Après les élections contestées de novembre 2011 en République démocratique du Congo (RDC), l’UDPS, principal parti d’opposition, prône toujours le boycott de l’Assemblée nationale par ses députés. L’Association Africaine de défense des Droits de l’Homme (ASADHO) se déclare « très préoccupée » par une telle attitude et demande à l’opposition de « prendre part aux travaux de l’Assemblée nationale ». Si la direction de ‘UDPS paraît inflexible sur la stratégie du boycott, la société civile est plus partagée.
Boycotter l’Assemblée ou pas ? Tel est le dilemme de l’UDPS d’Etienne Tshisekedi. Deux thèses s’affrontent au sein de l’exécutif du parti : ne pas siéger dans une Assemblée dont on conteste l’élection ou au contraire, siéger pour faire entendre sa voix. Pour le conseiller politique d’Etienne Tshisekedi, Valentin Mubake, le choix est pourtant clair : « il est inconcevable qu’un membre du parti accepte de siéger dans une institution issue des législatives dont les résultats ont été déclarés nuls par sa propre formation politique ». Valentin Mubake va même plus loin en promettant l’exclusion du parti aux contrevenants. Ce qui sera fait pour Timothée Kombo, doyen de l’Assemblée et « élu », à ce titre, président du bureau provisoire… les autres députés de l’UDPS sont maintenant prévenus.
« Le boycott n’a jamais payé »
Mais au sein du parti de Tshisekedi, des voix s’élèvent pour dénoncer un boycott « inutile » qui priverait l’opposition d’une tribune publique à l’Assemblée, comme le pense José Nzau Vola, qui prône le « dialogue interne ». Certains observateurs proche de l’opposition prédisent même la « mort » à moyen terme de l’UDPS ou, au moins, sont implosion. Il est vrai qu’à chaque fois que l’UDPS a décidé de boycotter sa participation aux institutions ou aux élections (dans les années 1990 puis en 2006), le parti s’est morcelé et s’est considérablement affaibli. Des dissidences sont nées et l’UDPS a ensuite raté tous ses grands rendez-vous électoraux. Certains membres du parti affirment avoir « tirés » les leçons du passé et souhaitent bien participer aux débats de l’Assemblée nationale… « au moins pour être entendus ». Et de conclure : « de toute façon, le boycott n’a jamais payé ».
Aujourd’hui, l’Association Africaine de défense des Droits de l’Homme (ASADHO) apporte sa contribution au débat en se disant « très préoccupée par la non participation de certains partis politiques de l’opposition aux institutions politiques qui sont entrain d’être mises en place ». Car, si l’ASADHO reconnait « que les élections de novembre 2011 n’ont été ni apaisées, ni transparentes ni démocratiques » et qu’elles ont été organisées « dans un climat généralisé de fraude, de corruption et de méfiance totale, », l’ONG pense que « la construction progressive de la démocratie appelle tous les partis politiques de l’opposition qui ont des députés nationaux à prendre part active aux institutions politiques, particulièrement aux travaux de l’Assemblée Nationale ».
« Avoir le contrôle sur les institutions »
Pour cette association, la tribune de l’Assemblée nationale « reste un excellent endroit où les partis politiques de l’opposition peuvent soumettre aux débats publics toutes les questions qui concernent la marche de la nation et la situation des droits de l’Homme ». L’ONG se justifie en expliquant qu’en dehors de cette « tribune » institutionnelle : « les partis politiques de l’opposition et les organisations de la société civile ont des difficultés pour organiser des manifestations pacifiques, les médias publics sont confisqués par la majorité politique au pouvoir, les médias proches de l’opposition sont illégalement suspendus ou privés du signal, les membres de l’opposition sont souvent arrêtés et détenus arbitrairement… »
Pour l’ASADHO, « la participation de tous les députés nationaux de l’opposition à l’Assemblée Nationale leur permettra également de prendre part au contrôle des autres institutions telles que le Gouvernement national et la Commission Electorale Nationale Indépendante »… une série d’arguments que l’ONG congolaise souhaite vivement voir prendre en compte par la direction de l’UDPS. Aux dernières nouvelles, les partisans du boycott auraient mis « un peu d’eau dans leur vin », notamment au sujet de l’exclusion de Timothée Kombo, dont le dossier pourrait être « réétudié »… peut-être un premier pas.
Christophe RIGAUD