L’Eglise catholique affirme qu’elle connait le nom du vainqueur de l’élection présidentielle en République démocratique du Congo et accentue la pression sur la Commission électorale (CENI) afin de proclamer des résultats dans « la vérité et la justice ».
Ils savent, mais ne diront rien. Rien avant que la Commission électorale (CENI) ne désigne le vainqueur de l’élection présidentielle chaotique du 30 décembre en République démocratique du Congo (RDC). La très politique Conférence épiscopale congolaise (CENCO) a jeté un pavé dans la mare ce jeudi en affirmant que les données à sa disposition issues des procès-verbaux des bureaux de vote « consacre le choix d’un candidat comme président de la République ». En un mot : ils connaissent le nom du nouveau président de la République.
Après un vote truffé de dysfonctionnements, la CENCO estime que « les irrégularités observées n’ont pas pu entamer considérablement le choix que le peuple congolais a clairement exprimé dans les urnes ». Et de prévenir la CENI, accusée par l’opposition de rouler pour le pouvoir, de « publier en toute responsabilité les résultats des élections dans le respect de la vérité et de la justice ».
Ultime coup de pression
Grâce à ces 40.000 observateurs électoraux, la très puissante Eglise catholique congolaise constituait la mission de surveillance du scrutin la plus nombreuse et la plus indépendante du pouvoir, avec les 20.000 observateurs de la société civile. Très respectée, l’Eglise catholique met un ultime coup de pression sur la Commission électorale, dont beaucoup pense qu’elle a programmé la victoire d’Emmanuel Ramazani Shadary, dauphin désigné par le président Joseph Kabila pour lui succéder après 18 ans de pouvoir.
Car pour l’opposition, comme pour les mouvements citoyen, comme Filimbi ou la Lucha, « la seule certitude, c’est que le vainqueur de cette parodie d’élection ne s’appelle pas Shadary ». Selon eux, « l’écart des voix ne laisse absolument aucune marge à Joseph Kabila et Corneille Nangaa », le président de la CENI, accusé d’être aux ordres de la majorité présidentielle.
Shadary ou invalidation ?
C’est donc un coup dur pour la CENI, qui peine à faire remonter les résultats des 26 provinces congolaises, qui devraient être annoncés, partiellement, ce dimanche. La Commission affirme que seuls 20% des résultats sont actuellement compilés. Il faut dire que la CENI n’est pas aidé par les autorités congolaises qui ont décidé de couper l’internet et les SMS afin de prévenir de possibles troubles. La Commission a déjà évoqué un possible report de l’annonce des résultats, dû à la difficulté de collecte des résultats dans un pays dépourvu de toute infrastructure routière. L’opposition dénonce ce nouveau possible « glissement » des résultats, après avoir déjà reporté les élections par trois fois depuis 2016.
Des observateurs notent que la pression des Evêques pourraient pousser la CENI à prendre son temps. Et en cas « d’impossibilité d’annoncer une victoire d’Emmanuel Ramazani Shadary dans des conditions acceptables par le pouvoir », la stratégie de l’invalidation du scrutin suite à la désorganisation du vote revient sur la table. Une décision qui revient à la Cour constitutionnelle dont le président Kabila vient de nommer récemment deux nouveaux juges qui lui sont proches. Cet énième report aurait l’avantage d’ouvrir de nouvelles tractations avec l’opposition tout en permettant à Joseph Kabila de rester au pouvoir « jusqu’à l’élection du nouveau président élu » … comme l’exige la Constitution.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
La vérité est là. La population a sanctionné.