Dans un entretien, Freddy Matungulu, économiste au FMI et ancien ministre des finances pointe les « différents manquements » des autorités congolaises dans la gestion des futures élections et notamment son défaut d’anticipation.
Un calendrier électoral global a été annoncé le 12 février dans un climat politique tendu, après les violentes manifestations de janvier contre la nouvelle loi électorale. Le cycle électoral devrait débuter par les élections des députés provinciaux et les élections locales, le 25 octobre 2015, puis viendront les élections sénatoriales le 17 janvier 2016 et celles des gouverneurs de provinces le 31 janvier 2016 et enfin la présidentielle et les législatives le 27 novembre 2016. Si le calendrier est conforme à la Constitution, la Commission électorale (CENI) a avoué que ces différents scrutins étaient tenus à un certains nombres de « contraintes » : notamment sur la fiabilité du fichier électoral qui n’a pas encore totalement « nettoyé », mais surtout sur le financement des élections, qui n’était pas encore bouclé. Dans ce contexte d’incertitude, l’opposition politique dénonce un calendrier « irréaliste » et craint que Joseph Kabila ne cherche à jouer la montre en repoussant au-delà de 2016 l’élection présidentielle.
Dans un entretien accordé à Afrikarabia, Freddy Matungulu, économiste au FMI et ancien ministre des finances du premier gouvernement de Joseph Kabila, entre 2001 et 2003, analyse la situation financière pré-électorale de la RDC.
– Afrikarabia : La Commission électorale (CENI) annonce un budget global de 1,14 milliards de dollars pour les prochaines élections. Les élections coûtent-elles aussi chères en RDC ?
– Freddy Matungulu : Les élections coûtent chères en RDC. Cela ne me parait pas étonnant au regard de l’immensité du territoire, quatre fois plus grand que la France ; d’une population relativement abondante ; et du manque criant d’infrastructures routières, ferroviaires et fluviales de qualité (qui oblige un recours excessif à l’avion pour l’acheminent du matériel électoral dans le pays). Par ailleurs, l’informatisation rudimentaire du Congo impose un usage quasiment exclusif du vote à bulletins papier, qui, à certains égards, peut être plus couteux que le vote électronique. Ces contraintes techniques et logistiques sont exacerbées par de graves faiblesses dans la gestion financière des scrutins; des faiblesses apparemment voulues et entretenues par le gouvernement qui n’a jamais fait mystère de sa volonté de renvoyer l’élection présidentielle aux calendes grecques. Bien plus, pour être efficace, la gestion de ce gros budget électoral devait être pluriannuelle, ce qui n’a malheureusement pas été le cas. Le manquement explique aujourd’hui, au moins en partie, le caractère apparemment prohibitif de l’enveloppe financière tendue par la CENI. Pourtant, quel que élevé soit-il, ce coût, une fois froidement réexaminé et réduit au minimum incompressible, se justifie pleinement. En effet, des élections crédibles et apaisées procureraient d’énormes avantages au pays. En particulier, en légitimant le pouvoir, elles ramèneraient la sérénité des esprits et la cohésion nationale qui nous ont tant fait défaut ces dernières années. Des ingrédients essentiels à la relance de l’économie et la création de nouvelles opportunités d’emploi et d’amélioration des conditions de vie.
– Afrikarabia : Le calendrier électoral publié par la CENI fixe la date des prochaines élections locales et provinciales en octobre 2015 et des élections présidentielle et législatives pour le 27 novembre 2016. Dans ce calendrier serré, où pourra-t-on trouver l’argent nécessaire et dans quels délais ?
– Freddy Matungulu : Le budget de 1,1 milliards de dollars mis en avant par la CENI est colossal. Cependant, beaucoup d’observateurs avisés pensent que les élections peuvent être organisées et réussies avec moins de ressources. En augmentation de près de 57% par rapport au budget de l’élection de 2011, ce montant est presque 3 fois supérieur au budget des scrutins de 2006. D’autre part, l’enveloppe proposée dépasserait de 47% les estimations présentées par l’Abbé Malu Malu aux autorités belges il y a à peine quelques mois. Comment expliquer un réajustement si substantiel en si peu de temps? Au regard de ces évolutions, quelques économies devraient, de prime abord, être possibles. Je pense pour ma part que l’argent nécessaire peut être trouvé si tout le monde s’y met. Les pistes de solution urgentes incluent la révision du budget 2015 et la production d’un budget 2016 qui accordent une priorité conséquente aux opérations électorales. Ceci requière une redéfinition des priorités de l’Etat pour les deux années en faveur des opérations électorales, avec une possible focalisation sur les seules élections présidentielle et législative nationales. Une consultation rapide entre le gouvernement, la société civile et l’opposition permettrait de développer le consensus nécessaire à une gestion sereine d’un tel recadrage des priorités budgétaires et électorales du pays. Dans le même contexte, des échanges plus étroits et francs entre la RDC et ses partenaires au développement sur les financements attendus de ces derniers devraient également être rapidement initiés. Enfin, la Diaspora congolaise en quête de changement au pays devrait être disposée à faire une contribution spéciale au financement de cette opération si essentielle au retour d’une stabilité durable chez nous. Pour faciliter l’adhésion à cette dernière proposition, la direction de la CENI pourrait être confiée à une personnalité nationale plus technique, neutre, et respectée. Cette piste extraordinaire et bien d’autres de caractère exceptionnel méritent considération, car l‘urgence de la situation exige que l’on «ne laisse nulle place où la main ne passe et repasse ». Aux grands maux, de grands remèdes, donc !
– Afrikarabia : Dans une tribune publiée par Le Monde Afrique, vous soulevez l’option d’un possible glissement du calendrier électoral qui placerait alors le président Joseph Kabila dans un « statut précaire de président de fait » et ouvrirait une période transitoire. Pendant cette « transition », vous émettez le souhait de voir une « personnalité nationale ou internationale intègre » gérer le pays, à l’instar de Bernard Kouchner au Kosovo en 1999. Plus de 15 après, et dans un contexte africain bien différent, pensez-vous que cette initiative serait acceptée en RDC ?
– Freddy Matungulu : En tant que fonctionnaire international, j’ai eu le privilège de travailler pendant une vingtaine d’années dans de nombreux pays étrangers au mien, en étroite collaboration avec leurs plus hauts dirigeants. En aucun moment, je n’ai pensé remettre en cause la souveraineté des nations concernées. Mon travail était apprécié par mes interlocuteurs au regard du soutien technique qu’il leur apportait, mais également pour sa neutralité par rapport aux diverses forces nationales en compétition politique normale. Dans le contexte politique très polarisé de la RDC, une telle neutralité pourrait être l’élément déterminant, facilitateur de progrès pendant une éventuelle transition qui devrait, bien entendu, être très brève. Toutefois, si l’on en juge par la levée des boucliers suscitée par la proposition, le recours à une telle expertise extérieure semble largement rejeté par la majorité de l’opinion congolaise. L’on peut dès lors considérer qu’une telle initiative ne serait pas acceptée en RDC.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Je partage l’analyse du professeur Matungulu sur le manque de vision et de bonne volonté de la part des legislateurs et de l’exécutif en place à Kinshasa. Ou est le ministère du plan qui est supposé planifier pour le pays? On recrute de tonneaux vides pour resoudre les probleme d’un pays grand comme le Congo. La RDC a besoin des dirigeants de la calibre du professeur Matungulu. J’invite et encourage le professeur Matungulu à poser sa candidature pour la présidentielle de 2016. Avec Freddy Matungulu à la présidence de la RDC, un Congo plus beau et un peuple Congolais plus ardent verront le jour.
Mr. Matungulu a fait une bonne autopsie de la volonte politique de la part de la legislature et de l’executif en place en RDC. Ce pays a besoin des nouvelles bonnees idees et des nouveaux bons dirigeants. Pourquoi le professeur Matungulu ne se presenterait-il pas a la Presidence en 2016? Il pourra surement mener la RDC vers un developpement tant attendu sur le plan social, economique, politique, intellectuel, et moral. .
Est ce que Matungulu est serieux? Il avance une proposition et change a 180 degres un jour plus tard. Est ce qu’il reflechit avant d’ecrire ses histoires sur la RDC? Un homme de ce genre n’est pas mur pour diriger un pays comme la RDC ! C’est dommage !
@ Mutombo Bernard. A vous lire, on voit que vous etes vraiment de mauvaise foi. En quoi M. Matungulu t-il a fait un virage de 180 degres? Il avait fait une proposition dans une interview qui est intervenue avant la publication par la CENI du calendrier global et avant le vote sous sa forme definitve de la nouvelle loi electorale. Il n’ y a donc aucune contradiction de sa part. C’est vous qui n’etes pas serieux dans ce cas parce que vous n’avez rien a dire et vous diabolisez une personne qui est coherent dans ses idees.
Si vous aviez la moindre veine d’homme intelligent, vous devriez commencer par démonter les réflexion de ce grand monsieur par des exemples concrets tirés de ses précédentes interventions. Nous verrions tous, noir sur blanc, que vous êtes un mec sérieux et non pas un aventurier de la rue qui adore crier par fanatisme ou par haine aveugle et imbécile.
Dans ses réflexions, M. Matungulu, un démocrate convaincu que je connais très bien, a le mérite de faire des propositions de pistes de solutions aux graves problèmes du pays. Le Professeur sait que du choc des idées jaillit la lumière, il évite soigneusement de chercher à imposer son point de vue. Alors, M. Mutombo Bernard, soldat du PPRD, au lieu de vouloir nous manipuler avec des attaques bassement partisanes, amenez-nous vos propositions pour enrichir le débat et contribuer à faire avancer la RDC. Si vous n’avez-vous pas de propositions à nous faire, arrêtez de nous distraire et circulez—comme vous semblez en avoir l’habitude !
@ Mutombo Bernard: En quoi le professeur Matungulu a fait un virage de 180 degres? C’est vous qui n’etes pas serieux car vous voulez resister au vent du changement democratique qui souffle sur le continent. Le prof Matungulu avait evoque cette possibilite de transition en cas de glissement de mandate de Joseph Kabila dans une interview qui a eu lieu avant le vote definitif de la loi electorale et de sa promulgation, ainsi que de la proclamation par la CENI du calendrier global que nous appelions de tous nos voeux. Vous faites une affirmation gratuite, au lieu de contribuer au bebat. Si vous n’avez rien a dire, il vaut mieux vous taire.
Marcel Ngoma
Je suis expert en finances publiques et suis de meme avis avec vous Prof quant a la revision du budget conformement a la loi relative aux finances publiques
M Matungulu avance quelques propositions intéressantes, cela confirme l’idée que la classe politique pourrait s asseoir (sans facilitateur étranger) et trouver un consensus sur la priorisation de certains scrutins. Nous sommes capables d’émettre des idées constructives mais lorsqu’il s agit de nous mettre en ensemble, il nous est impossible d adhérer à une option qui exclut nos propositions, aussi pertinentes qu elles puissent être. D’où les nombreux blocages. Que ceux qui veulent que la RDC avance, se départisse de leur égo surdimensionné.
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Bonjour Congolais,
C’est vrai que nous sommes dans une nation plein d’ « intellectuels »!!! Quel honte pour un pays plein de matières premières et où la population est trop misérable, avons-nous réellement des dirigeants ? Je doute et sincèrement nous avons des misérables dirigeants qui sont venu s’enrichir mais ne craignons rien parce qu’on sait qu’il mourront pauvre (Cfr Mobutu, Ngdanda, Kengo etc…)
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A lire cette intervention , il est bien concret qu’il y a des hommes qui savent c qu’ils disent parce qu’ils comprennent la gravité et la nécessité de sauver la RDCongo du gouffre que les opportunistes amateurs politiciens l’on plongé.
Toutes nos efforts doivent converger pour placer des hommes qui ont des capacités de diriger ce grand pays que nombreux oublient qu’il faut un dynamisme, de l’intelligence et compétences dans tous les domaines pour y parvenir.
L’assainissement s’impose après cette analyse car, tant que l’ignorance est aux commandes, le consensus tardera à venir car, il faut savoir ce qu’on est avant d’accepter l’expertise correcte comme celle-ci.
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