Les leaders de Lamuka n’ont pas clarifié la ligne politique de la coalition ce mardi à Lubumbashi. Un statu quo qui reporte une nouvelle fois la question de l’avenir de l’ancienne plateforme électorale de Fayulu, Katumbi et Bemba.
Après trois reports successifs et de multiples tergiversations sur la présence ou non des trois leaders de l’opposition, la réunion des cadres de Lamuka s’est finalement tenue ce mardi dans le fief de Moïse Katumbi à Lubumbashi. Mais une absence a été particulièrement remarquée : celle de Jean-Pierre Bemba, retenu officiellement pour des problèmes de transports. Absence d’autant plus étonnante, que c’est lui qui prendra la succession de Moïse Katumbi à la tête de la coordination de la coalition pour les trois prochains mois. Le patron du MLC s’est fait représenté par la secrétaire générale de son parti, Eve Bazaïba.
Dissolution ?
Au-delà de l’absence très commentée de Jean-Pierre Bemba, le principal enjeu de la réunion de Lubumbashi était ailleurs. Car dans la bouche des observateurs, un mot était sur toutes les lèvres : dissolution. Depuis la défaite de leur champion, Martin Fayulu, à la présidentielle de décembre, le mouvement est bord de l’implosion. Deux membres de la coalition ont déjà quitté le navire pour rejoindre, de près ou de loin, le président Tshisekedi. Antipas Mbusa Nyamwisi espère faire partie de la prochaine équipe gouvernementale, et Freddy Matungulu a été proposé par le nouveau président pour représenter la RDC au conseil d’administration de la Banque africaine de développement (BAD).
Statu quo
Au coeur des dissensions se trouve la stratégie à adopter vis à vis de Félix Tshisekedi, issu comme eux de l’opposition, mais qui a conclu un accord de coalition controversé avec l’ancien président Joseph Kabila. Un « deal inacceptable » pour Martin Fayulu, qui continue de revendiquer la victoire à la présidentielle de 2018. Au final, la réunion de Lubumbashi n’a rien tranché et rien clarifié sur la ligne à tenir face au nouveau pouvoir. La déclaration commune devrait contenter tout le monde et reprend pour l’essentielle les précédentes revendications de Lamuka, depuis la défaite de Martin Fayulu. La plateforme revendique une nouvelle fois sa victoire à la présidentielle et accuse le pouvoir d’avoir « fabriqué » les résultats, avant de dénoncer « la persistance de la corruption, la détérioration des conditions de vie de la population, l’augmentation des inégalités sociales et l’insécurité ».
Deux lignes opposées
Sur les actions à mener, Lamuka n’a finalement pas tranché entre les deux lignes politiques de la plateforme, tenus par Martin Fayulu et Moïse Katumbi. Le candidat malheureux de la présidentielle prône une opposition radicale pour exiger « la vérité des urnes », alors que l’ancien gouverneur du Katanga préfère une opposition « républicaine et vigilante ». Dans le rôle de l’arbitre, Jean-Pierre Bemba n’a finalement jamais vraiment fait penché la balance vers une ligne claire. Dans chacune de ses sorties médiatiques, l’ancien vice-président congolais a régulièrement avancé des arguments qui contentaient les deux lignes politiques, maintenant ainsi une ambiguïté sur stratégie personnelle.
Lamuka, un label pour 2023
Dans cette course à trois, avec en ligne de mire la présidentielle de 2023, Fayulu, Katumbi et Bemba tentent de maintenir dans une sorte de coma artificiel, une plateforme électorale, qui une fois passé les élections, n’a plus vraiment raison d’être. Mais l’étiquette Lamuka reste attractive pour tout candidat à la prochaine présidentielle. Et c’est ce butin que les trois leaders de l’opposition ne veulent pas laisser à leurs concurrents. Martin Fayulu espère encore capitaliser sa popularité acquise pendant la campagne de 2018 pour rester incontournable lors du prochain scrutin. Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba, qui n’ont pas pu se présenter aux dernières élections, comptent bien profiter de cette plateforme qu’ils ont contribué a lancé, a financé et qui devait les remettre en selle pour le prochain scrutin de 2023.
Pour l’instant, personne n’a vraiment intérêt à lâcher une étiquette qui compte désormais dans le paysage politique congolais. Le MLC de Bemba est à reconstruire, Ensemble de Katumbi est à développer, et l’Ecidé de Fayulu est inexistant en dehors de la plateforme. Il est donc fort à parier que la coalition Lamuka, même sous perfusion, continuera encore à survivre. Reste à savoir, qui gardera finalement le label pour la présidentielle de 2023 ?
Christophe Rigaud – Afrikarabia