A la suite de la publication d’une interview de l’avocat Bernard Maingain sur notre site, le mouvement citoyen La Lucha a souhaité réagir « aux accusations d’incitation à la haine ethnique et à la violence contre les Tutsi ». Nous publions ici leur texte.
Dans une interview accordée à Afrikarabia le 30 décembre 2022, l’avocat Belge Bernard Maingain a faussement accusé la LUCHA de propager des messages incitant à la haine ethnique et à la violence contre les Tutsi. Les mêmes accusations infondées ont été répétées lors d’une conférence organisée le 21 février 2023 par l’organisation Mahoro Peace Association (MPA) basée aux États Unis à laquelle l’accès a été refusé à nombre des militants de notre mouvement qui s’étaient pourtant enregistrés dans les termes prévus par les organisateurs.
Cette mise au point de notre mouvement, Lutte pour le Changement, LUCHA a pour objectif de répondre à ces accusations totalement infondées, absurdes et qui sont d’autant plus graves et dangereuses qu’elles sont devenues récurrentes, et font partie d’une large propagande visant à jeter le discrédit sur quiconque s’oppose aux velléités d’agression du Rwanda et/ou milite pour que les crimes commis en RDC depuis plus de 25 ans soient jugés, y compris ceux perpétrés par l’armée rwandaise et ses supplétifs locaux.
Alors que notre pays fait à nouveau face à la guerre du M23 soutenue activement par le Rwanda, nous espérons que l’avocat Belge Bernard Maingain et l’organisation Mahoro Peace Association (MPA) comprendront à quel point la manipulation des faits auxquels ils s’adonnent constitue le prétexte fallacieux du président Rwandais Paul Kagame pour envahir, piller et commettre des crimes graves en RDC depuis 1996.
Position de la LUCHA au sujet de la nationalité des Tutsis présent en RDC
Dans leurs interventions, l’avocat Belge Bernard Maingain et l’organisation Mahoro Peace Association (MPA) accusent la LUCHA de considérer les Banyamulenges du Sud Kivu, les Tutsis du Nord Kivu et les Hema de l’Ituri comme des Rwandais et non des Congolais, qui doivent être renvoyés « d’où ils sont venus » et à défaut être « exterminés ». Ces déclarations sont contraires à la position que défend la LUCHA depuis sa création en mai 2012 et ceux qui les colportent surfent cyniquement sur la souffrance réelle de certains Congolais et des égarements individuels condamnables pour freiner le combat du peuple congolais pour la paix et la justice contre les crimes graves de ces trois dernières décennies.
En effet, s’il est vrai que la guerre civile de 1990-1994 au Rwanda et les différentes vagues migratoires post-indépendance ont induit un déplacement massif des populations rwandaises, Hutu comme Tutsi d’ailleurs, vers la RDC, plusieurs compatriotes d’expression rwandophone étaient bel et bien établis à l’intérieur des frontières de la RDC et ce, avant 1960, année d’accession de la nôtre pays à la souveraineté internationale. Qu’ils s’appellent Banyamulenge, Hema, Tutsi ou Hutu, ces citoyens sont Congolais en vertu de l’article 10 de notre constitution qui stipule que “les membres des groupes ethniques établis en RDC avant 1960 sont d’office Congolais”. Même au milieu de l’adversité de certains extrémistes, la LUCHA a toujours répété et rappelé publiquement cette diversité de la composition de la population congolaise. A titre d’exemple, la communication publique du 21 janvier 2020 est un élément probant de l’engagement de la LUCHA à promouvoir l’unité nationale et la diversité culturelle.
En raison de la longue trajectoire des violences armées dans l’Est de la République Démocratique du Congo, de l’effondrement de l’Etat, de l’impunité des crimes graves subies par des millions des Congolais et de la manipulation politique ; certains actes de stigmatisation et d’attaques contre les compatriotes Tutsi sont quelques fois répertoriés dans certaines zones du pays. La résurgence du Mouvement du 23 Mars (M23) qui, avec le soutien actif du Rwanda et l’Ouganda, se revendique comme protecteur des Congolais Tutsi et commet ainsi des crimes graves contre les Congolais membres d’autres communautés notamment les Nande, Hutu et Hunde.
Chaque fois que des discours ou des actes de ce type ont été émis et commis, la LUCHA les a clairement dénoncés et a appelé les autorités congolaises à identifier et punir leurs auteurs. C’est notamment ce que nous avons fait le 9 décembre 2021 après le lynchage du major FARDC Joseph Nkamihoze, le 20 juin 2022 après quelques appels à la haine contre les compatriotes rwandophones dans certaines villes du pays et encore récemment le 10 février 2023 après des actes de vandalisme en marge des manifestations populaires tenues le 06 et 07 février 2023 à Goma.
A la suite des appels de la LUCHA et d’autres citoyens congolais, quelques responsables du discours de la haine à l’égard des compatriotes rwandophones ont pu être arrêtés. Mais globalement, les auteurs des discours de haine contre les rwandophones sont malheureusement restés impunis. L’impunité dont bénéficient les auteurs des discours de haine contre le Tutsi ne constitue pas un indice de discrimination officielle à leur égard comme veulent le faire croire l’avocat Belge Bernard Maingain et l’organisation Mahoro Peace Association (MPA). Tous les Congolais sont victimes de la culture d’impunité que l’Etat congolais a malheureusement érigée en règle. A titre évocateur, depuis l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir en 2019, trois vaillants militants de notre mouvement ont été tués par les forces de sécurité lors des manifestations pacifiques dénonçant la persistance de l’insécurité. Malgré le fait que les auteurs et commanditaires de ces meurtres soient connus et identifiés, ils n’ont jamais été poursuivis en justice. Bien au contraire, certains d’entre eux, à l’exemple de l’actuel maire policier de la ville de Goma qui a commandité le meurtre de notre camarade Freddy Kambale en mai 2020 à Beni, ont même été élevés en fonction.
Tous les Congolais sont victimes des violences armées vécues en RDC depuis les années 90
Contrairement à ce que semblent affirmer l’avocat Belge Bernard Maingain et l’organisation Mahoro Peace Association (MPA), les attaques armées dans l’Est de la République Démocratique du Congo et l’impunité ne visent pas que les Tutsis qui sont la cible d’un génocide ». Tous les Congolais indistinctement sont la cible d’attaques des groupes armés et victimes de l’irresponsabilité des autorités congolaises depuis les années 90.
En effet, à la suite de la guerre ayant abouti au génocide de 1994 au Rwanda, des milliers de citoyens rwandais, parmi lesquels des membres des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR), avaient trouvé refuge en RDC. Depuis leur arrivée, ces rebelles rwandais commettent des crimes graves contre tous les Congolais sans considération ni distinction de leurs ethnies d’origine. Sur ce répertoire de crimes commis par ces rebelles rwandais, deux militants de la LUCHA ont été tués en groupement Binza dans le territoire de Rutshuru à l’intervalle de seulement 5 mois.
Comme les FDLR, les autres groupes armés meurtriers actifs en République Démocratique du Congo commettent des crimes contre tous les Congolais. En 2022, 3287 civils ont été tués au Nord Kivu, Sud Kivu et Ituri selon le baromètre sécuritaire du Kivu. L’ADF, un groupe ougandais, est à lui seul responsable de 1073 civils, essentiellement des Nande, en territoires de Beni (Nord Kivu), Irumu et Mambasa (Ituri). Dans le territoire de Fizi au Sud-Kivu où se déroulerait un génocide contre les Banyamulenges comme le prétendent l’avocat Belge Bernard Maingain et l’organisation Mahoro Peace Association (MPA), 99 civils, membres de toutes les communautés ethniques, ont été tués en 2022. 13 parmi les 99 victimes ont été tuées par les Twigwaneho, une milice d’autodéfense qui affirme défendre et protéger les Banyamulenges. Malheureusement les opérations militaires n’ont pas su pacifier les zones de conflits. Comme d’autres, l’état de siège décrété par le président Félix Tshisekedi, contribue à l’enrichissement de certains officiers militaires qui se contentent de museler tout message contraire à cette mesure. Notre camarade Mwamisyo Ndungo est en prison depuis le mois d’avril 2022 pour ses publications sur Facebook qui dénoncent l’échec de l’Etat de siège. Il a été injustement condamné à 5 ans de prison. Ses avocats ont fait appel.
En 2022, 3287 civils ont été tués au Congo dont 1073 du fait des ADF à Beni, Irumu et Mambasa. En territoire de Fizi où se déroulerait un prétendu génocide des Banyamulenges selon l’avocat Belge Bernard Maingain et l’organisation Mahoro Peace Association (MPA), 99 civils ont été tués dont 13 par des milices d’autodéfense Banyamulenge.
A la lumière de ces chiffres, il est clair que les violences armées en République Démocratique du Congo font des victimes dans toutes les communautés ethniques. La réponse au drame sécuritaire et à l’impunité doit ainsi être globale et pacifique.
La violence armée, comme celle menée par le M23, renforce la stigmatisation des Tutsis et fait avancer l’agenda du Rwanda
Comme pour tous les Congolais, les attaques contre certains Tutsi en République Démocratique du Congo et l’impunité dont bénéficient certains de leurs auteurs sont condamnables. Néanmoins, toute lutte armée menée contre la République Démocratique du Congo sous prétexte de défendre les Tutsi renforce plutôt la stigmatisation à leur égard. Ce n’est pas évident que l’avocat Belge Bernard Maingain et l’organisation Mahoro Peace Association (MPA) soient du même avis. S’exprimant sur la lutte armée du M23 qui prétend protéger les Tutsi en RDC, l’avocat Belge Bernard Maingain déclare dans Afrikarabia que “lorsqu’un risque de génocide existe, c’est la responsabilité première de toutes les forces concernées de veiller à protéger la population cible”. Mais quels sont ces actes de « Génocide » auxquels la résurgence du M23 en novembre 2021 serait une réponse ? Pour sa part, l’organisation Mahoro Peace Association (MPA) financerait des milices armées communautaires Banyamulenge au Sud Kivu selon une enquête publiée par le magazine Africa Intelligence mais contestée par MPA. Cet appui idéologique et financier à la violence dans l’Est de la RDC met tous les Congolais en danger, y compris les Tutsis eux-mêmes.
Au-delà de renforcer la stigmatisation contre les Tutsi en RDC, la violence menée par des milices se disant d’autodéfense communautaires comme le M23 font avancer l’agenda économique, politique et territorial du Rwanda en RDC. De l’AFDL (Alliance des Forces Démocratiques de la Libération) au M23 (Mouvement du 23 Mars) en passant par le RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie) et le CNDP (Congrès National pour la Défense du Peuple), toutes les milices se présentant comme défenseurs de la communauté Tutsi au Congo avaient des agendas bien différents. En effet, lors de la première guerre du Congo en 1996, le déploiement de l’armée rwandaise en RDC en soutien à l’AFDL sous prétexte de neutraliser les génocidaires Rwandais des FDLR qui menacent les Tutsi, s’est en réalité transformé en une vague des massacres contre les populations civiles Hutu (Congolais et réfugiés Rwandais) accusées à tort d’être des génocidaires et à une infiltration de l’appareil sécuritaire et politique congolais à l’exemple de l’élévation du Rwandais James Kabarebe au rang de chef de l’armée congolaise. Lors de la deuxième guerre du Congo de 1998, le déploiement de l’armée rwandaise en soutien au RCD s’est mué en pillage systématique des ressources naturelles et commission des crimes graves contre les populations Congolaises. Ces crimes sont documentés dans des rapports crédibles dont le rapport Mapping. Plus de 25 ans après, les bourreaux n’ont jamais été jugés et les victimes attendent toujours justice.
Curieusement, ceux qui s’en prennent à nous et au docteur Mukwege nient ou minimisent le rapport Mapping et rejettent toute idée de justice qui pourrait voir Kagame et d’autres criminels Congolais, rwandais, ougandais, burundais, angolais… derrière les barreaux, pour des crimes graves avérés qu’ils ont perpétré en RDC. La justice pour eux ne serait justice que si elle ne vise aucun criminel Tutsi.
Toute lutte armée menée contre la République Démocratique du Congo sous prétexte de défendre les Tutsi renforce plutôt la stigmatisation à leur égard et fait avancer l’agenda économique, politique et territorial du Rwanda en RDC.
Les guerres menées par les rebellions du CNDP en 2008-2009 et du M23 d’abord en 2012-2013 puis actuellement n’ont pas dérogé à cette triste réalité. Présenté comme une lutte pour protéger des populations Tutsi victimes du génocide en République Démocratique du Congo, le Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) de Laurent Nkunda Batware a commis des crimes graves contre les populations congolaises et a permis au Rwanda qui les soutenait, d’accéder aux ressources naturelles et à la terre ainsi que d’infiltrer les services de sécurité congolais. Le M23, qui est issu des cendres du CNDP, continue d’attaquer et de violer les populations civiles, essentiellement membres des communautés ethniques Nande, Hutu et Hunde.
Si chaque communauté ethnique décide de former une milice communautaire pour se défendre, le Congo se retrouverait dans une situation pleinement ingérable et au mieux dans une jungle territoriale.
Plutôt que d’encourager et de financer la lutte armée des milices communautaires responsable des crimes graves comme préconisent l’avocat Belge Bernard Maingain et Mahoro Peace Association, la LUCHA estime et milite plutôt pour la restauration de l’autorité de l’Etat à travers la neutralisation de TOUS les groupes armés.
En raison de la faiblesse de l’Etat Congolais d’une part et d’autre part des convoitises étrangères, des millions des Congolais sont victimes des crimes graves commis par des groupes armés nationaux et étrangers. Pendant que nous écrivons ces lignes, d’autres Congolais sont probablement en train d’être persécutés et violés à Mushaki, Loselose, Minembwe ou Otomabere par des groupes armés bénéficiant d’une impunité totale. Ces Congolais méritent que leur sort soit traité avec respect, dignité, responsabilité et pas que leurs souffrances soient utilisées pour faire avancer des agendas obscurs. C’est à ce titre qu’en plus du renforcement de la gouvernance interne et de la mise en place d’un plan international efficace d’appui à la gouvernance sécuritaire au Congo, la LUCHA milite pour la création d’un tribunal pénal spécial sur la RDC devant juger TOUS les crimes commis en RDC depuis 1993, y compris ceux qui sont documentés dans le rapport Mapping.
Notre combat pour la paix et la justice dérangent fortement les auteurs congolais et étrangers des crimes graves commis sur le territoire Congolais et ceux qui veulent voir notre pays continuellement à genoux pour mieux le piller. Ces prédateurs nationaux et étrangers continueront à déformer l’histoire et à occulter les causes, conséquences et responsabilités des conflits armés en RDC qui sont mieux élucidés dans le documentaire L’Empire du silence de Thierry Michel. Les prédateurs nationaux et internationaux du Congo continueront à réduire les personnalités et organisations congolaises militant pacifiquement pour la construction de la paix et la justice à des “propagateurs” de la haine ethnique. Peu importe à quel point ils déploient la violence et l’instrumentalisation, la LUCHA continuera à dénoncer les entraves à la paix et à exiger justice pour tous les Congolais, peu importe leur ethnie d’origine, et ce, à travers notre lutte non violente et continue.
La Lucha
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A la suite de cet article, Bernard Maingain nous a adressé cette réponse :
J’ai lu attentivement le texte du mouvement La Lucha RDC que vous avez bien voulu publier. Votre site Afrikarabia joue un rôle positif en permettant à toutes les opinions sur la RDC de se faire connaître même en cas de désaccord. C’est pourquoi je vous remercie de permettre à cette association d’affirmer qu’elle serait solidaire des Tutsis, victimes actuellement d’une opération d’épuration ethnique en RDC. Je me dois cependant de formuler quelques observations concernant le texte de la Lucha RDC afin de corriger des imprécisions et inexactitudes. Et surtout des erreurs d’analyse
J’appartiens à un collectif d’avocats consultés à la suite des pogroms, tortures, actes d’anthropophagie, assassinats et autres crimes commis à l’encontre des Tutsi de nationalité congolaise. Nous, avocats de diverses nationalités, sommes des auxiliaires de justice et uniquement soucieux d’apporter notre concours à la Justice et à l’Etat de Droit. Notre mandat est de recenser les situations où des actes criminels ont été commis au préjudice des Tutsis à l’est du Congo et de veiller à ce que des procédures soient instruites contre les auteurs et complices présumés de ces actes.
Il ne s’agit pas de tenir des propos vagues, généralistes, nourris de préjugés, ou pervertis par des ambitions politiques mais de nous référer à des actes criminels précis basés sur des preuves pour aboutir à des résultats concrets : faire ouvrir des enquêtes, faire constituer des dossiers judiciaires avec rassemblement de preuves, faire mener une instruction à charge et à décharge, aboutissant à des débats judiciaires contradictoires et à la condamnation d’éventuels criminels et de leurs complices.
Notre collectif d’avocats a reçu le soutien de milliers de personnes mais il n’est affilié à aucun mouvement politique et n’est soumis qu’à ses obligations déontologiques et à son éthique professionnelle. Or le texte de la Lucha peut/veut créer une confusion avec l’association Amahoro Peace. Cet amalgame n’a pas lieu d’être car notre collectif n’est pas membre de cette association.
Notre collectif d’avocats se garde bien d’ajouter sa voix à celles des acteurs sociaux et politiques de la région. Un médecin soigne des corps malades. Un avocat veille à défendre les droits de ses clients dans le débat de justice. Moi-même, cité à de nombreuses reprises par la Lucha, n’aurais guère de légitimité si je quittais mon mandat de justice pour jouer les donneurs de leçons socio politique. La Lucha introduit cette confusion dans l’article qu’elle vous a soumis.
Par contre, pour ce qui est de porter ma toge burinée d’avocat, j’y trouve un sens et ce depuis ma prestation de serment il y a plus de quarante ans. Je regrette l’image que la Lucha tente de projeter sur le travail de défenseur, cependant je m’en contrefiche. C’est si peu de choses en comparaison de l’enjeu porté par la défense de populations martyrisées.
C’est dire aussi que l’association de mon travail avec celui d’Amohoro Peace me parait saugrenue. Aucun représentant de cette association n’a participé activement au colloque mentionné par la Lucha. A New York, ont pris la parole deux enseignants universitaires américains spécialistes des génocides, un enseignant universitaire résidant aux Pays Bas, spécialiste des discours de haine, mon confrère du Barreau de New York, membre du collectif et votre serviteur.
La lecture de la « mise au point » de la Lucha m’a plongé dans une perplexité. J’eus aimé que ce mouvement, plutôt que de se préoccuper de son image d’activiste des droits de l’homme exempt de tout reproche, prenne plus concrètement position sur les étapes du processus génocidaire en œuvre en RDC, si bien décrit dans la thèse du professeur Grégory Stanton. Un processus affectant depuis tant d’années les Banyamulenge présents depuis des générations au Sud Kivu, qui sont réduits d’un groupe de 220.000 personnes à quelques 70.000 survivants à Minembwe et ses alentours. Une communauté locale de congolais épurée des deux tiers de ses membres, c’est du jamais-vu en RDC. Réduire cette tragédie à – je cite la Lucha – « certains actes de stigmatisation et d’attaques contre les compatriotes Tutsi [qui] sont quelques fois répertoriés dans certaines zones du pays » est une formulation plus que regrettable qui manipule la triste réalité et c’est peu dire.
J’aurais aimé, de la part de la Lucha RDC, une analyse en profondeur du processus d’isolement progressif des éleveurs tutsi du Masisi réduits jusqu’il y a peu à quelques milliers d’éleveurs. Qui ignore que leurs troupeaux sont tués systématiquement depuis 1994 ? J’ai moi-même été consulté par les éleveurs victimes de ces destructions de troupeaux il y a quelques années.
J’aurais aimé qu’un mot de compassion ou d’indignation soit prononcé à la vue des centaines de photos et vidéos que la Lucha connait et qui démontrent la destruction systématique de tout le peuple Héma dans l’indifférence générale. Que dit, qu’écrit l’association d’activistes des droits de l’homme alors que la CODECO génocide toute une communauté dans l’indifférence de tous ?
Je pense en mon âme et conscience d’homme et d’avocat que si on continue cette hécatombe sanglante à petit feu, qui se poursuit depuis presque trois décennies, un jour ou l’autre, comme les indiens d’Amérique, des jeunes et généreux maï-maï ou FDLR des générations futures, suggéreront la création de réserves pour parquer les survivants d’une communauté en voie de disparition. Ce jour-là, les criminels d’aujourd’hui auront gagné au mépris de l’identité des populations.
Au risque de surprendre voire de déranger la bonne conscience de la Lucha, ma fierté est de soutenir ces minorités dans le strict respect de mon serment d’avocat. A la lecture de la « mise au point » de la Lucha, j’observe des acteurs davantage préoccupés par le M23 et par le Rwanda que par la protection effective de cette minorité. Pire, j’y vois aussi un propos narcissique de défense d’une organisation, ce qui n’a aucune importance dans le contexte actuel, sans une parole claire et forte pour se préoccuper de l’essentiel, la disparition lente de communautés minoritaires à laquelle je ne puis me résoudre car tout cela se déroule en criminalité affichée, à ciel ouvert et sous le regard quasi indifférent des organisations de défense des droits des personnes, de prétendus activistes des droits de l’homme et analystes ou experts de la sous-région.
Si la Lucha RDC se dit solidaire de mes clients, elle ne doit pas avoir de crainte pour désavouer et exclure de son mouvement ceux de ses membres qui ont tenu et continuent à tenir des discours de haine, ciblant les tutsis de la nationalité congolaise, comme ‘’des étrangers rwandais’’, ‘’infiltrés’’, ‘’immigrés’’, ‘’des sans terres’’, ‘’usurpateurs de la nationalité congolaise’’, ‘’tueurs’’, et etc. Elle doit dénoncer les événements tragiques des 15 Juin et 31 Octobre 2022 et ceux du 6 février 2023, à Goma, Chef-Lieu de la Province du Nord-Kivu, où des tutsis congolais étaient sauvagement attaqués, leurs biens (églises, magasins, boutiques, et etc.) détruits et, d’autres pillés systématiquement, suivis des contrôles au faciès tutsi à bord des véhicules. …
Dans le même mouvement, elle peut inviter les Cours et Tribunaux du Kivu à condamner les auteurs des discours de haine. Il m’est revenu que les réseaux de la Lucha avaient une capacité d’influence dans les tribunaux du Nord et du Sud Kivu. Alors, à l’ouvrage !
Aidez notre collectif à faire avancer concrètement et définitivement, les procédures intentées à l’encontre de :
• Monsieur Justin BITAKWIRA qui veut éradiquer les Banyamulenge ;
Monsieur Gabriel MOKIA qui veut les éliminer physiquement et qu’il n’y en ait plus un seul à Minembwe ;
• du militant Lucha RDC, David MUBAWA qui affirme sur les réseaux sociaux qu’il n’y a pas de Tutsis congolais et que le Congo appartient aux Congolais, ce qui est une demande de rejeter les Tutsi congolais hors frontière comme les milliers de réfugiés qui attendent de revenir dans leur pays et qui vivent parqués à l’étranger depuis des décennies ;
• du militant de la Lucha RDC MATUMO BIENVENU qui traite les Tutsi de félins qui cherchent des terres par ruse, lui qui se promène à Bruxelles en défenseur des droits de l’homme en compagnie de parlementaires européen de l’ONG Fight against impunity ;
• de la Militante Lucha RDC, Rebecca KABUO, qui ne cesse d’affirmer que la communauté banyamulenge existe au Rwanda et pas en RDC ;
• de Pascal MIRINDI, militant de la Lucha qui dénigre les Tutsi du Congo et demande leur retour au Rwanda en les traitant de génocidaires qui veulent à tout prix ravir la terre par force en tuant de paisibles citoyens ;
• de YOUYOU MUNTU MOSI directrice de communication du Kopax, proche du Dr MUKWEGE qui reproche au cardinal AMBANGO de recevoir une délégation de « pseudo-banyamulenge » en précisant avec si peu de grâce, à propos de ceux qui ont bénéficié de cette audience « c’est quoi encore ce bordel, rentrez chez vous, non à la balkanisation du Congo » et qui qualifie de vraie puanteur la mutualité de la communauté tutsi du nord Kivu dénommée ISOKO,
• de Jean-Luc MAROYI, militant de la Lucha qui proclame sur les réseaux sociaux « arrêtez de nous donner des leçons les Tutsis doivent rentrer au Rwanda et nous laisser en paix » ;
et de tant d’autres que nous avons repérés, et je ne parle pas des militants de la Lucha RDC qui ont lancé les manifestations aux dates précitées en poussant la population à reprendre les chants des miliciens Interhamwe narguant les Tutsis avant l’hécatombe finale dans les années quatre-vingt-dix ou entonnant avec délectation ‘’Felix Fungula Mulango Banyarwanda Kwabo’’, littéralement, « Que Felix ouvre les portes, les Rwandais retournent chez eux’’ et ‘’Hange Nyoka Isikulume’’, Attention que le serpent ne vous morde pas.
Tout cela ne sont que quelques exemples mais je puis vous faire tenir un inventaire exhaustif pour que la Lucha mette en acte ses propos de refus des discours de haine.
Toutes ces personnes sont désormais visées par des plaintes car nos mandants sont d’avis que ces propos inqualifiables du même acabit que ceux tenus dans les années quatre-vingt-dix au Rwanda, aboutissent toujours à lever l’interdit fondateur du meurtre d’autrui. Votre responsabilité aujourd’hui c’est d’expulser ces auteurs de discours de haine de votre mouvement, de soutenir nos procédures judiciaires et de les faire aboutir pour casser le cycle de la violence aujourd’hui et maintenant. Mais là, je n’ai encore rien vu.
Cela n’exclut pas que vous souteniez d’autres dossiers pour lesquels notre collectif n’a pas de mandat et que des dossiers construits dans le respect du droit de la preuve aboutissent à des condamnations des auteurs d’actes criminels. Nul ne peut échapper à la loi. Et tant mieux. Il n’y a pas de vie commune, sans loi et sans justice. En temps de guerre, les crimes de guerre doivent être poursuivis. Les réfugiés et déplacés ont le droit fondamental au retour dans leurs territoires. Les bombes ne peuvent tomber sur les civils. En fait, le droit de la guerre impose le préalable de la recherche pacifique du règlement du conflit. Et je ne parle pas de la gangrène de la corruption, des prises illégales d’intérêt, des falsifications de titres de propriété et autres faits de criminalités économiques dont souffrent les populations du nord et du sud Kivu. Tous ces enjeux pour lesquels je n’ai pas de mandat ont du sens et doivent être traités non dans une approche binaire mais en faisant preuve de rigueur sur les faits, leur historique et la qualification qu’ils méritent et surtout sans bouc-émissaire.
Mais aujourd’hui et maintenant, devant la tragédie vécue par les personnes que nous défendons, nous ne nous tairons pas. Vous ne nous abîmerez même pas.
Nous n’avons vu aucune initiative concrète de votre part pour nous soutenir contre les actes anthropophages de Kalima soutenus par des autorités publiques. Nous n’avons rien vu venir pour demander un déploiement de la Monusco ou des FARDC en ITURI en vue de protéger les populations Hemas victimes des pires atrocités et je pèse mes mots lorsque je vois des femmes enceintes éventrées et leur fœtus extraits du corps comme des trophées, lorsque je vois des corps coupés patiemment en morceaux, lorsque je vois des bébés dans des jantes de vélomoteurs… Chers activistes de la justice c’est d’abord ici et maintenant. Cela n’exclut ni le passé ni l’avenir mais le courage ce sont les actes posés aujourd’hui pour que cette épuration ethnique menée dans des conditions atroces s’arrête.
Vous savez que la faiblesse de l’Etat risque de tuer toute espérance de justice. Sauf si l’on résiste et travaille à la justice. Non comme une option politique guidée par Dieu sait quelle ambition personnelle ou collective. Non comme un outil pour renforcer un clan contre d’autres clans, d’autres groupes, … Mais humblement et sans concession, pour que les faits soient prouvés, les qualifications effectuées correctement, et que les plaintes déposées aboutissent à un débat contradictoire. C’est en vous inscrivant dans cet agenda que vous serez courageux et quitterez le statut de pleureuses alimentées par les financements de bailleurs de fonds cherchant trop souvent une belle image d’eux-mêmes.
Simplement parce que l’exigence de justice c’est aujourd’hui et maintenant. Parce que cette exigence vise d’abord à protéger les faibles, les rejetés, les exclus. Nos mandants sont une minorité frappée par une procédure d’épuration ethnique et par la volonté génocidaire. Comment qualifier autrement les incendies des maisons, les assassinats ciblés, les corps humiliés, les tortures…Nos plaintes sont devant les juges. C’est l’honneur de porter ma robe d’avocat que de défendre ces hommes et femmes victimes de cette haine. Vos analyses inscrites en droite ligne dans des stratégies de bouc émissaires ou la théorie du complot, ne peuvent rien contre l’exigence sacrée d’une vraie justice aujourd’hui et maintenant. Voilà pourquoi je porte la toge et un jour, l’Histoire jugera nos actions. Avons-nous porté l’exigence de justice, cassé de la sorte le cycle de violence et œuvré au retour de la Parole entre les humains quels que soient les Etats dont ils sont originaires, quelles que soient leurs communautés, quelles que soient leur conditions sociales.
La Justice, la vraie, la seule qui vaille la peine d’être vécue. Aujourd’hui et maintenant. Vous ne nous arrêterez pas et l’enjeu n’est pas votre image. Vous vous trompez de combat.
Bernard Maingain
Un rapport bien écrit sur le plan stylistique.
Sur le fond, c’est un peu alambiqué :
On reconnaît, d’un côté, que depuis la résurgence du M23, la communauté Tutsi est particulièrement stigmatisée. Mais, en même temps, le rapport suggère que cela est de leur faute comme si M23 égale la communauté Tutsi. De l’autre côté, on dit que cette communauté n’est pas plus visée que d’autres! Cherchez l’erreur.
On ne tue pas impunément, à l’heure de l’internet, car tout acte de cannibalisme, lynchage, tuerie, saccage d’églises ou vol des vaches d’une communauté spécifiquement identifiable sont filmés avec images à
J’ai l’impression Que tout cela finira devant la Cour.
La vraie vérité est que Me Maingain et l’Association Mahoro Peace font partie d’un lobby tutsi actif apparu dans les suites du génocide rwandais de 1994. Et ce n’est pas parce qu’ils ont la presse occidentale avec eux qu’ils disent la vérité. Bien sûr, ils ont tout leur droit de défendre au Congo les Banyarwanda Tutsi pro-Kagame notamment ceux qu’on appelle Banyamulenge mais ils trompent le monde lorsqu’ils décrètent que ces derniers y sont en danger planifié dans un contexte de haine contre eux inscrite dans la culture des Congolais ou même circonstancielle qui ne serait alors que de la légitime défense. Ce sont par exemple les Banyamulenge qui prennent de force les terres des autochtones sur les hauts plateaux du Sud-Kivu.
A rappeler que des Banyarwanda Hutu et Tutsi ont émigré du Rwanda et du Burundi vers le Congo/Zaïre depuis des lustres et bien plus nombreux y sont bien intégrés vivant tranquillement dans les Kivu. C’est seulement depuis qu’ils sont manipulés par le nouveau pouvoir de Kigali qu’ils posent problème.
C’est donc un agenda bien rwandais qu’on nous agite ici, Kagame au Rwanda trouve intérêt à ce que les Tutsi du Congo soient menacés pour justifier ses ingérences expansionnistes, crimiinelles et prédatrices. Alors agiter l’epouvantail du genocide sur les Tutsi Congolais comme le font Maingain et l’Association Mahoro sert d’abord le plan de Kagame que la paix, l’unité et la cohesion nationales du Congo. Ceux qui y voient un complot du Rwanda n’auraient donc pas complètement tort. Et la Lucha est dans son droit de se défendre de propager des messages incitant à la haine ethnique et à la violence contre les Tutsi, de dénoncer ceux qui mélangent tout en jettant le discrédit sur les Congolais qui s’opposent aux velléités d’agression du Rwanda.
La failite de l’Etat Congolais est connue, incapable d’empêcher les victimes incessantes indiscriminees de groupes armés, n’empêche que le pays subit en même temps les convoitises étrangères dont le Rwanda ; on ne peut taire ces vérités et faire des menaces de Tutsi au Congo je ne sais quel coeur du mal. A bon entendeur.
Certains Banyamulenge comme le ministre Gisaro récusent tout mandat au Rwanda en leur nom. A ma connaissance c’est le père du ministre Gisaro qui a formalisé le concept et la réalité de Banyamulenge en en faisant une catégorie spécifique des Banyarwanda au Congo.
Quelqu’un peut-il nous dire ce que vaut cette prise de position, combien parmi les Banyamulenge se désolidarisent ainsi du Rwanda pour confier toute leur loyauté au Congo ?
Ne tirez pas sur le messager et faites fi des théories de complot. Analysez les faits de façon rationnelle:
S’il est documenté que des acts répréhensibles ont été commis contre les Tutsi congolais et sont prouvés devant la Court, les auteurs de ces actes répondront de leurs actes.
Concernant les Congolais Tutsis versus les autochtones, ce n’est pas parce qu’on répète un mensonge qu’il devient vérité!
Des documents existent pour quiconque veut les consulter dans les musées et archives belges entres autres sur le sujet.
Ce n’est pas par hasard si plus de 80% des noms des volcans et des lieux dans le Nord Kivu sont d’origine rwandaise tels que: Nyiragongo, Sabyinyo, Kanombe, Kigali, Rubaya, Rumangabo (Rumarangabo), Ntamugenga, Karisimbi, kanyabayonga, Sake est, Ruwenzori Je peux continuer.
connaissez-vous la signification de ces mots?
Echange civilisé entre deux intellectuels, Kayijamahe et Nsumbu, j’aime ça, pas des noms d’oiseaux. Toutefois, je soutiens les propos de Nsumbu et adhère à 100%. Je connais des amis rwandais,,ici, en Amérique du Nord, ils sont conditionnés et ont peur de critiquer Kagame, même en privé. J’ai pitié d’ eux et offre ma sympathie.
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