En trois semaines, le président et le vice-président de la Commission électorale (CENI) ont démissionné alors que l’organisation des élections prend un retard inquiétant à moins d’un an de la présidentielle.
La République démocratique du Congo (RDC) est toujours sans calendrier électoral, alors que neuf scrutins devaient être organisés entre 2015 et 2016. De reports en retards, la Commission électorale (CENI) a déjà tiré un trait sur les élections locales et municipales qui devaient se tenir le 25 octobre, « trop complexes et trop coûteuses à organiser » selon Kinshasa. Exit également les élections des gouverneurs des nouvelles provinces crées dans la précipitation cette année. La CENI affirme également n’avoir pas les moyens financiers de les organiser. Conséquence : des « Commissaires spéciaux » ont été nommés par le président Joseph Kabila « pour ne pas laisser ces nouvelles entités sans tête ». Mais l’opposition s’est élevée contre une « violation de l’article 220 de la Constitution qui interdit toute atteinte aux prérogatives des provinces et des entités décentralisées » et dénonce comme le MLC, « une escroquerie électorale ». Tous les Commissaires étant proches de la majorité présidentielle. Mais ce qui inquiète le plus les opposants à Josep Kabila, c’est le possible « glissement » du calendrier électoral qui permettrait au chef de l’Etat de prolonger son mandat au-delà des limites constitutionnelles de 2016. Et le glissement a déjà commencé.
Démissions à la chaine
Au coeur de cette tourmente politique, la CENI peine à rassurer. Dernier épisode en date : la démission du vice-président de la Commission électorale, André Mpungwe, issu du parti présidentiel (PPRD). Un départ qui fragilise encore un peu plus l’institution, trois semaines après la démission du président de la CENI, Apollinaire Malu-Malu, pour raisons de santé. Deux proches du chef de l’Etat quittent donc le navire alors qu’aucun calendrier électoral n’a été publié et que les retards s’accumulent. Entre-temps, la nomination du nouveau président de la CENI fait polémique. Corneille Nangaa, élu par les confessions religieuses, n’a pas été soutenu par la puissante l’Eglise catholique. L’Eglise qui n’a pas pris part au vote, celui-ci étant « joué d’avance ». Corneille Nangaa est accusé d’être trop proche du camp Kabila. Et ce samedi, la majorité a appelé les frondeurs du G7 à « libérer les postes qu’ils occupaient à la CENI dans les meilleurs délais » – voir la lettre ci-dessous. Une manière de pousser à une recomposition rapide de la Commission électorale.
580 « petits » millions dans le budget
Mais la crise que traverse la CENI ne se limite pas à la gouvernance de la Commission… elle est aussi financière. Dernièrement la CENI était sortie de son mutisme en accusant le gouvernement de ne pas avoir débloqué les sommes d’argent prévues pour l’organisation des élections. Selon un document de la CENI seuls 24% des montants alloués aux élections ont été décaissés par l’Etat en 2014. Un signe pour l’opposition que la majorité « ne veut pas aller aux urnes ». Depuis, le gouvernement a voté son budget dans lequel 580 millions de dollars seront consacrés aux élections. Une avancée, certes, mais bien maigre puisque la CENI affirme qu’il lui faudrait un peu plus d’un milliard de dollars pour organiser la petite dizaine de scrutins prévus. Le compte n’y est donc pas. Autre source d’inquiétude dans le nouveau budget : une ligne prévoyant l’organisation d’un possible référendum, qui fait craindre une possible modification de la Constitution permettant à Joseph Kabila de briguer un troisième mandat.
Un président de la CENI déjà contesté
Pour sortir de la crise, là encore majorité et opposition ne sont pas sur la même longueur d’onde. Le président Joseph Kabila a proposé il y a quelques mois un « dialogue national » afin de mettre tout le monde autour de la table pour trouver une solution. Une proposition qui ne convient pas à l’opposition qui redoute un simple « partage du pouvoir » afin de maintenir Joseph Kabila dans son fauteuil après 2016. L’opposition propose une réunion tripartite : majorité, opposition et CENI, pour trouver un « calendrier consensuel » avec la priorité sur l’organisation de la présidentielle et des législatives dans les délais constitutionnels, c’est à dire avant la fin décembre 2016. Seul souci : le nouveau président de la CENI est contesté et son vice-président vient de claquer la porte. Autant dire que la tripartite n’est pas pour demain. Un imbroglio qui atteste la stratégie du « glissement » avancée par l’opposition. Du côté de la majorité, on trouve de moins en poins d’interlocuteurs pour défendre la position ambiguë du gouvernement. « Nous respecterons les délais, mais nous avons un réel problème de financement » nous confie-t-on dans le camp présidentiel. L’urgence est pourtant là. La présidentielle doit être organisée dans tout juste un an. Et le temps presse.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Toutes ces démissions sont le résultat des manœuvres du pouvoir kabiliste qui tient coûte que coûte à obtenir le maintien de Joseph Kabila au pouvoir. C’est une stratégie de passage en force et un suicide collectif.
A travers tous ces actes, ils sont en train de tester les capacités des congolais à réagir face à l’imposture. Et si les congolais ne font attention, ils se retrouveront d’ici quelques mois désabusés.