations entre majorité et opposition. Et ce sont d’ailleurs les évêques de la Conférence épiscopale qui ont fini par demander au président Joseph Kabila de « s’impliquer davantage dans le processus politique » et de prendre ses responsabilités. Difficile pourtant d’attendre de celui qui a désorganisé sciemment le processus électoral pour se maintenir au pouvoir, de trouver une sortie de crise.
Kabila à la manoeuvre
Joseph Kabila reprend donc la main après la signature de l’accord politique de la Saint-Sylvestre qui lui était peu favorable. Car en trois mois de dialogue sans fin, le camp présidentiel s’est évertué à rendre l’accord du 31 décembre caduque, grandement aidé par le décès brutal de l’opposant Etienne Tshisekedi en février et les guerres internes au sein de l’opposition. Alors, depuis lundi, Joseph Kabila consulte. Avec un objectif : affaiblir un peu plus l’opposition. Pour la Primature, qui était censé revenir à Félix Tshisekedi, Joseph Kabila a exigé la présentation de trois noms pour pouvoir choisir le nouveau chef de l’exécutif. Le président congolais ne semble en effet pas disposé à laisser le poste de Premier ministre au fils d’Etienne Tshisekedi. Le chef de l’Etat pourrait se tourner vers des opposants moins exposés comme l’ex-UDPS Bruno Tshibala, le frère de Moïse Katumbi, Raphaël Katebe Katoto ou encore le dissident du Rassemblement, Joseph Olenghankoy.
La chasse aux postes est ouverte
Si Joseph Kabila ne souhaite pas offrir la Primature à Félix Tshisekedi, il ne désire pas non plus voir son ancien conseiller à la sécurité, Pierre Lumbi, passé récemment dans l’opposition, devenir le nouveau président du Conseil national de suivi (CNSA). Certes, le poste était censé être attribué à Etienne Tshisekedi, mais depuis la mort de l’opposant historique, le président congolais voudrait bien rediscuter le contenu de l’accord qui désignait le président du comité des sages du Rassemblement comme futur président du CNSA. Après la mort d’Etienne Tshisekedi, c’est en effet Pierre Lumbi, désormais proche de Moïse Katumbi, qui a été élu président du comité des sages. On s’achemine donc vers un nouveau round de négociations que certains appellent déjà « troisième dialogue ». Joseph Kabila compte bien s’appuyer sur la disparition du Sphinx de Limete et l’affaiblissement de l’opposition pour rediscuter un nouveau compromis qui lui soit plus favorable à son maintien au pouvoir. Une stratégie d’autant plus facile à mettre en place que les politiciens congolais se bousculent au portillon pour se partager les postes, à l’image de Vital Kamerhe, le grand perdant du premier dialogue et qui se verrait bien prendre la tête du CNSA. Joseph Kabila n’aura donc pas de mal à choisir les meilleurs prétendants pour diviser un peu plus l’opposition congolaise.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Le rassemblement a intérêt à être très prudent parce que la Mouvance Kabiliste et Kabila cherchent à mettre a la primature et au CNSA des personnes que eux peuvent manier facilement.
D’ où il est important que le peuple Congolais demeure vigilant et se prenne les choses à main.
Kabila et son camp ne pourront céder que face à la pression populaire.