L’ancien directeur de cabinet du président Félix Tshisekedi vient d’être acquitté en appel après sa condamnation à 20 ans de travaux forcés pour détournement de fonds publics. Une décision qui apparaît davantage politique que judiciaire alors que le candidat Tshisekedi cherche des soutiens de poids pour sa campagne de réélection.
Alors que tous les regards sont tournés à l’Est, où la situation sécuritaire continue de se dégrader, un petit séisme politique s’est produit à Kinshasa dans une relative discrétion. Vital Kamerhe, l’ancien directeur de cabinet du président Tshisekedi, condamné, en avril 2020 à 20 ans de prison pour le détournement de plus de 50 millions de dollars, a été blanchi en appel par la justice congolaise. Allié de Félix Tshisekedi pendant la campagne présidentielle de 2018, le très puissant directeur de cabinet avait été condamné dans le cadre du fameux « programme des 100 jours » lancé par Félix Tshisekedi à son arrivée au pouvoir. Au cours de ce programme d’urgence, des contrats douteux sont signés en toute opacité et des millions de dollars sont débloqués dans la précipitation pour la construction de logements, d’infrastructures ou de routes.
Des millions disparus
Un projet d’achat de 1.500 maisons préfabriquées pour des militaires et des policiers, confié à l’homme d’affaires libanais Samih Jamal, tourne au fiasco. Au cours d’un procès fleuve qui passionne les Congolais, on apprend que sur les 57 millions de dollars décaissés par le Trésor public, seuls 8 millions ont été utilisés pour le projet de maisons préfabriquées. On apprend également que 37 millions de dollars ont été sortis en liquide de la banque. Vital Kamerhe est alors soupçonné d’avoir été « récompensé » par Samih Jammal pour avoir obtenu ce marché public. On découvre que la fille d’Hamida Shatur, la femme de Vital Kamerhe, s’est vu attribuer une parcelle de terrain à Kinshasa par le même Samih Jammal. L’accusation dévoile également que le couple Kamerhe possède un compte-joint approvisionné de 10 millions d’euros et trois propriétés en France qui intriguent la justice congolaise.
Un procès politique ?
Condamné à 20 ans prison, la peine de Vital Kamerhe sera finalement réduite à 13 ans un an plus tard, et en décembre 2021, la Cour de cassation lui accorde une libération conditionnelle pour raisons de santé. Mais depuis le début de l’affaire, les proches de Vital Kamerhe dénoncent un procès politique sur fond de guerres intestines au sein de la présidence. L’arrivée de Vital Kamerhe dans le premier cercle de Félix Tshisekedi a été mal vécue par nombre de caciques de l’UDPS, qui se voyaient ainsi ravir un poste stratégique et une connexion directe avec le nouveau chef de l’État. Si une partie de l’entourage présidentiel a été rapidement hostile à l’arrivée de Vital Kamerhe, certains voyaient dans les ennuis judiciaires du directeur de cabinet la main de Félix Tshisekedi, qui, avec la complicité de la justice, mettait ainsi hors-jeu un potentiel concurrent pour la présidentielle de 2023. Le procès, en lui-même, a été vécu comme confus, chaotique, « mal ficelé » par de nombreux observateurs. D’ailleurs, son acquittement a été officiellement motivé par une absence de preuves. Une décision qui fait dire à l’avocat de Vital Kamerhe que « la justice a réparé son injustice et la vérité a triomphé sur les mensonges ».
Où est passé l’argent détourné ?
Mais si le procès de Vital Kamerhe a été politique, son acquittement pourrait bien l’être aussi. Depuis plusieurs mois, l’arène politique congolaise bruissait de sa probable libération. « C’était prévisible. On savait que son acquittement allait arriver » explique Jean-Claude Mputu, porte-parole de la campagne « Congo n’est pas à vendre » (CNPAV), une organisation de lutte contre la corruption. « On a l’impression que dès le départ, on a voulu mentir et tromper le peuple. La question qui se pose maintenant est de savoir où est passé tout cet argent qui a réellement disparu ? Et surtout, quel est le vrai bilan du programme des 100 jours ? Si ce n’est pas Vital Kamerhe, qui a pris cet argent ? Le pire, c’est que l’Etat n’a rien récupéré des sommes détournées ». Le plus grave pour Jean-Claude Mputu, c’est qu’après l’acquittement de Vital Kamerhe, les promesses de Félix Tshisekedi de lutter contre la corruption et l’impunité « apparaissent comme de simples slogans, ce que visiblement elles sont ». Détail troublant, les autres co-accusés de l’affaire, comme Samih Jammal ou Daniel Massaro, ont tous été blanchis. « Le dossier judiciaire des 100 jours risque d’être définitivement enterré » se désole Jean-Claude Mputu.
Kamerhe reprend sa liberté
L’acquittement de Vital Kamerhe pose également la question de son retour en politique. Il faut dire que l’ancien directeur de cabinet de Félix Tshisekedi est un gros poisson de la politique congolaise. Bras droit de Joseph Kabila, Vital Kamerhe a été président de l’Assemblée nationale pendant plus de deux ans, avant de quitter la kabilie pour fonder son propre parti, l’UNC, très puissant à l’Est du pays. Principal allié de Félix Tshisekedi à son arrivée à la présidence, Vital Kamerhe a accompagné le nouveau président dans les chausse-trappes du pouvoir alors que Joseph Kabila avait toujours la haute-main sur le parlement et les principales institutions du pays. Kamerhe constitue encore le seul poids lourd politique susceptible de le soutenir pour la présidentielle de 2023. Après avoir débauché de nombreux députés pro-kabila pour composer l’Union sacrée de la nation (USN), Félix Tshisekedi se retrouve désormais sans personnalité politique forte pour le soutenir. Le chef de l’Etat ne peut plus compter ni sur Katumbi, ni sur Fayulu, ni même sur Bemba dont le poids électoral faiblit, pour s’imposer à la régulière dans les urnes.
Futur soutien du candidat Tshisekedi
La question n’est donc pas de savoir si Vital Kamerhe reviendra en politique, mais plutôt de savoir comment ? Deux options s’offrent à lui. Rouler pour Tshisekedi ou faire cavalier seul. La deuxième solution semble assez risquée au vu des ennuis judiciaires passés et de l’épée de Damoclès qui reste suspendue au-dessus de sa tête au moindre faux pas qui pourrait déplaire au pouvoir en place. Si l’idée de prendre son indépendance venait à Vital Kamerhe, la justice pourrait rapidement trouver de nouveaux dossiers gênants pour mettre au frais ce potentiel concurrent à l’actuel chef de l’Etat. L’option d’une nouvelle collaboration avec Félix Tshisekedi semble donc, dans un premier temps, la plus probable.
Un retour à l’Assemblée ?
Vital Kamerhe a de nombreux atouts qui pourraient intéresser Félix Tshisekedi. Son parti est populaire à l’Est et pourrait fournir un important réservoir de voix au président-candidat en 2023. Il connaît parfaitement les rouages institutionnels du pays et serait en mesure de mettre en ordre de bataille une Union sacrée très hétérogène. Enfin, il possède une solide expérience des crises sécuritaires qui sévissent depuis plus de 25 ans à l’Est du Congo. Si certains le voient revenir dans un rôle de premier plan, à la Primature par exemple, ses ennuis judiciaires restent un sérieux handicap pour occuper la fonction si rapidement. Vital Kamerhe pourrait tout simplement revenir à l’Assemblée nationale, dont il a été élu député, et s’atteler à la construction d’une majorité présidentielle solide, notamment en vue des élections législatives qui sont couplées avec la présidentielle. Mais attention, Vital Kamerhe est un animal politique coriace. Il n’a pas abandonné l’idée de jouer, un jour, les premiers rôles. Pour preuve, la première mission de son retour en politique va être de réorganiser l’UNC pour en faire un parti plus puissant. Avec, peut-être, la présidentielle de 2028 en ligne de mire.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Faut-il en rire ou en pleurer, des millions de dollars bien détournés du Trésor public sont sans auteurs mais bien envolés. Et le peuple Congolais serait dupe pour gober ce cirque politique…Kamerhe libre et lavé de tout soupçon de détournements pour manque de preuves, y’en avait-il pas lorsque ce fameux procès de 100 jours avait été initié ?
C’est loin d’un scoop : Tshisekedi le maître des horloges du moment au Congo en mal de bilan exploitable pour rempiler aux toutes prochaines échéances a besoin d’assistance de son vieil allié, animal politique connu fou d’ambition et disposant d’une base électorale non négligeable à l’Est.
Adieu les millions et les maisons préfabriquées pour les militaires, adieu le fameux Programme des 100 jours qui n’était qu’un mirage ; vive l’entreprenant faiseur des rois Kamerhe aujourd’hui au service de la Patrie à côté de Tshisekedi ; y’avait-il meilleur conte ?
A n’en point douter, le script tiendra, seule relative inconnue, le rôle précis que jouera dans l’immédiat Sieur Kamerhe, mais on ne peut s’inquiéter pour lui, il dispose des ressources pour l’avenir. Ainsi va hélas le pays de Lumumba dont on célèbre religieusement les obsèques : alors que la population est obligée de se cotiser quelques dollars pour nourrir les soldats au front contre les groupes armés, le pouvoir en place ne peut se priver de s’enrichir personnellement et de laisser filer 500 millions de dollars aux plus malins comme Kamerhe et d’autres, une justice définitivement otage de la politique …
Quelques éléments du dossier vous ont échappé :
1. D’abord, les 8 millions de dollars dont vous parlez, selon l’enquête, c’est le montant qui avaient été envoyés en Turquie pour acheter les matériaux et non le seul montant dépensés ;
2. Vous avez parlé des 37 millions sortis en liquide ? N’avez-vous pas non plus appris des débats que 35 millions de dollars avaient ete saisis des comptes de Jammal et déposés à la banque centrale, vous en a-t-on dit quand ils avaient été retournés ?
3. Quant à la prétendue récompense, elle relève de l’imagination florissante des enquêteurs qui ont préféré mêler l’accusé avec des faits isolés et rassemblés par juxtaposition aléatoire ; en effet, aucun fait n’indique qu’il existe de lien ;
5. Bref, à la question de savoir où sont passés les 35 millions pouvant finaliser les travaux, la réponse est donc simple : la banque centrale. Puissiez vous avoir en mémoire que Jammal n’avait cessé de crier : libérer mes comptes gelés pour me permettre de finaliser les travaux me confies par le Président.
Il faut en déduire que ce procès n’aurais pu jamais avoir eu lieu. Il s’agit ni plus ni moins qu’une tentative délibérée de jeter dans la boue un adversaire politique pour les auteurs.
Formidable Mr Mumbere pour ces précisions. On peut donc déduire que vous êtes mieux informés que le défenseur des droits Kapiamba, l ong le Congo n est pas à vendre, l IGF qui s est désolidarisée de la décision prise par la cour d appel et tant d autres associations qui contrairement à vous œuvre dans vérité et pour la justice dans ce pays.