Les provinces des Kasaï s’enfoncent dans la violence depuis l’été 2016 et la mort du chef traditionnel Kamuina Nsapu, à la tête d’une milice opposée au pouvoir central. Un conflit qui perdure sur fond de crise politique sans fin.
Le Kasaï est-il en train de devenir un nouveau Kivu, avec ses morts et son insécurité permanente ? Depuis maintenant huit mois, des poussées de violence enflamment régulièrement le centre du pays, une région qui avait pourtant échappé à l’insécurité chronique qui prédomine à l’Est du pays depuis maintenant plus de 20 ans. Si 70 groupes armés sévissent encore dans les deux provinces du Kivu, c’est une petite milice locale qui affronte régulièrement les forces de sécurité congolaises au Kasaï. Selon l’ONU, plus de 200.000 personnes déplacées ont été enregistrées depuis le début de conflit, tandis que plus de 400 sont mortes à la suite des affrontements entre l’armée, la police congolaises et les miliciens du chef traditionnel Kamuina Nsapu.
Contre le pouvoir central
Le début du conflit remonte à l’été 2016 lorsque ce gourou, à la tête d’un mouvement politico-religieux, décide de partir en croisade contre Kinshasa et ses représentations locales afin de dénoncer la corruption et les gabegies de l’Etat central. Leur chef est tué en août 2016 au cours d’une opération militaire particulièrement violente. A partir de la mort de ce chef de milice, la province plonge dans un engrenage représailles/répressions qui s’étend aux autres Kasaï, oriental et occidental. En février, le cycle de la violence s’amplifie après la diffusion d’une vidéo montrant des soldats congolais tuer à bout portant des adeptes de Kamuina Nsapu armés de simples bâtons. La vidéo fait grand bruit. Le gouvernement nie d’abord son authenticité avant d’autoriser la nomination d’une commission d’enquête sur ce qui ressemble à des exécutions sommaires de civils.
L’engrenage de la violence
Quelques jours plus tard, trois fosses communes sont découvertes en rapport avec les violences enregistrées depuis l’insurrection du groupe Kamuina Nsapu. Les miliciens menacent de fondre sur la ville de Kananga pour se venger, mais ils sont stoppés dans les faubourgs de la ville par l’armée. Les locaux d’un couvent sont saccagés par les miliciens. Le 11 mars, 18 miliciens sont tués dans des accrochages avec les forces de l’ordre à Mwene-Ditu, au Lomami, ex-Kasaï-oriental. La crise sécuritaire prend une toute autre forme le lendemain, dimanche 12 mars, avec la « disparition » de deux experts étrangers de l’ONU en mission dans la région : la suédoise Zaida Catalán, l’américain Michael Sharp et quatre congolais qui les accompagnaient. Un « enlèvement » dénoncé par le gouvernement congolais qui pointe « des forces négatives ». De son côté, la Monusco, la mission des Nations unies au Congo, poursuit activement les recherches et accuse, comme les autorités congolaises, la milice Kamuina Nsapu d’être derrière cette enlèvement.
Crise politique sans fin
La flambée de violence dans les Kasaï intervient alors que la République démocratique du Congo (RDC) s’enfonce dans une grave crise politique, après la non tenue de l’élection présidentielle de décembre 2016. Après de nombreuses manifestations fortement réprimées par Kinshasa, un accord a finalement été trouvé le 31 décembre 2016. Un compromis qui prévoit le maintient de Joseph Kabila au pouvoir jusqu’à l’organisation d’élections fin 2017 et la nomination d’un nouveau Premier ministre et d’un nouveau gouvernement pendant la période de transition. Deux mois et demi après la signature, l’accord est au point mort et aucune disposition n’a été mise en oeuvre. La majorité présidentielle et Joseph Kabila jouent la montre alors que l’opposition peine à se mettre d’accord depuis la mort de la figure symbolique de l’opposition, Etienne Tshisekedi, le 1er février 2017. Le blocage est complet… et inquiétant.
Une insécurité « utile » pour Kinshasa ?
Face à ce statu quo, le pays s’enfonce dans une période d’incertitude des plus dangereuses. Les massacres sans fin de Beni, le retour plus ou moins crédible d’éléments d’ex-rebelles M23 au Nord-Kivu, les violences au Kasaï ou au Tanganyka sont-ils instrumentalisés par Kinshasa ? C’est la question que l’on peut se poser tant le pouvoir en place cherche à se saisir de tous les prétextes pour retarder de nouveau le calendrier électoral et proposer un référendum comme unique solution de sortie de crise. Un référendum qui permettrait à Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir et de se représenter aux élections alors que la Constitution lui interdit de briguer un nouveau mandat.
Stratégie du chaos
Au final, la spirale de la violence dans les Kasaï prend bien racine dans la crise politique congolaise à Kinshasa. L’absence de l’Etat, le délitement de l’armée congolaise qui balance entre impuissance et exactions contre les civils sont bien aux sources des affrontements entre miliciens et forces de l’ordre et en explique également la durée. En maintenant plusieurs foyers de tensions aux quatre coins du pays, le pouvoir s’assure la « compréhension » de la communauté internationale, mais justifie aussi la stratégie du président congolais, « moi ou le chaos ».
Une province d’opposition
Autre élément pour comprendre ce qui se passe au Kasaï : Kananga est la ville natale d’Etienne Tshisekedi, l’éternel opposant… de Mobutu à Joseph Kabila. La montée de la violence dans le centre du pays correspond également avec le retour politique du vieil opposant sur la scène congolaise et les crispations de la fin chaotique du dernier mandat de Joseph Kabila. Province « sans histoire », les Kasaï sont sortis de leur torpeur pour manifester dans les rues contre un troisième mandat de Joseph Kabila…comme à Kinshasa, Goma ou Lubumbashi. Le pouvoir y a surement vu un signal inquiétant.
Sortie de crise…politique
Même si les exactions des miliciens de Kamuina sont bien réelles et menacent également les civils, la solution à l’insécurité est bien politique. Et ce sont les députés congolais envoyés en mission parlementaire sur place qui tracent les contours de la sortie de crise. Les députés et sénateurs recommandent tout d’abord que de nouvelles têtes soient rapidement désignés « politiques et administratives » pour « assurer la neutralité d’un plan de sortie de crise ». Mais surtout, les parlementaires demandent aux autorités de reprendre le dialogue avec la famille de Kamuina Nsapu, notamment en vue de l’organisation des funérailles et de la succession du chef traditionnel, deux points revendiqués par les adeptes du groupe. Mais surtout, les députés voudraient voir réorganisés rapidement les services de sécurité provinciaux comme les renseignements (ANR), la police et l’armée. Ce dialogue demandé par la mission parlementaire est en cours depuis l’arrivée cette semaine du ministre chargé de la sécurité Emmanuel Ramazani Shadary. Mais pour l’heure rien ne filtre sur l’avancée des discussions alors que les opérations militaires se poursuivent.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Analyse frappe à côté. Faites l’effort d’aller enquêter sur terrain avant de raconter des sornettes. Les miliciens ne s’attaquent pas aux civils, mais à tout ce qui est symbole du pouvoir et de la repression. La plupart des morts sont des civils tués par l’armée (avec un bon nombre de rwandais et mercenaires érythréens) et la police!
La paix est redevenu à Kananga. La milice et les forces de l’ordre viennent de défiler pour la paix il y a 1h.
Christophe Rigaud, je vous recommande cette analyse pour QUE vous conpreniez le véritable enjeux de la saga Kamuina Nsapu.
https://www.facebook.com/alliance.acrc/posts/1013685842097864:0
Pingback: A la Une: la spirale de la violence au Kasaï – RFI
» Nous sommes une génération sacrifiée car le grand problème au Congo c’est que sa tête
ne fonctionne pas encore bien »
» Je parle en globalité » Jupiter Bokondji Bola ( Libre Belgique 20/01/2017 , pages 40,41 )
Que le 3ème dialogue, que seront un référendum avec des futures élections, soit le bon et le peuple congolais, réparti dans le monde entier, aura enfin désigné lui même ses dirigeants.
Pingback: RDC – Africa48