La ville de Pinga, à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) s’est vidée de la moitié de sa population à la suite de violents combats entre deux groupes armés fin avril. La passivité des casques bleus sud-africains à Pinga fait douter de l’efficacité de la future Brigade d’intervention spéciale de l’ONU qui se déploie actuellement au Nord-Kivu.
Que s’est-il passé à Pinga fin avril 2013 ? De violents affrontements ont opposé deux groupes rebelles congolais pour le contrôle de cette localité de 60.000 habitant, dans la province du Nord-Kivu. Le 29 avril, les Maï-Maï Cheka se sont emparés de Pinga en y chassant les rebelles de l’Alliance pour un Congo libre et souverain (APCLS). Au coeur du conflit : des problèmes fonciers, le pillage des ressources naturelles, mais aussi la lutte, par milices interposées, entre la rébellion du M23 et le gouvernement congolais. En effet, les Maï-Maï Cheka, ont noué une alliance de circonstance avec le M23, alors que l’APCLS fait office de milice supplétive de l’armée régulière congolaise (FARDC).
« La moitié de la population a fui«
Les combats ont été d’une rare violence et la population civile a été la première victime des affrontements. Médecins sans frontière (MSF), seule ONG présente sur place, a indiqué que « la moitié de la population de Pinga avait fui leurs habitations« . 11 membres du personnel congolais de MSF ont également été portés disparus à la suite des combats, avant d’être retrouvés sains et saufs quelques jours plus tard. Depuis les combats de la fin avril, la situation reste « tendue et imprévisible » à Pinga, selon MSF, qui continue de mener son travail dans des conditions extrêmement difficiles.
Que fait la Monusco ?
Ces affrontements auraient-ils pu être évités ? Ironie du sort : une base de la Monusco, la mission des Nations unies pour le Congo, se trouve justement à Pinga. Depuis le début des combats entre milices, les civils s’y sont regroupés aux alentours pour se mettre à l’abri, mais la Monusco n’est pas intervenue sur la terrain. Un expert de la région nous confiait « qu’aucune patrouille n’avait eu lieu« , « ni pas de survol à basse altitude pour dissuader les groupes armés« , comme c’est quelquefois le cas.
Seconde ironie de la situation à Pinga : les soldats de la Monusco présents sur place viennent… d’Afrique du Sud. Les mêmes soldats sud-africains sont attendus avec impatience au Nord-Kivu dans le cadre de la Brigade d’intervention spéciale de l’ONU, censée éradiquer les groupes armés à l’Est de la République démocratique du Congo. Cette Brigade de 3.069 soldats devraient venir « muscler » les 17.000 casques bleus, déjà présents en RDC, avec un mandat plus « offensif« . Pour ce spécialiste de la région, « la situation à Pinga présage de ce qui pourrait se passer avec la Brigade d’intervention qui est en train d’être déployée« .
Inaction de la Brigade d’intervention ?
La passivité de la Monusco à Pinga augure mal de l’efficacité de la future Brigade. Toujours selon cet expert, la Monusco se retranche derrière l’inaction de l’armée régulière (FARDC) pour justifier sa non-intervention. « La Monusco, explique-t-il, affirme ne pas pouvoir intervenir sans les FARDC, alors que son mandat (la résolution 2098) le lui permet parfaitement« . Une attitude qui fait craindre une « lecture à minima » de leur mandat, avec une efficacité forcement réduite. Ce que craint cet expert, c’est « l’inaction totale de la future Brigade d’intervention au nom de la non mise en danger du personnel des Nations unies« . Un risque que n’a visiblement pas fait courir l’Afrique du sud à ses soldat de Pinga fin avril. « Tout au plus, souligne ce spécialiste, cette Brigade ne servira qu’à contenir le M23 et les FDLR, sans réellement lutter contre les nombreux autres groupes armés. »
Christophe RIGAUD – Afrikarabia