Augustin Katumba Mwanke, conseiller spécial du président Joseph Kabila et homme fort du régime de Kinshasa, a trouvé la mort ce dimanche à Bukavu dans l’accident de son avion privé. Le ministre des Finances, Augustin Matata Ponyo, le gouverneur du Sud-Kivu, Marcelin Cishamboet et l’ambassadeur itinérant du président, Antoine Ghonda, ont été grièvement blessés au cours de l’accident. La disparition d’Augustin Katumba Mwanke, personnage-clé du « système Kabila », risque de fragiliser l’organisation de la gouvernance autour du président congolais dans un contexte de crise politique aiguë.
« Conseiller de l’ombre », « personnage le plus influent de RDC », « l’homme qui murmurait à l’oreille du président »… tout a été dit, ou presque, sur la personnalité d’Augustin Katumba Mwanke. A 48 ans, cet ingénieur de formation était le principal conseiller de Joseph Kabila, « son éminence grise ». Les notes de l’administration américaine, publiées par Wikileaks, présentaient Katumba Mwanke comme l’homme-clé du « système Kabila ». Selon Wikileaks, ce « conseiller était parvenu à isoler Kabila, au point qu’il nomme des personnes qui lui sont fidèles à lui et non pas au président ! ». Pour l’administration américaine, Katumba Mwanke était devenu « l’unique point d’accès au chef de l’Etat congolais, alors qu’il n’exerce pas de fonction officielle ».
Co-fondateur du parti présidentiel, le PPRD, Augustin Katumba Mwanke, était présenté comme le dernier rempart de la garde rapprochée de Joseph Kabila. A la fois mentor et « Mazarin », Katumba Mwanke était accusé de « se servir de Joseph Kabila » comme d’une « marionnette ». Le manque de « leadership » et de « charisme » du président Kabila avaient fini de faire du conseiller Katumba Mwanke, le « président bis » de la République démocratique du Congo.
La disparition brutale d’Augustin Katumba Mwanke intervient dans un contexte de tensions post-électorales très délicat. Après les élections très contestées (présidentielle puis des législatives) de novembre, la crise politique couve en RDC. L’opposition ne reconnaît pas la réélection de Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi s’est autoproclamé « président élu ». L’opposition a également rejeté en bloc tous les résultats publiés par la Commission électorale (CENI), dénonçant les multiples irrégularités du scrutin. Malgré les contestations, notamment de la communauté internationale, la CENI, a récemment annoncé la composition de la nouvelle Assemblée nationale congolaise. La Majorité présidentielle (MP) reste majoritaire, mais le parti présidentiel (PPRD) perd des sièges et devra composer avec de multiples petits partis et des « indépendants ». Pour pouvoir gouverner « en toute tranquillité », Joseph Kabila devra dans ces conditions nouer de nombreuses alliances, trouver un nouveau Premier ministre et composer un gouvernement de « rassemblement ». Une tâche à laquelle s’était attelé Augustin Katumba Mwanke, conseiller spécial du président et « stratège » politique hors pair. Avec la disparition de Katumba Mwanke, Joseph Kabila perd le principal artisan de sa « nouvelle majorité gouvernementale ». « L’homme qui murmurait à l’oreille de Joseph Kabila » n’est plus… une place se libère auprès du président congolais… elle ne devrait pourtant pas rester vacante très longtemps.
Un rapport des Nations-unies de 2002 avait signalé la participation d’Augustin Katumba Mwanke à un réseau d’intérêts « politique, militaire et commercial » lié au commerce illicite de minerais. Ce rapport notait « le transfert d’au moins 5 milliards de dollars du secteur minier » vers des entreprises privées du conseiller du président Kabila. L’ONU avait recommandé « une interdiction de déplacement » hors du pays et un « gel » de ses avoirs. A l’époque, Joseph Kabila avait suspendu son conseiller de ses fonctions et l’avait nommé « ambassadeur itinérant » auprès de la Présidence.
Christophe RIGAUD
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