Un rapport d’Human Rights Watch (HRW) dénonce les dysfonctionnements du procès des viols de Minova qui n’a rendu justice ni aux victimes, ni aux militaires accusés.
« Une énorme déception« . Le procès emblématique des militaires accusés de viols de masse en 2012 à Minova, à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), a constitué une grande désillusion pour les ONG des droits de l’homme. Dans un rapport très détaillé, Human Rights Watch (HRW) tente d’expliquer les échecs du procès de Minova, l’un des épisodes les plus violents de la débâcle de l’armée congolaise face à l’avancée des rebelles du M23 au Nord-Kivu – voir le rapport complet ici.
Aucun officier inquiété
En novembre 2012, « au moins 76 femmes » ont été victimes de viols, commis par l’armée régulière (FARDC) lors de sa fuite vers la ville de Minova. 39 soldats ont été mis en cause pour crimes de guerre. Mais après 5 mois de procès, le verdict a créé la surprise : seuls deux soldats du rang sont condamnés pour viol et aucun officier de haut niveau n’a été inquiété. Autre dysfonctionnement noté par Human Rights Watch : les réparations financières ordonnées par les juges n’ont toujours pas été versées par l’Etat aux victimes.
Manque de courage politique ?
Les « lacunes » de la justice militaire congolaise ne s’arrêtent pas là selon HRW. « Le manque d’expérience en matière de scènes complexes de crimes de masse et de violence sexuelle, l’absence de stratégie pour rassembler les preuves » sont également pointés par le rapport. « Pour démêler une structure de commandement militaire et poursuivre ceux qui exerçaient la responsabilité du supérieur hiérarchique, il faut avoir des compétences particulières et du courage politique, deux éléments qui ont fait défaut dans l’affaire Minova« , estime Géraldine Mattioli-Zeltner d’HWR.
« Améliorer l’indépendance et l’impartialité du système judiciaire »
Le tableau n’est cependant pas complètement noir. Des progrès ont été réalisés lors du procès de Minova : l’Etat à réussi à débloquer des moyens financiers, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) a été appliqué pour « compenser les lacunes du droit national » et le nombre des procès s’est considérablement accru devant les Cours militaires. Mais derrière ces avancées, HWR préconise un certain nombre de recommandations aux autorités congolaises et aux partenaires internationaux pour améliorer la justice militaire. L’ONG propose « la création d’une unité d’enquête spécialisée ; l’adoption d’une loi de mise en œuvre du Statut de Rome de la CPI ; l’amélioration des droits des accusés et l’examen de pistes pour améliorer l’indépendance et l’impartialité du système judiciaire ».
« Personne n’est au-dessus des lois »
La justice militaire, tout comme la justice civile congolaise, traîne en effet une bien mauvaise réputation. Le cordon ombilical entre le pouvoir politique et les juges n’a visiblement pas été coupé et l’impunité des « donneurs d’ordre » constitue encore largement la « règle » en RDC. C’est sans doute dans le domaine de l’indépendance et de l’impartialité que la justice congolaise doit progresser afin « qu’une justice digne de ce nom soit rendue aux victimes, et pour démontrer que personne n’est au-dessus des lois« … Mais la route est encore longue et les progrès encore embryonnaires.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Human Rights Watch et le gouvernement Congolais ne jouent-ils pas plutôt à se faire peur, qu’à lutter effectivement contre l’impunité? Voici 16 ans que lorsque cela lui chante, Human Right dénonce les travers de la justice congolaise, ses juges, ses prisons et ses infrastructures – 19 ans que ses experts savent que le gouvernement ne veut ni ne peut assurer garantir une justice sereine et équitable – 19 ans qu’ils savent que la Justice congolaise fonctionne cahin-caha au profit des plus puissants -19 ans qu’ils dénoncent l’environnement carcéral et le dysfonctionnement frappant de la justice du droit commun (et à fortiori lorsqu’il s’agit de la Justice militaire). La question qui me turlupine l’esprit c’est de avoir : Au nom de quelle logique et quelle rationalité, sachant ce que savent les experts de Human Right Watch sur la justice congolaise, ils trainent les pieds lorsqu’il s’agit de soutenir l’idée d’un Tribunal pénal international ad hoc pour la RDC alors même que jusque quelques mois avant le décès d’Alison Des Forges en 2009, ils ont été d’incontournables partenaires du TPI ad hoc pour le Rwanda et experts de ses procureurs? Point n’est besoin d’en dire d’avantage mais je trouve que l’obstination de HRW à orienter les opinions vers des positions qu’il sait d’avance inadéquates et bancales pour assurer l’impunité et mettre fin au calvaire des victimes, oblige d’aucuns à s’ interroger. Si HRW attendait plus du procès de Minova, alors là… Je ne puis qu’exhorter les experts de HRW d’avoir un minimum d’égard pour les victimes qui attendent des procès justes et équitables depuis 19 ans et de prendre conscience et la mesure que le temps est l’ennemi premier de la preuve. Je veux espérer que personne ne souhaite la réédition de « Aucun témoin ne doit survivre » en RDC.
Bien à vous.