Les meurtres ont augmenté de 7% depuis novembre dans l’Est du pays, où l’armée lutte contre les groupes armés. Selon le Baromètre sécuritaire du Kivu du Groupe d’Étude sur le Congo, « l’armée congolaise est dépassée (… ) et ne paraît pas en mesure de faire cesser les exactions contre les civils ».
Avec 210 décès violents enregistrés en janvier dans les provinces du Kivu, le premier mois de l’année 2020 devient le plus meurtrier depuis le début des relevés du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST) en juin 2017. Le décompte du Groupe d’Étude sur le Congo (GEC) relève plusieurs foyers de tensions, où les groupes armés restent particulièrement actifs. Beni, Walungu, Fizi, Uvira, Butembo, Rutshuru… Dans ces territoires, les conclusions du GEC sont sévères sur le rôle d’une armée congolaise « dépassée » qui « ne paraît en mesure de faire cesser les exactions contre les civils. Elle est confrontée à de graves problèmes logistiques. Ses grandes offensives semblent terminées dans le territoire de Beni, elle s’interpose peu sur les hauts plateaux de Fizi et Uvira ou dans le petit nord, et fait partie des belligérants ayant commis les principales exactions lors de l’opération contre le CNRD. »
Aucune preuve de la défaite des ADF
Dans la région de Beni, en proie aux attaques féroces des groupes armés, attribués principalement aux Forces démocratiques alliées (ADF), « le nombre de civils tués a connu une baisse relative avec 94 victimes » note le Baromètre. Mais si l’armée congolaise a fait des déclarations tonitruantes début janvier, en annonçant la chute du quartier général des ADF et la mort de 5 chefs du groupe armé, « aucune de ces « neutralisations » n’a pu être vérifiée » précise le GEC. « Aucune photo ou preuve de leur mort n’ont été avancés. »
Selon ces experts, « une partie au moins des ADF ont échappé aux opérations des FARDC, qui se sont déroulées à l’Est de cet axe, et ont réussi à se regrouper dans de nouveaux sanctuaires. » Des ADF seraient désormais présents dans le territoire de Mangina, en Ituri. Fait inquiétant et symptomatique de la collusion entre l’armée congolaise et certains groupes armés, qui servent de supplétifs, « les FARDC auraient noué une alliance avec les mai-mai Uhuru » dans l’Ouest de la région de Beni.
Moral en berne
Dans le « petit Nord », le nombre de civils tués a doublé en janvier 2020. Les rebelles FDLR-RUD ont notamment affronté à trois reprises les FARDC, « dont le moral semble très bas. » Le 3407e régiment basé à Nyanzale, a fait « grève » pendant plusieurs jours pour protester contre le « détournement » de leurs rations alimentaires. Au Sud-Kivu, l’armée congolaise traque les rebelles Hutus rwandais du CNRD. Selon le rapport du GEC, « plusieurs sources des autorités locales ainsi qu’un officier congolais, affirme que des militaires rwandais (RDF) ont participé à ces affrontements aux côtés des FARDC. Certains de ces mêmes observateurs ont décrit ces combats comme un conflit entre frères rwandais.»
Dernière source d’inquiétude, la zone de Fizi, Uvira, où des milices issues de la communauté banyamulenge (Ngumino et Twiganeho) s’opposent à des milices des autres communautés présentes sur le territoire. Mais là encore, « du fait de cette insécurité persistante, un regain de mobilisation des milices a été observée » précise le GEC, avant de dénoncer l’échec des démobilisations volontaires, faute de structure d’accueil, notamment dans les territoires de Lubero, Kalehe et Shabunda. »
Christophe RIGAUD – Afrikarabia