L’opposant en exil Moïse Katumbi a annoncé sur RFI et France 24 son retour à Lubumbashi le 20 mai prochain. Un retour très politique pour un homme d’affaires pressé.
« C’est définitif, le 20 mai, je suis à Lubumbashi ! ». Trois ans jour pour jour après son exil forcé en Afrique du Sud, puis en Europe, Moïse Katumbi compte bien rentrer au pays. Ancien allié du président Joseph Kabila, l’ex-gouverneur du Katanga avait quitté la RDC pour des raisons médicales en pleins démêlés judiciaires. Condamné à trois ans de prison pour une obscure affaire immobilière, Moïse Katumbi était aussi accusé d’avoir recruté des mercenaires. Si l’homme d’affaires avait décidé de rentrer à Kinshasa, les autorités promettait de l’interpeller à sa descente d’avion. Quelques jours avant le dépôt des candidatures pour la présidentielle de décembre 2018, Moïse Katumbi avait tenté de rentrer en RDC par la Zambie pour se lancer dans la course à la présidentielle. En vain. L’ancien gouverneur de la riche province congolaise devait rester bloquer de l’autre côté de la frontière et renoncer à sa candidature.
Ouverture politique
Mais depuis janvier 2019, la donne a changé au Congo. Un autre opposant, Félix Tshisekedi, est sorti vainqueur de la présidentielle. Une élection entachée de fraudes et qui serait le fruit d’un accord secret entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila pour se partager le pouvoir. Moïse Katumbi avait soutenu un autre opposant, Martin Fayulu, censé avoir réellement gagné les élections. Contrairement à Fayulu, qui revendique la victoire et appelle Tshisekedi à la démission, l’ancien gouverneur se montre plein de mansuétudes envers le nouveau président. Moïse Katumbi cherche à profiter de la relative ouverture politique pour tenter un retour au pays. Le nouveau président Tshisekedi, en quête de légitimité et de mesures symboliques pour affirmer le changement de régime, joue la carte de la décrispation politique. Il libère de nombreux prisonniers politiques emblématiques et promet à Katumbi un retour au Congo « en homme libre ».
Retour gagnant ?
Félix Tshisekedi tient parole et permet d’abord à Katumbi de recouvrir un passeport que l’ancien pouvoir lui refusait. Dans la foulée, la justice abandonne les poursuites dans les deux affaires qui pesaient sur l’homme d’affaires, que plus rien n’empêche maintenant de rentrer en RDC. Une aubaine pour Katumbi, qui peut enfin revenir dans l’arène politique congolaise… au premier plan. Car qu’on ne s’y trompe pas, si Katumbi a soutenu Fayulu à la présidentielle, c’était pour mieux revenir et prétendre au poste de chef de l’Etat qu’il convoite depuis 2015, date du « divorce » avec Joseph Kabila.
Mais avant de revenir dans la course, Moïse Katumbi devra composer avec le nouveau président Tshisekedi. Lors de l’interview avec RFI et France 24, l’ancien gouverneur s’est montré particulièrement bienveillant avec son sauveur de président. A la différence de Fayulu, Katumbi reconnaît à mi-mot la légitimité de Félix Tshisekedi malgré « des élections chaotiques et beaucoup d’irrégularités ». Il a même refusé de confirmer la victoire de Fayulu, comme le martèlent pourtant les principaux leaders de sa coalition, Lamuka. Une ambiguïté gênante qui le pousse même à ne pas exiger la démission du président Tshisekedi comme le demande Martin Fayulu.
Katumbi a besoin de Tshisekedi… et inversement
L’homme d’affaires va donc bientôt rentrer au pays, mais l’homme politique devra attendre un peu avant de sortir du bois. Aujourd’hui, Tshisekedi et Katumbi ont chacun besoin l’un de l’autre. Le nouveau président doit affirmer une alternance politique et un changement de régime, mais il doit aussi se trouver de nouveaux alliés pour isoler le camp Kabila. Et Katumbi en est le partenaire idéal. L’homme d’affaires peut en effet aider le nouveau président à élargir sa base politique, mais il peut aussi convaincre les acteurs économiques et internationaux de soutenir le nouveau régime.
Moïse Katumbi avait besoin de l’appui du nouveau président pour s’éviter un passage par la case prison en cas de retour. Une fois dans son fief de Lubumbashi, le patron du TP Mazembe, la célèbre équipe de football locale, devrait rapidement se positionner au sein de l’opposition et trouver sa place entre Martin Fayulu et Jean-Pierre Bemba. Le statut de porte-parole de l’opposition pourrait être le prochain objectif de Moïse Katumbi. Un positionnement central, à mi-distance entre Tshisekedi et Kabila qui pourrait s’avérer gagnant en cas de blocage et d’explosion de la coalition Tshisekedi-Kabila. Un poste d’observation idéal pour préparer 2023, date de la prochaine présidentielle.
Christophe Rigaud – Afrikarabia