Après l’interdiction de la marche du 13 septembre, plusieurs partis d’opposition ont pu manifester ce samedi contre une éventuelle révision de la Constitution.
Le rendez-vous manqué du 13 septembre dernier est désormais un lointain souvenir pour l’opposition congolaise. Ce samedi, la marche des opposants contre la modification de la Constitution avait reçu l’autorisation de la ville de Kinshasa en République démocratique du Congo (RDC). Malgré un changement d’itinéraire de dernière minute, des milliers de manifestants ont marché le long des 7 km du parcours, de l’échangeur de Limete jusqu’au stade des Martyrs. Les agences de presse estiment le nombre de manifestants entre 2.000 et 3.000 alors que les organisateurs avancent le chiffre de « plusieurs dizaines de milliers ». La marche s’est déroulée dans le calme, sans présence policière ostensible. Un témoin, contacté par Afrikarabia en fin de journée, nous a affirmé que les chiffres des agences lui semblaient sous-estimés. « Pour moi, nous étions plus de 5.000 manifestants » nous a-t-il confié.
Pari réussi ?
La mobilisation de l’opposition paraît toutefois bien faible en rapport avec les 10 millions d’habitants de la capitale congolaise. Mais ces chiffres sont à relativiser au vu du contexte sécuritaire du pays. Depuis la campagne électorale de 2011, les manifestations de l’opposition sont systématiquement réprimées dans la violence. Après la réélection contestée du président Joseph Kabila, Human Rights Watch (HRW) avait dénombré 24 morts et des centaines de blessés dans les manifestations post-électorales. Depuis cette date, les autorités congolaises musellent méthodiquement tous les rassemblements de l’opposition et procèdent à des interpellations massives. Le 4 août 2014, c’est le secrétaire général de l’UNC, troisième parti d’opposition, qui a été arrêté pour « offense au chef de l’Etat ». Dans cette ambiance délétère, l’opposition peine à faire descendre ses militants dans la rue. La manifestation de ce samedi constitue donc une première victoire pour les forces d’opposition qui espèrent démontrer qu’il est possible de protester pacifiquement dans les rue de Kinshasa. La pression internationale, notamment de la Monusco et de l’Union européenne, pour que toutes les voix puissent se faire entendre au Congo, a tout de même réussi à faire plier Kinshasa, bien décidé à ne pas laissé la rue dans les mains de l’opposition.
L’opposition réunie… sans Fayulu et Félix Tshisekedi
Ce samedi à Kinshasa, l’opposition a pu manifester son opposition à une possible révision de la Constitution qui pourrait permettre au président Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir. Sur les banderoles, on pouvait lire : « Touche pas à ma Constitution », « Oui à la tenue d’un dialogue politique inclusif ». Les manifestants réclamaient aussi la libération des détenus politiques, comme Eugène Diomi Ndongala ou Jean-Bertrand Ewanga, le secrétaire général de l’UNC. En première ligne, les principaux partis d’opposition étaient présents : Vital Kamerhe de l’Union pour la nation congolaise (UNC), Bruno Mavungu de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Jean-Claude Mvuemba, Jean-Lucien Busa, Basile Okolongo ou Franck Diongo. L’UDEMO de Nzanga Mobutu participait également à la marche. Un absent remarqué : Martin Fayulu (Ecidé), une figure de l’opposition, qui s’était déjà désolidarisé du mouvement lors de la marche avortée du 13 septembre. Autre absent : Félix Tshisekedi (UDPS) qui a préféré rester à Mbuji-Mayi et laisser Bruno Mavungu le représenter. En revanche, d’importantes ONG de la société civile s’étaient jointes au cortège, comme la Voix des sans voix (VSV), l’ASADHO ou la LINELIT. Un seul bémol : à Goma, où une marche similaire avait été organisée (mais non autorisée), la police a dispersé la manifestation (une centaine de personnes), faisant une dizaine de blessés. Tout comme à Lubumbashi, où la police a dissuadé une quarantaine de personnes de manifester et à procédé à trois arrestations selon l’AFP.
2016 : le suspens continue pour Joseph Kabila
Sous pression internationale, Kinshasa a donc fini par lâcher du lest (à Kinshasa au moins) pour laisser l’opposition manifester librement. Cette marche, réussie, en appellerait logiquement d’autres. A l’ONU jeudi, Joseph Kabila avait cru bon affirmer que les élections se tiendraient « conformément au calendrier prévu », à commencer par les élections locales en 2015, puis les sénatoriales et provinciales avant la présidentielle devant avoir lieu en novembre 2016… mais sans préciser ses intentions. De quoi nourrir encore la suspicion de l’opposition.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Il n’y a pas à se bercer d’illusions sur des bénéfices inconsidérés de cette marche, le pouvoir en face possède bien d’artifices et ne s’en privera pas, pour continuer à « régner » par défi mais j’ai toujours été contre « la chaise vide » et convaincu que malgré les embûches, les difficultés et même les éventuelles compromissions, l’opposition doit se donner les moyens de faire pression au sein des institutions et des dispositions perverties par ce régime pas en dehors. Elles finiront par balancer quelque peu les rapports de force…
Je me réjouis ainsi de la réussite de cette marche dans les limites d’une société peu prompte à manifester tant elle a des raisons de craindre des répressions.
Dommage qu’elle ait été empêchée en provinces mais il faut continuer à tenter toutes les initiatives de résistance à cette dictature ! Et de faire tout pour étoffer la composition de ses forces : je ne trouve par exemple pas d’excuse rédhibitoire qu’un « opposant » convaincu de la trempe de Fayulu n’en fasse pas partie…
Ça commence toujours comme cela.¨ L’opposition¨, ne recommencez pas ces manœuvres de division en allant en ordre dispersé comme cela a été en 2011,faites un effort d’être soudé au moins une fois dans votre lutte.Vous voulez nous faire croire que vous êtes patriote,alors éviter de jouer à ce jeu là. Toutes les fois que vous réagissez de cette façon,vous vous discréditez et vous vous affaiblissez vous même et cela devient une Arme pour les amis de Majorité.
C’est bon signe,mais le dur reste à faire . En effet il faudra un consensus au sein de l’opposition dont les « fissures » risquent d’en faire « un futur-géant-qui-meurt-petit » étant donné que le congolais a tant espéré en vain et je crois que les discours et autres slogans creux n’ont pas tellement d’effets escomptés sur eux
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