La police congolaise a violemment réprimé le mouvement religieux Bundu dia Kongo, lancé dans une croisade politico-ethnique en avril dernier. Un bain de sang inédit sous la présidence Tshisekedi, qui s’est soldé par 55 morts et l’arrestation de son chef Ne Muanda Nsemi.
Ce n’est pas la première fois qu’une répression sanglante s’abat sur le Bundu dia Kongo (BDK), la secte politico-mystique de Zacharie Badiengila, alias Ne Muanda Nsemi. Au Kongo central, en février 2007, les forces de sécurité du président Joseph Kabila avaient tué par balles ou à l’arme blanche 104 partisans du BDK et des badauds. Le mouvement manifestait, souvent violemment, contre la corruption politique du régime Kabila. En mars 2008, plus de 200 partisans du BDK ont été tués par la police et les lieux de réunion du mouvement ont été systématiquement détruits.
Cette année, alors que le président Joseph Kabila a quitté son fauteuil pour être remplacé par l’opposant Félix Tshisekedi, les nouvelles frasques de Ne Muanda Nsemi, toujours en délicatesse avec le pouvoir, ont été de nouveau réprimées dans le sang. C’est un appel de « l’esprit créateur », la traduction en kikongo de Ne Muanda Nsemi, qui a déclenché cette nouvelle vague de violence. Le Bundu dia Kongo a appelé ses adeptes à chasser de la province les personnes n’appartenant pas l’ethnie Kongo, majoritaire dans l’Ouest de la République démocratique du Congo (RDC). Les actions violentes du BDK ont entraîné une réponse sanglante des autorités congolaises.
La dérive du BDK
Une enquête de Human Rights Watch (HRW) indique que l’opération policière effectuée le 22 avril contre le BDK dans la ville de Songololo a fait 15 morts, et une autre, menée le 24 avril contre la résidence de Nsemi à Kinshasa, a fait au moins 33 morts. Une répression inédite sous le mandat de Félix Tshisekedi. Si « les autorités congolaises se devaient de répondre aux messages du mouvement Bundu dia Kongo, qui incitaient à la haine ethnique, souligne Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch, le gouvernement a répondu en violant les normes internationales relatives à l’usage de la force, provoquant un bain de sang. »
La dérive ethnique du Bundu dia Kongo n’est pas nouvelle, et les déclarations politiques fantasques de son leader ont récemment rendu le mouvement incontrôlable. Le 12 avril, Ne Muanda Nsemi, ancien député et président auto-proclamé de la « République fédérale du Kongo Central », a publié son bulletin d’information intitulé « Kongo Dieto », destiné à ses adeptes. Dans ce document de quatre pages, explique Human Rights Watch, il exhortait ses partisans à se lever et chasser « tout Muluba, tout Mungala et tout Muswahili [personnes appartenant à d’autres groupes ethniques] » de la province du Kongo Central et à être « impitoyables » à leur égard.
Violences au Kongo central
Les tensions sont montées entre le 13 et le 15 avril, alors que des centaines de membres du BDK érigeaient des barrages routiers dans les villes de Boma, Kisantu, Sona-Bata, Lemba et Songololo, scandant des slogans contre les « non-originaires ». Certains étaient munis de longs bâtons et de noix de palme tandis que d’autres étaient armés de fusils de fabrication locale. Selon des témoins et des informations fournies par la police, ainsi que d’autres sources consultées par HRW, au moins six membres du BDK et un passant ont été tuées dans les villes de Kisantu, Sona-Bata et Boma. Un membre du BDK aurait tué par balles un agent de police à Kisantu le 13 avril.
Le 22 avril, la police a encerclé une maison à Songololo, où des dizaines de membres du BDK, dont des femmes et des enfants, s’étaient rassemblés pour préparer des manifestations. Vers 3h00 du matin, les policiers ont ouvert le feu sans discernement sur la maison, raconte Human Rights Watch. Bilan : « au moins 15 morts » et de nombreux blessés. Des photos et une vidéo qui auraient été prises le matin du 22 avril, et que Human Rights Watch a pu authentifier, montrent plus d’une douzaine de cadavres et de personnes gravement blessées.
« Au moins 33 morts » à Kinshasa
Toujours le 22 avril, les forces de sécurité encerclent la résidence du chef du BDK, Ne Muanda Nsemi, à Kinshasa. Le lendemain, une délégation de responsables gouvernementaux tente de négocier sa reddition. Ne Muanda Nsemi réclame notamment, le versement de ses émoluments de parlementaire, ainsi que la remise en liberté de membres du BDK emprisonnés, et la nomination de personnes d’ethnie Kongo à des postes administratifs dans la province de Kongo Central. Echec des négociations.
Le 24 avril, la police donne l’assaut à la résidence de Ne Muanda Nsemi pour l’interpeler. 200 adeptes sont rassemblés autour de leur gourou. Le ministre de l’Intérieur dresse un premier bilan de l’assaut meurtrier de 8 morts et d’une quarantaine de blessés. Mais Human Rights Watch affirme « qu’au moins 33 membres du BDK ont été tués. » 47 adeptes du BDK sont actuellement détenus en prison et Ne Muanda Nsemi a été placé au Centre Neuro-Psycho-Pathologique de Kinshasa pour « trouble mental sur fond de stress à répétition ». La résidence du chef du BDK a été totalement pillée après l’assaut de la police.
Enquête « toujours en cours »
Le ministre de l’Intérieur, Gilbert Kankonde, contacté par Human Rights Watch, a indiqué que les enquêtes étaient toujours en cours au niveau provincial au Kongo Central. « S’il y a eu des fautes au niveau du commandement de ce qui a été fait, il faudra que l’auditorat [provincial] s’en charge ». Selon la police, les adeptes du BDK avaient attaqué la police, armés de machettes et de flèches. A Kinshasa, le patron de la police, le général Sylvano Kasongo, a affirmé que ses agents ayant pillé la résidence de Ne Muanda Nsemi seraient sanctionnés. De nombreux biens lui appartenant, qui avaient été volés à la suite du raid, ont depuis lors été restitués et replacés dans sa résidence.
Selon Human Rights Watch, « Le gouvernement devrait faire toute la lumière sur ces violentes opérations policières et faire rendre des comptes aux auteurs d’exactions, quel que soit leur grade », estime Lewis Mudge. « C’est le seul moyen pour les autorités de signaler de manière claire que les abus et l’usage excessif de la force ne seront pas tolérés. » Une transparence qui serait la bienvenue sous la présidence de Félix Tshisekedi, qui a longtemps condamné l’usage excessif de la force lorsqu’il était dans l’opposition et qu’il fustigeait le régime de Joseph Kabila.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Etat de droit? Une belle et gigantesque plaisanterie. Depuis quand on tue les gens à cause de leur point de vue? Depuis quand on tire à bout portant sur des hommes et des femmes sans armes ? Ce pays est un danger pour l’afrique!